L’habitat intergénérationnel, ensemble face à la précarité
Posted On 29 novembre 2019
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Crédit photo : Hugo Marrequeste
Créée en 2006, l’association Ensemble2Générations propose aux étudiants et aux personnes âgées de se retrouver dans une colocation intergénérationnelle. Ce type de logement, présent dans toute la France, entend lutter contre la précarité étudiante autant que contre l’isolement des seniors.
Le 8 novembre, un étudiant lyonnais s’immolait devant un bâtiment du Crous. Une des raisons de ce geste : la précarité. En 2016 et selon l’Insee, ce sont 20,8% des étudiants qui vivent sous le seuil de pauvreté. Un chiffre qui fait peur et dont les causes sont diverses. Le coût du logement n’est pas en reste. Les étudiants sont parmi les premiers touchés par la hausse du prix du marché immobilier. Doublée d’une crise du logement, trouver le lieu de vie alliant prix et environnement corrects s’avère compliqué.
C’est pour cela qu’Ensemble2Générations s’est lancé dans le logement intergénérationnel. Trois formules sont proposées aux étudiants : une gratuite et deux payantes. Dans le cas de celles-ci, les prix restent bien en dessous des 515€ que payent, en moyenne et tous les mois, les étudiants. La « formule éco » comprend 390€ par an, correspondant à la cotisation pour l’association, et 100€ par mois pour les charges. Quant à la formule « logement solidaire », qui demande une présence un peu plus régulière de l’étudiant, les frais s’élèvent à 300€ par an pour l’association et entre 250 et 500€ pour l’occupation du logement, calculé en fonction de la localisation de celui-ci (le prix le plus élevé étant réservé à l’Île-de-France).
Quelle que soit la formule choisie, le principe reste le même. Une personne âgée propose de partager son logement avec un étudiant en pleine recherche, qu’il soit français ou étranger. L’association s’occupe ensuite de former les binômes parfaits et le tour est joué. Aucune restriction particulière pour l’étudiant, il doit simplement être présent à l’heure du dîner, passer un peu de temps avec son colocataire et le dépanner si nécessaire, bien que cela reste peu courant.
Une expérience avant tout humaine
« Le but, c’est de créer une vie de famille », explique Joëlle Henrotte, chargée de mission dans le département des Hauts de Seine depuis dix ans. La bonne entente est la clé du fonctionnement de ces colocations et l’attention des bénévoles se porte tout particulièrement sur les centres d’intérêts. Pour cela, un entretien entre la personne âgée et le bénévole ainsi qu’entre l’étudiant et ce même bénévole sont organisés afin que la compatibilité des deux colocataires soit assurée. Ainsi, mettre une ancienne professeure de piano et un étudiant en musique ensemble s’est avéré logique pour Joëlle. « Ça rend à la fois service aux étudiants, qui peuvent profiter de l’expérience et des relations des personnes âgées, et aux seniors qui ont ainsi des motifs de satisfaction en ayant un rôle à jouer. » C’est donc avant tout le partage entre génération qui compte. Un principe malheureusement souvent relayé au second plan, l’attrait économique le devançant.
Crédit vidéo : Romain Bitot
Mais se lancer dans l’aventure du logement intergénérationnel peut se montrer compliqué, autant pour les seniors que pour les étudiants. Les préjugés sont parfois très ancrés dans les esprits et il faut se faire violence pour oser les remettre en question. La peur de l’inconnu et de la perte d’intimité jouent aussi en défaveur de ces logements. Si l’on ajoute à tout ça la méconnaissance de ce type d’hébergement, on comprend mieux pourquoi le logement intergénérationnel ne connaît pas un succès plus important.
Alors oui, les logements proposés par les associations comme Ensemble2Générations sont une très bonne solution contre la précarité étudiante. Mais sont-ils pour autant suffisants? Ils ne répondent en effet qu’au problème de logement. Or la précarité ne se résume pas qu’à cela. Le coût de la vie, des études ou des transports sont autant de problèmes qui restent sans réponse. Les logements intergénérationnels semblent alors n’être qu’une solution partielle à un problème bien réel auquel il apparaît pour l’instant bien compliqué de répondre.
Laura Merceron
A la fin d’octobre dernier, dans la capitale espagnole, le corps sans vie d’une octogénaire a été retrouvé dans son appartement. Quinze ans après son décès. Si cette annonce peut être choquante, il est illusoire de croire qu’il s’agit là d’un cas exceptionnel. Selon une étude menée par la Fondation de France, en 2014 près d’un quart des Français de plus de 75 ans était isolé de tout cercle amical et familial ; derrière ce qui ne sont que des statistiques, il y a des femmes et des hommes qui, pour une raison ou une autre, sont oubliés jusqu’à parfois produire ce fait-divers sordide. En plus d’un effet psychologique important, l’isolement social est facteur d’une perte d’autonomie plus précoce chez les seniors qui, par l’absence de proches, sont bien moins pris en charge.
Réduire le logement intergénérationnel à une solution pour la précarité étudiante est donc assez partiel et l’isolement des personnes âgées est l’autre problème sociétal visé, certes plus silencieux – il serait pour le moins insolite que des seniors descendent dans les rues pour protester contre leur solitude. Ce dispositif et d’autres mis en place par certaines associations comme Monalisa, permettent de comprendre que la solution face à l’isolement ne se restreint pas aux proches.
Évidemment le logement intergénérationnel n’est, seul, pas suffisant et ne remplace pas le cercle familial et amical. Mais il peut être une partie de la réponse apportée à un problème à première vue privé, face auquel il est possible de ne pas rester impuissant.
Apolline Le Romanser
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