Une grande solidarité dans l’assiette des sans-abri
Chaque hiver depuis trois ans, le restaurant Le Soleil de l’Orient, situé près de porte de Douai à Lille, distribue des couscous gratuitement aux personnes les plus démunies.
Il suffit de passer la porte du Soleil de l’Orient pour sentir cet élan chaleureux de solidarité et cette bonne odeur de couscous qui s’en dégagent. Ce restaurant, c’est celui de Chaila Rebei Iben Zid. D’origine tunisienne, elle dirige son premier établissement ouvert depuis 2014. En se promenant dans les rues du centre-ville, Chaila s’est vite rendu compte de la pauvreté et de la détresse des sans-abri dans les rues de Lille. C’est pourquoi elle a décidé qu’après chaque service, elle irait distribuer des couscous box aux personnes dans le besoin. Mais le partage n’est pas toujours bien perçu et un soir, elle est agressée par un homme ivre près de la gare de Lille-Flandres.
La recette de la solidarité
Malgré cette mésaventure, Chaila a tout de même décidé de continuer l’aventure du partage en distribuant ses repas dans son restaurant, preuve de son courage et de sa bienveillance. Les plus démunis peuvent désormais venir chercher un repas chaud et le déguster dans ce cocon de convivialité. Ce choix permet aussi à Chaila de continuer ses bonnes actions en toute sécurité. À chaque service, elle accueille des gens dans le besoin. Certains soirs, il y a même plusieurs personnes qui viennent chercher un peu de réconfort au Soleil de l’Orient et la cuisinière les accueille toujours à bras ouverts. Chez elle, les sans-abri sont les égaux des clients. Ils ne sont pas relégués dans le fond du restaurant mais bien installés au milieu des tables dans les confortables canapés du Soleil de l’Orient : « L’autre jour, quelqu’un est venu chercher son repas, il s’est installé à table et a même pris le thé avec des clients. » Tout est bien réglé pour déguster ce fameux couscous, véritable histoire familiale. En effet, Chaila a hérité de la recette de sa mère. D’ailleurs la famille est un élément incontournable du Soleil de L’Orient puisque son époux participe et suit de très près l’aventure de la cheffe cuisinière.
« Redonner sa valeur à un sans-abri »
Au-delà de la faim, il y a un fort isolement social chez les sans-abri. Ces Hommes sont confrontés tous les jours au jugement des passants et pire encore, à leur ignorance. Chez Chaila, ces refoulés de la société retrouvent un espoir d’intégration et un peu de foi en l’humanité. Au Soleil de l’Orient, on accueille, on écoute et on aide : « Vous entrez, vous êtes chez vous. » Il ne s’agit donc pas seulement de générosité, il y a aussi de quoi remonter le moral. La restauratrice nous fait part d’un témoignage de quelqu’un qui a pu compter sur la gentillesse de la restauratrice. Il s’agit d’un homme qui avait honte de sa situation avant de rentrer dans l’établissement. Il ne s’attendait pas à autant de générosité et de gentillesse de l’autre côté de la porte : « Je ne pensais pas qu’il y avait des gens comme vous, avec un grand cœur. » En effet selon le couple, cette initiative est aussi un moyen d’humaniser ces gens réifiés par la société : « C’est pour redonner sa valeur à un sans-abri. » L’initiative de Chaila va donc au-delà de la simple générosité. La restauratrice aimerait bien que d’autres établissements suivent son exemple pour combattre la précarité et la faim : « Si un autre restaurateur fait ça, je serai fière qu’il ait pris mon exemple. Je mets une étincelle et si ça se fait dans toute la France, ce sera génial pour moi. »
Ainsi, depuis le 12 décembre et jusqu’au 29 février, tous les soirs de 18h30 à 22h30, des sans-abri peuvent venir chercher un repas au Soleil de l’Orient. Depuis le début de l’hiver, ce ne sont pas moins de 150 personnes à qui un couscous a été offert dans le restaurant de Chaila.
Clément Carabie
© Crédits photo : Angélique Bailleux
Du Couscous pour tous : l’initiative expliquée
Vidéo réalisée par Angélique Bailleux
ZOOM : La faim chez les plus démunis, une lutte sans fin
L’initiative du restaurant Le Soleil de l’Orient n’est pas politique. Mais en parallèle de cette action locale et isolée, que font l’État, les villes et les collectivités pour répondre à la précarité alimentaire des sans-abri ?
Selon un rapport de l’Ipsos et du Secours populaire en septembre 2018, 1 Français sur 5 (soit 21% de la population) était en situation de précarité alimentaire. Dans le même temps, on comptait en 2018 près de 200 000 sans domicile fixe, et 2000 d’entre eux meurent chaque année à cause de conditions de vie difficiles notamment liées à l’alimentation et au froid.
A Lille, la solidarité envers les sans-abri est un des enjeux évoqués lors des municipales. Tandis que Martine Aubry (PS) défend les efforts de la ville ces dernières années dans le soutien aux associations, Europe Ecologie Les Verts souhaite que ces subventions soient prolongées durant toute l’année. La candidate Violette Spillebout (LREM) promet également « deux nouvelles maisons d’accueil municipales pour les sans-abris ».
A l’échelle nationale, le gouvernement a annoncé en 2018 le « plan pauvreté » afin de résoudre les problèmes liés à la précarité. Le Président de la République avait promis dans ses vœux aux français de 2018 :
« Je veux que nous puissions apporter un toit à toutes celles et ceux qui sont aujourd’hui sans-abri »
Or, il y a toujours des personnes sans domicile et qui ne mangent pas à leur faim. Mais les gestes de solidarité peuvent permettre d’aider certains d’entre eux à améliorer quelque peu leurs conditions de vie. Finalement, on peut avoir l’impression que l’État, les collectivités, les mairies etc. délèguent la solidarité aux citoyens.
Gabin Grulet