« Liaisons vitales » : L’art du vivre ensemble est dans la nature
Jusqu’au 20 avril 2020, c’est également l’occasion d’avoir un point de vue différent : au-delà de la lutte acharnée et sans pitié pour la survie dans le monde animal, “Liaisons vitales” met en lumière les relations de coopération intra et inter-espèces.
Des enfants qui courent. Des parents qui transmettent leur savoir et canalisent leurs enfants en leur montrant l’ours, là-haut dans la vitrine, qui risque de se réveiller s’ils ne se calment pas. Des yeux vitreux, un poil dru et sec, une action figée pour l’éternité… cet ours-là ne risque pas de faire le moindre mal. Il est empaillé. Le musée d’Histoire Naturelle de Lille abrite plus d’une centaine d’espèces différentes, l’occasion de voir de plus près la diversité dont parle les documentaires animaliers.
S'inspirer des sociétés animales
Muriel Lecouvez, Commissaire de l’exposition et Chargée de collection zoologie au Musée d’histoire naturelle de Lille, indique que cette exposition est inspirée par la problématique de l’utopie amenée par Lille 3000. Son utopie, “un monde idéal plein de bienveillance”, l’amène à réfléchir aux règles de vie et du vivre ensemble en société. Elle s’est alors posée les questions suivantes : que signifie vivre en société pour l’espèce humaine ? Quelle est l’importance des comportements de collaboration dans la nature ? En quoi les sociétés animales peuvent-elles nous inspirer ?
Ainsi, cette exposition cherche des réponses. Elle met en valeur les liens de collaboration et le vivre ensemble qui existent dans le monde animal en s’appuyant sur des exemples concrets. C’est aussi l’occasion d’interroger le rapport que l’être humain entretient avec ce monde, que ce soit avec les animaux domestiqués ou les animaux sauvages.
Près de soixante animaux naturalisés sont exposés pour traiter ces problématiques. Pour y répondre, “Liaisons vitales” s’appuie sur la zoologie, l’ethnologie et la sociobiologie. Elle met en lumière des recherches très actuelles. L’exposition est divisée en plusieurs sections : accéder à la nourriture, partager une culture, prendre soin des jeunes, se protéger des prédateurs, ou encore le goût des autres. Toutes ces sections permettent de prendre la mesure de la pluralité des comportements positifs présents dans la nature.
Comportements positifs
L’exposition présente plusieurs illustrations concrètes. L’action collective est abordée, où l’union fait la force non seulement pour se nourrir en chassant ou pour se protéger des prédateurs. Tout comme les êtres humains, certaines espèces s’organisent selon des rôles précis. Les suricates se relaient pour surveiller la venue d’éventuels prédateurs et donner l’alerte par exemple. Pour prendre soin des autres, là aussi l’être humain n’a pas le monopole : lorsque les singes s’épouillent, au-delà de l’aspect hygiénique, ce sont des gestes d’attention qui permettent de réduire le stress de son partenaire. Ce sont des coopérations intra-espèce, mais « Liaisons vitales » mentionne aussi les liens inter-espèces.
Dans les parcs zoologiques où les animaux sont parfois victimes de dépression, séparés de leurs congénères, la recherche de soutien chez un autre que son semblable est fréquente. Cette coopération inter-espèce peut aussi être de l’ordre du compromis. Le trochile, un oiseau petit et vulnérable, vient picorer les sangsues dans la bouche du crocodile lorsque qu’il vient bailler hors de l’eau. L’oiseau se nourrit tout en rendant service. Le crocodile, pourtant prédateur, le laisse en paix et ne le mange pas pour conserver les bénéfices de ce service. Cet exemple renvoie à des comportements que l’on attribue généralement aux humains, où il y a tolérance de l’autre car besoin mutuel.
Des représentations stéréotypées
« Liaisons vitales » propose de s’inspirer des animaux pour faire société. Dans la littérature, certains auteurs utilisent plutôt ceux-ci pour dénoncer des problèmes de sociétés, en usant de représentations. C’est le cas de Jean de La Fontaine qui utilise les animaux pour critiquer la cours et le Roi sans se faire inquiéter. Ces représentations qui semblent anodines peuvent pourtant avoir des conséquences sur les liens entre l’être humain et le monde animal.
L’agneau est doux, sensible et naïf tandis que le loup est un prédateur sanguinaire. Le petit Chaperon Rouge a marqué les esprits de chaque enfant, personne ne veut trouver le Grand Méchant Loup sous son lit étant petit. Ces « clichés » induisent des comportements. Ils participent probablement aux difficultés pour le loup d’être réintroduit dans certaines régions car il est vu comme une menace en tout point.
D’autres représentations sont plus positives : les chiens sont gentils, les chats sont hypocrites mais affectueux. Une fois que les animaux sont domestiqués, même si ce sont au départ des prédateurs, la coopération inter-espèce devient évidente.
Comprendre et apprendre
A l’heure où l’être humain semble être dans une démarche de compréhension de la nature, à l’heure où l’écologie prend de plus en plus d’ampleur, l’angle pris par « Liaisons vitales » est plus que nécessaire. Les recherches autour de la coopération permettent de mettre en évidence que certains comportements et logiques « humains » sont aussi répandus dans la nature. La survie n’est pas que violence, elle est aussi lien social et vie en communauté. Comme le dit Muriel Lecouvez, en en apprenant plus sur les animaux, nous en apprenons également plus sur nous mêmes.
Romane Morel
Crédit photos : Coppélia Piccolo
Retour sur la théorie de l'évolution de Darwin
Vers une sixième extinction de masse ?
Les extinctions de masse ont rythmé l’histoire de la Terre depuis 445 millions d’années. Cinq fois déjà un nombre important d’espèces s’est brusquement volatilisé de la surface de la Terre. La dernière en date est vieille de 65 millions d’années, et a vu s’éteindre les dinosaures.
Aujourd’hui, un nombre florissant d’études évoque une sixième extinction de masse mettant en cause les changements climatiques et la disparition des habitats naturels.
En Février 2019, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) publie un rapport qui insiste sur la réduction de la diversité végétale dans les champs des agriculteurs, l’augmentation du nombre de races d’élevage menacées de disparition, et la hausse de la proportion de stocks de poissons surexploités. Tant de phénomènes qui illustrent la crise écologique majeure à l’œuvre aujourd’hui, une sixième extinction de masse.
60% des lieux naturels ont été dégradés au cours des cinquante dernières années. Des espèces animales, végétales, et des écosystèmes entiers sont touchés. D’ici 2050, 25 à 50% des espèces risquent de disparaître.
Les modes de production de l’industrie agro-alimentaire sont tenus responsables concernant ces 15 000 espèces menacées de disparition à travers le monde. Par la chasse, l’introduction d’espèces invasives, la monoculture ou encore la surpêche, l’Homme modifie les standards géologiques de la planète. L’action humaine attaque directement la biodiversité.
A l’échelle individuelle, il apparaît difficile de lutter contre un phénomène si vaste, si puisant. Pourtant, l’ONG World Wildlife Fund (WWF), en français Fondation pour le monde de la vie sauvage, offre des conseils, propose des gestes quotidiens pour tenter de préserver la diversité des écosystèmes, des espèces, qui peuplent la Terre.
Jeanne Philippe