Covid-19 et confinement : comment préserver sa santé mentale ?
Depuis le 17 mars dernier, la population française est confinée. Si cette mesure inédite est nécessaire pour contenir la pandémie mondiale liée au coronavirus, de nombreux.ses spécialistes alertent sur l’impact du confinement sur la santé mentale. Bérénice Lefebvre, jeune psychologue lilloise, nous détaille ses observations et livrent ses conseils pour y faire face.
“On vit dans un climat plein d’incertitudes : vais-je attraper le virus ? Mes proches vont-ils le contracter ? Comment vais-je aller faire mes courses ? Si je suis touchée par le Covid, qu’est-ce que je risque ? etc. C’est très humain de mal supporter l’incertitude, que les personnes aient à la base des troubles psychologiques ou non d’ailleurs. Cependant, il est encore compliqué d’estimer un chiffre à ce jour et donc de parler d’une épidémie.” Bérénice Lefebvre, psychologue lilloise pratiquant la consultation en ligne (@_psycho_online sur Instagram) se refuse à parler, comme certain.e.s spécialistes, d”une seconde épidémie d’ordre psychologique après la période de confinement.
Toutefois, des syndromes déjà latents chez certaines personnes, de l’ordre de l’anxio-dépression, pourraient se déclarer. En effet, le fait d’être confiné dans ce contexte de crise sanitaire engendre beaucoup d’anxiété. Cette anxiété, qui peut se développer de manière généralisée, peut aussi mener à des symptômes dépressifs. Selon elle, c’est le risque le plus probable pour celles et ceux qui n’ont jamais été diagnostiqué.e.s.
Quant aux personnes déjà diagnostiquées, elle estime qu’il existe un véritable risque de décompensation psychotique : “Sur un terrain fragile, une petite dose de stress peut faire l’effet boule de neige, déclencher des troubles violents et provoquer des crises très compliquées à gérer.“ De même pour les personnes dépressives ou bipolaires, le risque principal est l’augmentation du risque suicidaire. Le confinement risque de les pousser hors limites. Il est donc nécessaire de prendre en charge en priorité ce type de patient.e.s.
La santé mentale écartée par les autorités ?
Quand on lui demande si les pouvoirs publics ont correctement pris en compte la question de la santé mentale dans la gestion de la crise sanitaire et les décisions de confinement, Bérénice est catégorique : “Il y a eu un manque de la part des autorités. Provoquer une mesure de confinement d’une façon aussi rapide peut être vécu comme une violence. Beaucoup de mes patient.e.s ont eu, ou ont failli avoir, une décompensation suite à cet événement parce que c’était synonyme de panique. C’est quelque chose qui aurait pu être mieux fait, plus en douceur, du point de vue psychologique.”
La psychologue précise que le gouvernement n’a mis en place une plate-forme d’écoute nationale seulement le 2 avril, soit presque 15 jours après le début du confinement. Si des associations, des collectivités comme Le Mans ou encore des entreprises avaient déjà mis en place des lignes d’écoute pour pallier les besoins, cela reste pour elle des “initiatives locales ou fonctionnant par réseau“. Elle estime que le gouvernement s’est réveillé trop tard sur cette problématique. A ce jour, une ligne téléphonique nationale est ouverte et disponible 24h/24h et 7j/7 au 0 800 130 000, à l’instar de ce qu’avait mis en place la Chine pendant son propre confinement. Bérénice poursuit : “Les psychologues salarié.e.s de l’hôpital public ont été réquisitionné.e.s pour gérer les équipes soignantes et les psychologues libéraux ont proposé, comme moi, des thérapies gratuites pour les personnels soignants.”
Le confinement, la surdose d’informations liées au coronavirus et l’anxiété illustrées par Mathilde Lopinski (@skmatilde sur Instagram)
Des conseils pour se préserver durant le confinement
Lire, faire du sport, cuisiner, peindre ou même apprendre une nouvelle langue… Le culte de l’hyper-productivité est présent plus que jamais. Cette pression est d’autant plus renforcée par les réseaux sociaux, où les apparences sont les seules à compter. Pour Bérénice, ce phénomène est absolument délétère voire dangereux dans un environnement aussi anxiogène qu’en ce moment : “Il faut prioriser les choses qui nous font du bien et non les choses forcément productives. Si c’est de la cuisine ou de la lecture, c’est très bien, si ce n’est pas le cas, ce n’est pas grave, faites autre chose”. Elle précise, sur un ton rassurant : “Vous avez le droit d’être plus lent.e, de ne rien faire, etc. Il faut accepter que dans un contexte exceptionnel, on fait des choses exceptionnelles, comme se lever plus tard que d’habitude par exemple. Il est important de chercher la meilleure façon de vivre son confinement, pour soi avant tout. Rien ne sert de se mettre la pression, la vie reprendra son cours normal quand le contexte le permettra.”
En ce qui concerne le télétravail, l’école à la maison ou encore les examens à distance, le constat est le même. Il faut admettre que le conditionnement à un nouvel environnement de travail influe beaucoup sur les capacités, de concentration notamment. Ce temps d’adaptation varie d’une personne à l’autre, il faut donc être patient.e, malgré une société qui ne prend encore que trop peu en compte l’aspect psychologique. Cependant, de courtes pauses mais régulières sont essentielles pour se recentrer, et maximiser sa concentration.
