Devenir une famille “zéro déchet”, ou comment concilier écologie et économie(s)
Voilà cinq ans qu’Andrée et son mari Guy sont des adeptes du « zéro déchet ». Membre d’un programme soutenu par la ville de Roubaix, le couple de retraités a considérablement réduit ses ordures et diminué sa consommation d’énergie. Une démarche écologique qui leur a aussi permis d’améliorer leurs finances.
Le tout tient dans un ancien paquet de croquettes pour chat. « Il n’est pas recyclable, alors je l’ai reconverti en poubelle. L’an dernier, je n’ai produit que 360 grammes de déchets non recyclables. » Dans son appartement HLM à quelques pas de la Grand-Place de Roubaix, Andrée Nieuwjaer est devenue une experte en recyclage, tri sélectif ou autre production de cosmétiques maison. Cette jeune retraitée participe depuis maintenant 5 ans au programme « zéro déchet ». Une initiative soutenue par la municipalité roubaisienne, qui octroie un bac à compost à chacune des 500 familles qui prennent part aujourd’hui à cette opération.
Avec son mari Guy, Andrée a été l’une des premières habitantes de la commune à s’investir dans cette démarche écologique. Alors en difficulté financière, le couple cherche un moyen de faire des économies. « Le déclic, c’est quand j’ai reçu un tract dans ma boîte aux lettres, qui évoquait un atelier à propos de l’opération ‘’zéro déchet’’. On s’y est rendu et on a signé pour commencer l’expérimentation. »
Les premières semaines d’expérience n’ont pas été des plus aisées pour le couple. « Il a fallu y aller progressivement. On ne connaissait vraiment rien au zéro déchet. » Peu à peu, Andrée s’adapte à ce nouveau mode de vie. D’abord « en commençant par trier les poubelles ». Puis, au fil des mois, en achetant la nourriture en vrac, en fabriquant ses produits ménagers elle-même ou encore en apprenant à gérer un compost. « Dès la première année, j’ai réduit de 85 % mes déchets. »
L’ancienne ouvrière du textile cultive aussi ses propres légumes, dans un potager qu’elle loue 23 euros par an à la mairie. Au fil des saisons, elle peut ainsi profiter de produits frais et à faible coût, tout en tissant de nouveaux rapports humains. « On ne peut pas vendre nos légumes. Par contre, on a le droit de faire du troc : si une de mes voisines de potager a beaucoup de tomates, je peux lui échanger contre des fraises, par exemple. » Une manière, aussi, de concilier écologie et lien social.
Après cinq années pleinement impliquées au sein du programme, Andrée et Guy espèrent maintenant convaincre un maximum autour d’eux de l’importance d’adopter ce mode de vie, qu’ils estiment finalement « peu contraignant ». « Beaucoup de personnes me disent qu’elles travaillent, qu’elles n’ont pas le temps pour réduire leurs déchets, explique Andrée. Je leur réponds que même en cinq minutes elles auraient le temps de fabriquer leur propre lessive. Et en une heure, elles peuvent même remplacer tous les emballages par des bocaux en verre dans leurs placards ! »
Au-delà des bienfaits environnementaux évidents du programme « zéro déchet », les économies financières induites par ce mode de vie ont donc convaincu le couple à poursuivre son action. « Quand on voit le résultat, cela pousse à continuer. » Surtout quand après des années difficiles, Andrée peut enfin faire plaisir à ses proches. « Grâce à mes économies, cette année, j’ai pu offrir 100 euros à chacun de mes enfants pour leurs étrennes, acheter des cadeaux de Noël à mes petits-enfants, aider ma fille à acheter son frigo… Avant, tout ça, je ne pouvais pas le faire. »
Théodore AZOUZE
3 questions à la ville de Roubaix
Alexandre Garcin, adjoint au développement durable à la ville de Roubaix, répond à nos questions sur le programme zéro déchets :
Quels moyens ont été mis en place par la ville pour atteindre l’objectif zéro déchet ?
L’idée était de parvenir à engager tous les acteurs dans la démarche, que ce soient les citoyens, les commerçants, les entreprises ou encore les écoles. Pour cela, nous avons instauré un programme d’accompagnement dans les écoles, créé des ateliers, facilité l’installation et la promotion de commerces zéro-déchet etc. L’objectif était de construire une équation écologique positive permettant plus de lien social tout en alliant une meilleure alimentation à une hausse du pouvoir d’achat.
Quelle proportion de la population est concernée ?
Actuellement, on compte potentiellement 25 à 30% de la population roubaisienne qui serait touchée et intéressée par ces thématiques. Le but c’est de parvenir à 50% pour pouvoir espérer un effet de bascule qui intégrera par la suite la majorité des habitants dans la démarche. Il y a déjà plus de 1100 familles zéro-déchet à l’échelle de la métropole et 16 communes sont engagées dans le projet.
Qu’est-ce que cela représente au niveau du budget ?
Actuellement, le projet est subventionné par l’agence de l’environnement avec laquelle nous avons signé une convention de démonstrateur national de la conduite du changement qui donne droit à une subvention annuelle de cent mille euros, à laquelle s’ajoutent également les cent mille euros investis par la ville. Cependant ce budget sera revu à la hausse dans le futur pour parvenir à véritablement changer la donne.
Fanny DONNAINT