L’association Solfa, aider les femmes face aux violences conjugales
L’association Solfa, basée à Lille, aide au quotidien des dizaines de femmes victimes de violences conjugales en mettant en place un ensemble de solutions à la fois matérielles, psychologiques et préventives.
Depuis le début de l’année civile, 137 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Ce constat sans appel interpelle, alors que s’est clôturé lundi 25 novembre le Grenelle contre les violences conjugales. Quand la spirale du fléau féminicide ne dégrossit pas, l’association Solfa (Solidarités Femmes Accueil) lutte avec tous ses moyens pour porter réconfort et accompagnement à des victimes silencieuses ne sachant pas vers qui se tourner.
Décomposée en différents pôles basés sur la Métropole lilloise, parmi lesquels l’Ecoute Brunehaut et le centre d’Accueil de jour Rosa, cette association vieille de 72 ans propose un suivi psychologique particulier aux victimes.
Elles peuvent à tout moment composer le numéro de l’Écoute Brunehaut pour trouver une voix qui les conseille et les réoriente en fonction de leurs besoins. Magali Duriez, assistante sociale au pôle violences faites aux femmes chez Solfa depuis 11 ans, confie : « On ne sort pas des violences conjugales toute seule. » Les victimes rompent en effet souvent le lien avec leur famille ou leurs proches : une des missions du personnel est de leur offrir les aides les plus adaptées à un moment où elles ont le sentiment d’être abandonnées.
Des soutiens administratifs sont ainsi apportés aux femmes. Le premier rôle de l’Accueil de jour Rosa est d’assister les femmes plongées dans un appareil judiciaire éreintant. Des avocats peuvent être assignés et les dépôts de plainte sont facilités au cas par cas. Cet accueil de jour donne de petits coups de pouce pour tout ce qui concerne le processus de rupture avec le conjoint. Par exemple, l’installation d’une bagagerie permet d’entreposer des effets personnels qui seront récupérés une fois la séparation actée. La domiciliation postale affecte également la distribution du courrier à une adresse différente de celle de l’ex-conjoint. Ces aides d’apparences minimes sont en réalité déterminantes pour que la victime se lance dans une nouvelle vie.
Se redécouvrir
Reconstruire des vies brisées est aussi un engagement du centre d’accueil de jour Rosa. La tenue tous les vendredis matin d’un atelier collectif permet aux victimes de se réapproprier leur corps. Pour cela, le planning familial intervient, tout comme l’association AIDES qui effectue des dépistages. Mais outre cette redécouverte de soi, c‘est bien la reprise de confiance et de considération personnelle qui est recherchée : « L’échange entre pairs est bien plus important qu’un simple entretien avec un travailleur social, explique Magali Duriez, elles ne sont pas que victimes de violences conjugales, elles sont aussi femmes ! Ce n’est pas simple de sortir des violences, de poser en mots ce qu’elles vivent au quotidien. »
Si les femmes continuent à être victimes de violences, c’est que le travail d’éducation des écoles et des familles est en partie défaillant. L’association mobilise ses collaborateurs afin de mener une campagne de sensibilisation au sein des maternelles et des écoles privées. « On est encore dans une société patriarcale, constate amèrement Magali Duriez, notre but est de briser les stéréotypes de genre. » L’objectif est de repartir sur des bases neutres : les futurs adultes de notre société sont les enfants d’aujourd’hui.
Néanmoins, on oublie trop promptement que dans un conflit familial aussi traumatisant que les violences conjugales, des victimes collatérales peuvent poindre. Dans le cas actuel, ce sont les enfants qui, choqués, risquent de se murer dans le silence ou reproduire les comportements agressifs de leur père. Autre questionnement : l’investissement de l’Etat dans la lutte contre les violences faites aux femmes. « On attendait beaucoup de ce Grenelle, on est très déçus, se désole Magali Duriez. Nous manquons de moyens financiers pour avoir un accompagnement efficace. On ne peut pas ouvrir de nouveaux centres, les listes d’attentes font des kilomètres et embaucher des salariés nous est impossible ! » Le manque d’actions de la justice est aussi l’un des obstacles dirimants de cette lutte : seules 18% des mains courantes aboutissent à une enquête, ce qui est trop peu voire insignifiant au vu des chiffres alarmants des féminicides. Les faits sont là, éloquents, et le problème doit encore être combattu avec véhémence.
Romain Bitot
Crédits photos : Sana Meziani
Les féminicides en chiffres
© Hugo Marrequeste
Les enfants, victimes collatérales enfin prises en compte
En 2018, 67 enfants ont perdu leur père ou leur mère à cause de violences conjugales. Parmi eux, 29 ont été témoins du meurtre. Certains ont assisté à la scène, d’autres ont découvert le corps et ont même parfois prévenu la police. Si le nombre de féminicides est connu, les enfants sont loin d’être la question au cœur du débat. Leur prise en charge est d’ailleurs globalement insuffisante, ce qui ne fait qu’augmenter le risque de les voir reproduire ce qu’ils ont vécu ou devenir victimes à leur tour. Mais le Grenelle contre les violences faites aux femmes, qui s’est terminé le 25 novembre, semble enfin prendre en compte l’existence de ces enfants.
C’est tout d’abord une généralisation des centres d’accueils pédiatriques qu’Édouard Philippe a annoncée, permettant une meilleure prise en charge et un meilleur suivi de ces victimes collatérales. Jusqu’à présent, le suivi psychologique n’était pas systématique et seules des initiatives locales le permettaient. Le « Protocole féminicide » de Seine-Saint-Denis, créé en 2013, est l’un d’eux et a aidé 25 enfants. En supprimant l’obligation de subvenir aux besoins du parent condamné pour le meurtre du second, c‘est aussi la fin des « absurdités juridiques » qu’a promis le Premier ministre.
Des mesures qui semblent, sur le papier, être un bon premier pas vers la pleine prise en charge de ces victimes collatérales trop souvent relayées au second plan.
Laura Merceron