Craft-up, ou comment recycler en éveillant sa créativité
Avec Craft-up, Sebastian Chantraine propose des ateliers ludiques pour apprendre à fabriquer des objets du quotidien avec du carton. Son but : stimuler la créativité des intéressés tout en mettant en avant des valeurs écologiques.
Face à la catastrophe écologique que représente le plastique, il est devenu nécessaire de trouver d’autres matières premières pour fabriquer nos objets du quotidien. Parmi elles, le carton peut représenter une alternative viable puisque son taux de recyclage en France est de 65% contre 26,2% seulement pour le plastique. Le carton, constitué de plusieurs couches de papiers collées entre elles, apparaît donc plus naturel que le plastique, encore faut-il que tout le monde réalise l’importance de recycler cette matière. C’est dans cette optique que Sebastian Chantraine a créé Craft-Up une entreprise qui vise à travers des ateliers ludiques à rendre compte de l’importance de nos gestes dans ce processus.
Car si, a priori, le carton se recycle bien, « auprès des industries, on voit des quantités astronomiques qui sont jetées », nous dit Sebastian, et finalement « par rapport à la masse qui est fabriquée dans le monde, c’est un déchet qui est encore trop peu recyclé ». Ainsi, pour ses ateliers et les mobiliers décoratifs qu’il vend sur Internet, l’entrepreneur récupère lui-même le carton qu’il utilise : « On en trouve partout : dans les grandes surfaces, les petites boutiques ou parfois même dans la rue. C’est un déchet malheureusement, parce que c’est une matière qu’on peut juger noble, mais on vient à le jeter trop souvent. »
Un atelier qui mêle ludique et écologie
Le 5 octobre dernier dans la médiathèque de Villeneuve D’Ascq, Sebastian Chantraine propose donc de participer à la création (ou la décoration, pour les plus jeunes) d’un cadre photo à partir de carton qu’il n’achète pas mais récupère entièrement. Pendant près d’une heure, pour les moins expérimentés, Sebastian livre ses conseils pour réaliser l’objet. L’écologie se confond peu à peu avec le ludique : l’animateur nous guide dans la réalisation du cadre, corrige nos erreurs et nous explique comment on pourrait progresser si on voulait refaire l’expérience de notre côté. Si les débuts sont plutôt timides pour ceux qui n’ont pas l’habitude de pratiquer des activités manuelles, les gestes deviennent rapidement plus naturels. Et a priori, ça continuera d’aller en s’améliorant selon notre enseignant du jour : “Au début, c’est compliqué la découpe, ce n’est pas très droit… on a peur, il y a beaucoup de personnes qui ont peur de se couper. Au fur à mesure, on prend l’habitude et on a des objets de plus en plus aboutis. Les premières expériences sont toujours les plus difficiles. »
Dans les ateliers « ouverts à tous » comme celui proposé à la médiathèque de Villeneuve D’Ascq, l’intérêt est donc que tout en pratiquant une activité manuelle, les volontaires (qui sont de plus, souvent des enfants ou des adolescents) participent inconsciemment à une action écologique. Et si l’on apprécie l’expérience, on peut donc, avec les techniques apprises, la répéter chez soi. Néanmoins, il faudra pour cela du temps et du matériel : pour les novices, il a fallu compter une bonne heure pour réaliser et décorer son cadre et le matériel à disposition était celui d’un véritable professionnel (cutters, pistolet à colle…). Se servir de son carton pour faire des objets pratiques, c’est donc possible, avec un peu de motivation.
Un projet qui fait son trou
Des motivés, Sebastian Chantraine en connaît. Car si l’atelier du jour était ouvert à tous gratuitement, Craft up organise aussi des ateliers avec pré-inscriptions, en général plus longs pour mener des réalisations plus ambitieuses. C’est d’ailleurs là que l’aspect écologique du projet prend tout son sens, car les intéressés « sont majoritairement des personnes qui ont une conscience et qui veulent développer leur connaissance ou avoir quelques idées sur la manière de recycler ». Et la preuve que le projet fonctionne, c’est que certains reviennent plusieurs fois. Derrière nous pendant l’atelier par exemple, trois femmes semblent être des habituées. Sebastian précise : « On a des adeptes, forcément des personnes qui sont plus sensibilisées sur les gestes éco-responsables, sur l’écologie… ça touche encore malheureusement une faible partie de la population mais ça commence à grandir de plus en plus. »
Autre preuve que la formule fonctionne, c’est que le projet gagne du terrain. Sebastian, qui ne travaillait qu’avec la ville de Villeneuve-d’Ascq il y a quelque mois, constate que d’autres villes sont de plus en plus réceptives à ses propositions : « Je commence à voyager un peu plus, ça permet de découvrir diverses régions, diverses sensibilités. » Alors, même s’il est conscient que certaines mairies profitent de ses propositions pour améliorer leur image, Sebastian se satisfait de cette prise de conscience, et pense maintenant à diversifier Craft-up pour s’intéresser à de nouvelles matières.
Rémi Collenot
Contre-pied
La solution carton : une utopie déchu ?
Les dynamiques de ces dernières années en matière de lutte contre le plastique sont de plus en plus importantes. L’été dernier, une loi concernant l’interdiction de donner des pailles en plastique dans les bars a été mise en place. Les traditionnelles pailles en plastique colorées se voient peu à peu remplacées par des pailles en métal.
Alors que l’Etat met en place de nombreuses lois et réformes pour sensibiliser la population sur l’usage excessif de plastique, et parallèlement des mesures qui prônent l’utilisation d’un carton plus « éco-responsable », quel impact aura cette annonce du Bureau européen des consommateurs (BEUC) ? Selon une étude récente de cette fédération d’associations, le carton peut se révéler être un emballage encore plus dangereux pour la santé que le plastique. En effet, c’est du fait des différents types d’encres utilisés sur l’emballage de certains produits que le carton a été diagnostiqué dangereux pour la santé des consommateurs. « Ces encres libèrent des produits chimiques dans les aliments, et au final, dans notre organisme », nous informe l’étude du BEUC. Certains de ces produits chimiques sont notamment à l’origine de cancers des poumons ou des voies urinaires.
Bien plus qu’un simple problème d’emballages, la question du carton et du plastique est un enjeu sociétal international. Les mesures prises par les Etats sont-elles suffisantes pour faire face à cette préoccupation ? Quel est-alors le rôle des géants de l’industrie, du transport de marchandises et de l’emballage dans tout cela ?
Une chose est sûre, à l’avenir, les citoyens français vont devoir changer leurs habitudes de consommation s’ils veulent envisager un avenir avec moins de cancers et sans trop de dérèglements climatiques.
Nathan Merchadier