D’une manière plus générale, il est très important d’écouter ses émotions et d’être indulgent.e avec soi-même. Pour les personnes en souffrance psychologique, se faire accompagner, prendre contact avec des professionnel.le.s de santé ou des plates-formes ouvertes à tous.tes, apparaît comme nécessaire. Il faut essayer de ne pas se laisser envahir par les pensées négatives et accepter l’incertitude. Il faut faire attention également à ne pas trop anticiper car cette anticipation, lorsqu’elle devient abusive, peut se transformer en anxiété généralisée.
Comme disait Aristote, “l’Homme est un animal social“. Il est ainsi fortement conseillé de garder, le plus possible, le contact avec les autres, entretenir les liens sociaux, qu’ils soient amicaux, familiaux ou professionnels. La solitude, lorsqu’elle est prolongée, peut avoir des conséquences importantes et néfastes sur la santé mentale.
Enfin, Bérénice préconise de filtrer les informations en se réservant une plage horaire et une seule source, fiable, voire en bloquant les mots-clés sur Internet et les réseaux sociaux tels que “confinement” ou “coronavirus”. Cela permet ainsi de lutter contre un flux trop important d’informations négatives qui peuvent provoquer stress et anxiété. Cependant, il est important de ne pas être dans le déni et de se tenir au courant de ce qu’il se passe. Car de même, l’incertitude peut provoquer de l’anxiété.
Si le dé-confinement et le monde post-coronavirus suscitent beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes, c’est aussi un moment important pour prendre conscience de ce dont on ne se rendait même plus compte. Bérénice confie même que certain.e.s de ses patient.e.s sont d’autant plus déterminé.e.s à soigner leur anxiété sociale ou leur agoraphobie pendant cette période d’isolement forcé pour apprécier de nouveau sortir et sociabiliser.
Enora Foricher
L'édito ... SOS confinement : Allô ? C’est pour une aide à distance.
L’isolement est difficilement évitable pendant cette période de confinement, et nous ne sommes pas tous.tes égaux face à lui. Pourtant, il est sûrement aussi dangereux que le coronavirus, car il nous laisse tous.tes seul.e.s avec nos problèmes, quels qu’ils soient, et parfois largement démuni.e.s.
Encore plus que « d’habitude », des lignes d’écoute, de soutien psychologique et d’alerte contre les violences conjugales ont été mises en place, lorsque d’autres continuent simplement leur mission pendant l’épidémie. Ces appels ne sont pas surtaxés, et généralement disponible 7j/7.
De fait, la détresse psychologique et les violences conjugales ont augmenté pendant le confinement. Bien sûr, ne sont visibles que celles qui sont signalées. A titre indicatif, le 114, numéro d’urgence pour les violences conjugales et parentales a reçu plus de 300 alertes par SMS depuis un mois et le nombre d’appels au 17 de femmes victimes de violences conjugales a augmenté de 30% selon le ministère de l’Intérieur. Des points d’accompagnement dans les centres commerciaux de 10-20 villes ont également été mis en place. Enfin, toutes les pharmacies de France ont reçu la procédure pour aider les victimes de violences, qui peuvent être communiquées oralement par le code « masque 19 » si besoin.
Mais comment ça se passe concrètement ? Comment sommes nous reçu.e.s sur ces lignes téléphoniques ?
Nous avons appelé la cellule nationale de soutien psychologique COVID-19.
Sur cette ligne téléphonique, vous êtes reçu.e par une personne accréditée par le gouvernement pour répondre au numéro vert. C’est-à-dire qu’elle fait partie d’un collectif agréé par le ministère de la Santé, et ce déjà avant l’épidémie. Elle cherchera à comprendre votre situation et répondra à toutes vos questions, que ce soit des inquiétudes sur la maladie, concernant des symptômes, des questions sur les déplacements ou encore sur le travail. Si elle juge que votre état mental le nécessite, elle vous transférera vers des lignes spécialisées, où des professionnels de santé, psychologues et psychiatres vont répondront.
Lors d’une tentative d’appel au 3919, la ligne étant saturée, nous sommes reçues par le message suivant : « Bonjour, en raison d’un grand nombre d’appels, votre demande ne peut aboutir. Nous vous remercions de renouveler ultérieurement votre appel. » Dans un souci de ne pas prendre la place d’une personne victime de violences conjugales, nous ne réitérerons pas notre appel.
Quoi qu’il en soit, voici quelques références pour trouver une aide à distance :
- Le site Santé publique France recense des sites web et lignes d’aide à distance par catégories types « Etudiants », « Addictions », « Violences », « Sexualité et contraception », « Population vulnérable et handicap »…
- La cellule nationale de soutien psychologique COVID-19 est à joindre au
0 800 130 000, disponible 24h/24, 7j/7.
- Urgence 114 : envoi d’un SMS au 114 en indiquant l’adresse où la victime se trouve (violences conjugales ou parentales).
- Appel au 3919 : accueil, écoute, information, orientation des femmes victimes de violence, leur entourage et les professionnels concernés. Cependant, il n’est disponible que du lundi au vendredi, 9h-22h et samedi, dimanche et jours fériés, 9h-18h.
D’autres lignes d’écoute mises en place par des associations sont toujours disponibles, telles que :
- SOS Amitié (accueil et écoute de personnes en détresse et de leur entourage) au 09 72 39 40 50 ou au 01 46 21 46 46 pour une réception en anglais ; 7j/7, 24h/24.
- La Croix-Rouge écoute (solitude, dépression, violence, addictions…) au 0 800 858 858, 7j/7 24h/24.
Finalement, vous pouvez vous renseigner auprès d’associations locales qui pourront organiser une prise en charge plus rapide et ciblée dans votre secteur. A Lille, pour les violences conjugales, l’association SOLFA (Solidarités Femmes Accueil) est joignable au 03 20 57 94 27.