Partager un jardin en plein cœur de Moulins
Les AJOnc, acronyme des Amis des Jardins Ouverts et néanmoins clôturés, est un réseau de jardins partagés dans les Hauts-de-France. Sa devise : « (re)créer du lien social grâce à la nature ». L’association a implanté un jardin dans chaque quartier lillois.
Marchez seulement deux minutes après la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales. Entrez dans la courette de la Cité Benjamin.. Entrez dans la courette de la Cité Benjamin. Frappez à la première porte et rencontrez Juliette Denu, habitante-jardinière de Moulins. Elle vous fera visiter avec plaisir le « Jardin des Retrouvailles ». Ce jardin partagé situé au cœur du quartier populaire de Lille est le plus ancien de France. Il a été créé par l’association des AJOnc sur un terrain vague en 1997.
Derrière la petite porte blanche en bois de l’espace vert, un air frais circule grâce aux nombreux arbres fruitiers : pêchers, groseilliers, pommiers, poiriers… Une petite serre et de modestes carrés potagers produisent des légumes : tomates, radis, potirons… La responsable des lieux estime la production suffisante pour nourrir une famille. « Mais il y a un gros potentiel », assure-t-elle. En effet, si toute la surface était convertie en espace de production alimentaire selon les règles de la permaculture, le jardin pourrait rendre plus d’une tonne de fruits et légumes à l’année. « Ici, tout le monde peut se servir selon ses besoins et aider aux travaux quand bon lui semble. »
Des animaux déambulent : poules pondeuses sauvées de l’abattoir, canards coureurs indiens mangeurs de limaces, chats errants adoptés… Des espèces protégées trouvent refuge dans la mare et les bois : tritons alpestres, grenouilles, crapauds et chauve-souris. « Une petite réserve naturelle. » Juliette Denu pense que tous ces animaux contribuent à réunir les habitants dans ces lieux protégés de l’agitation urbaine.
Le terrain mis à disposition par la mairie de Lille mesure environ 200 m2. Il est aménagé comme un lieu de promenade et de détente avec des canapés, une roulotte, un hamac. Les habitants viennent quand ils le souhaitent. Toute la diversité du quartier populaire se retrouve dans cet « oasis de verdure » pour « un retour à la nature ». À l’intérieur, un sentiment apaisant enveloppe les visiteurs. Le bruit de la circulation, le vacarme des chantiers et l’odeur des pots d’échappement sont stoppés par la végétation. Une fois par mois, les crèches du quartier profitent du jardin. Juliette aimerait mettre en place davantage d’activités pour faire entrer la population dans ces lieux privilégiés.
Succès de la permaculture
Les AJOnc, c’est une association au nom amusant dirigée par Benjamin Gourdin. Son
succès fait crouler son directeur sous les demandes d’interviews et les dossiers de subvention. Sa devise : « (re)créer du lien social grâce à la nature ». La structure défend la protection de la nature et l’éducation à l’environnement et à la permaculture. « La permaculture repose sur trois piliers : respecter la terre, respecter les humains et partager. Concrètement, on n’apporte aucun intrant chimique dans le sol, on se retrouve avec bienveillance et on partage tous les fruits et légumes à disposition », explique Juliette Denu. La militante écolo défend avec ferveur le mode de production permacole. « Il faut reconstituer les écosystèmes et replanter des arbres pour lutter contre le réchauffement climatique. »
Pour terminer cette visite, elle cite, pleine d’optimisme : « ”Agir rend heureux”, c’est Yann- Arthus Bertrand qui le dit et là je suis d’accord avec lui. » Elle encourage par exemple tous les citadins à mettre des plantes et des fleurs sur leurs fenêtres, sur leurs balcons, pour attirer et sauver les pollinisateurs.
Thibault Le Besne
Crédit vidéo: Martin Cribier
L’édito:
Face au réchauffement climatique : restez chez vous, l’État s’occupe de tout.
Il faut rester 5 minutes sous sa douche, trier ses déchets, acheter bio… Voici autant d’incitations à changer nos manières de vivre qui se sont institutionnalisées dans le discours de la lutte contre le réchauffement climatique. La solution se trouverait à notre échelle, en chacun de nous, via la multiplication de petites actions. L’Etat semble adhérer à cette vision qui ne remet pas en cause sa responsabilité. Il participe via le ministère de la Transition Écologique à une campagne pour « apprendre les gestes simples » afin de « réduire mes factures d’énergies ».
Cependant des acteurs de la lutte contre le réchauffement climatique considèrent que ce n’est pas suffisant. Extinction Rebellion bloque des ponts, les jeunesses mobilisées pour les « Climate Strike » font grève et manifestent. Pour eux, le problème se trouve dans les décisions prises par les gouvernants. D’où l’intérêt de faire pression sur ces derniers. Mais ça l’État ne le voit pas d’un bon œil, ses services de police usent de gaz, de grenade et de flash-ball pour réprimer ces actions collectives. Emmanuel Macron, en tant que premier représentant de l’État, a conseillé aux manifestants “d’aller en Pologne” d’un ton méprisant auquel on se serait presque habitué (Pays responsable, selon lui, de l’inaction à l’échelle européenne).
Greta Thunberg (à l’initiative des « Climate Strike ») durant son discours à l’Assemblée nationale nous a rappelé que : « Le plus grand danger ce n’est pas le fait d’être inactif. Le plus gros danger c’est lorsque les entreprises, les politiques, font semblant d’agir alors que rien n’est fait. » Greta Thunberg et 15 autres jeunes ont lancé un recours en justice contre l’inaction climatique de la France mais aussi celle de l’Allemagne, de l’Argentine, du Brésil et de la Turquie. La portée symbolique de ce recours a permis de rappeler qu’aucun pays ne respecte les accords de Paris.
Face à l’État et à l’individualisme écologique, la lutte sera collective ou ne sera pas.
Jean-Deny Maudet