Le 29 octobre 2019, dans le complexe Sportica de Gravelines, neuf jeunes de 18 à 27 ans pratiquent le parkour dans le cadre d’un stage, « une discipline sportive acrobatique qui consiste à franchir des obstacles urbains ou naturels pour se déplacer ». Le but de cette formation, travailler sur les valeurs transversales nécessaires au monde professionnel afin d’intégrer un métier de la fibre optique.
Le passage de l’école au marché du travail se révèle être un exercice périlleux : un manque de suivi dans l’orientation des élèves, des difficultés à trouver sa voie, l’incapacité de rédiger un CV ou une lettre de motivation, la peur de contacter des employeurs, les rejets à répétition sont autant d’obstacles à surmonter. La jeunesse actuelle a beau devoir « traverser la rue » pour trouver un emploi, le chômage continue de progresser chez les moins de 25 ans (+ 0,7 %, de début juillet à fin septembre 2019) alors que la demande d’emploi est en net recul pour le reste de la population.
Savoir valoriser la pratique sportive
Face à ce constat, Parkour 59, présidé par Larbi Liferki en partenariat avec l’Agence pour l’éducation par le sport (APELS), fait vivre le dispositif Déclics sportifs. Ce programme vise l’insertion sociale et professionnelle des jeunes par le sport.
Ceux qui aiment à s’appeler « Yamakasi » le temps d’une après-midi, s’encouragent et s’entraident tout au long des exercices proposés par Houcine, l’intervenant de Parkour 59. Cette initiation n’est pas sans lien avec leur objectif professionnel : devenir installateurs de réseaux de communication. Dans ce métier ils seront confrontés aux notions de vertiges, précision, équilibre, sécurité. Autant de valeurs que la pratique du parkour peut leur transmettre. Larbi Liferki met surtout en avant l’apprentissage de la confiance en soi et de la gestion de la peur à travers la répétition et la persévérance. « Nous sommes convaincus qu’un jeune qui est dans le sport depuis qu’il a 5 ans a acquis des valeurs et des compétences qu’il peut transposer dans le monde professionnel comme par exemple la ponctualité. » Ici, on travaille sur les soft skills, c’est-à-dire « les compétences qui sont souvent placés en bas à droite du CV dans la case loisirs ». Il s’agit d’aider les jeunes à prendre conscience des compétences qu’ils ont acquises dans leur pratique personnelle du sport depuis l’enfance et de les sublimer au profit d’une formation professionnelle.
Le sport, une école à part entière
Les études et les diplômes sont aujourd’hui représentés comme la condition sine qua non pour pouvoir travailler. Larbi Liferki, lui, ne minimise pas leur rôle mais estime que « ce n’est pas indispensable pour réussir ». Le système scolaire est un modèle unique qui tente de faire adhérer une multitude d’individus. Il explique que pour certains « l’école les oppresse plus qu’elle ne les épanouit car elle n’accepte pas l’échec. L’école ne travaille pas sur les rêves du jeune, elle travaille sur les besoins de la société ».
Bien que certains soient diplômés, on apprend avant tout au contact de ces jeunes qu’ils sont passionnés. Le plus intéressant à voir en eux est ce qui les anime au quotidien. L’apprentissage scolaire, pour les uns, le sport, pour les autres. Dans les deux cas, ils acquièrent des compétences qui peuvent permettre la création d’un projet professionnel. C’est la créativité de chacun qu’il faut développer, ce que peine à faire l’école dans bien des cas. L’humain n’est pas suffisamment pris en compte dans le système éducatif et le monde du travail. Dès lors, une question se pose : la société du travail actuel ne doit-elle pas se tourner, à l’avenir, vers une société du talent ? Boubacar, en formation fibre optique, avance « qu’on ne valorise pas beaucoup le sport dans le monde du travail ». Il ajoute : « D’après ce que j’ai vu depuis que je suis là je peux dire que le sport est équivalent à un diplôme. »
Face aux difficultés d’insertion professionnelle des jeunes il faut prendre en considération que les valeurs du sport servent à développer des futurs employés. Les entreprises peuvent, elles aussi s’ouvrir à ces valeurs, casser la barrière des diplômes et s’intéresser davantage à ce qui passionne les jeunes d’aujourd’hui.
Mahefa Rakotoson
Zoom sur… Le Dispositif Déclics Sportifs
Créé en 1997, l’Agence pour l’éducation par le sport (APELS) vise à favoriser l’insertion des jeunes par le sport. Pour ce faire, l’association a mis en place trois programmes :
• « Fais nous rêver » qui a pour but de repérer et récompenser les meilleurs initiatives mises en place en faveur de l’éducation et de l’insertion par le sport.
• « Coachs d’insertion par le sport » visant à former les éducateurs sportifs à l’insertion professionnelle des jeunes.
• « Déclics Sportifs » auquel est associé Parkour 59, dont l’objectif est d’accompagner les jeunes de A à Z, du développement de leur projet professionnel à leur intégration au sein de l’entreprise
Une méthode « DFI »
Le cœur du programme Déclics Sportifs tient en trois mots : Détection-Formation-Intégration, c’est la méthode « DFI ». Dans un premier temps, il s’agit d’identifier dans quel métier pourrait s’épanouir tel ou tel jeune. C’est ici que les coachs, qui selon Larbi Liferki « connaissent parfois mieux les jeunes que leur propre famille » jouent un rôle capital. L’étape suivante consiste donc à former les jeunes pour le métier choisi, avec même des stages en milieu professionnel à la clé. Enfin, le jeune est accompagné tout le long de son intégration dans sa nouvelle entreprise pendant 12 mois, en faisant toutes les deux semaines le point avec son coach sportif.
Objectif 2024
Né en 2015, le projet a fait son trou assez rapidement. Il est désormais implanté dans 13 régions en France, et ce sont plus de 480 jeunes qui ont été insérés professionnellement via ce programme. Le programme est maintenant vu comme fiable par les entreprises qui ont pour certaines liées des partenariats avec l’APELS, comme LCL ou le Crédit Agricole. Mais Déclics Sportifs ne demande qu’à grandir encore, et d’ici 2024, année des Jeux Olympiques de Paris, le programme espère avoir permis à au moins 4000 jeunes d’intégrer le monde professionnel par le sport.
Rémi Collenot