La course à l’asile de Musa, jeune migrant gambien
Suite à l’incendie du camp de migrants de Moria sur l’île de Lesbos, la problématique migratoire resurgit dans le flot d’informations quotidiennes. Mais qui sont ces migrants ? Pourquoi quittent-ils leur pays ? Qu’espèrent-ils trouver en Europe ? Quelles sont les solutions d’aide au quotidien ? Réponses avec Musa*, jeune migrant gambien arrivé en France en mars 2019.
Musa est né le 1er janvier 2001 à Barra, petite ville gambienne en face de Banjul, la capitale. Dernier d’une fratrie de cinq enfants, il perd ses parents dans un accident de voiture à l’âge de sept ans. Recueilli par son oncle, il est considéré comme l’ennemi de la famille. Battu, il subit humiliations et punitions et enchaîne les corvées du quotidien. On l’envoie à la daara, l’école coranique locale, où il apprend et récite le Coran à longueur de journée sous la menace des coups de bâton. “J’en recevais souvent et j’ai encore mal aux mains.” Musa est alors un enfant qui appelle à l’aide, au milieu de la violence à la maison, à l’école, et même avec les autres enfants qui se battent dans la rue.
Mais il ne peut compter sur aucun soutien, aucun service social. La Gambie est alors régie par Yahya Jammeh, qui n’offre aucun espoir d’accompagnement pour les mineurs comme Musa. Il essaye alors de se protéger et de s’évader comme il peut. “Je m’enfuyais de l’école et je passais mes journées à l’internet café du quartier.” Mais au bout de sept ans il n’en peut plus et décide de tout quitter.
Musa quitte la Gambie le 10 octobre 2016 pour Kaolack, au Sénégal tout proche. Sans argent, il part ensuite pour Agadez, au Niger où il passe trois mois dans un foyer, puis parvient à Sebha, en Libye, où commence un véritable calvaire. Considéré comme inférieur, Musa, comme tant d’autres, se retrouve en prison. Il est à la merci des gardes libyens qui le battent et l’envoient travailler dur pour un salaire presque inexistant. Le jeune garçon parvient à s’évader et à gagner Sabratha, sur la côte libyenne. Il y économise durement pour payer la traversée de la Méditerranée en zodiac qui lui coûte 700 dollars libyens (433 euros environ). Musa gagne l’Europe par l’Italie puis la France, à Lyon. Il a eu de la chance, il le sait et se le rappelle tous les jours au réveil.
L’ultime épreuve du migrant, la demande d’asile
Depuis qu’il est arrivé en France il y a un an, Musa vit avec l’incertitude de rester. Dans l’espoir d’une réponse positive, il ne cesse de vanter la France et tout ce qui est mis en place pour les réfugiés comme lui. Suivi dans un Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA), il a fait une demande d’asile et déposé un dossier à l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA). Après des débuts difficiles dans un squat où s’entassaient jusqu’à 400 migrants, Musa a pu compter sur l’action de plusieurs associations dont Notre-Dame des Sans-Abri.
“Je ne retournerai jamais en Gambie, je ne peux pas !”
Seulement, les squats officiels sont bien souvent au cœur de débats de responsabilité entre l’État, les collectivités territoriales et les associations, et risquent de fermer à tout moment, ne laissant que la rue comme échappatoire. La plupart s’en remettent alors aux associations, aux systèmes de parrainage et aux riverains solidaires. En tant que mineur isolé, Musa a lui pu être pris en charge par une boucle de familles d’accueil volontaires. Il est aujourd’hui dans un centre de transit d’urgence et devrait obtenir un logement sous peu. Il apprend le français et suit des cours d’informatique. “J’aimerais bien en faire mon métier quand j’aurai mes papiers.”
Il sait qu’il doit sa situation actuelle aux bénévoles et aux familles qui lui ont ouvert les bras. Aujourd’hui, Musa ne parle que de France, cette France qui l’a accueilli et qui représente pour lui un futur paisible et prospère, très loin d’un passé gambien triste et violent. “Je ne retournerai jamais en Gambie, je ne peux pas !”
En somme, Musa a été pris en charge grâce à la politique européenne et donc française d’accueil mais aussi et surtout grâce aux associations, bénévoles, boucles de famille, et autres acteurs solidaires, véritables anges-gardiens qui se focalisent sur la dimension humaine de l’accueil au-delà de l’aspect administratif.
*le prénom a été modifié
Hugo Healy
La Gambie, petit pays au passé dictatorial et à l’avenir incertain
La République de Gambie est un petit pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, enclavé dans le Sénégal. Frappé par un chômage endémique, on y recense le plus haut taux de migrants traversant la Méditerranée par habitant selon l’Organisation Internationale pour les Migrations. La fuite de milliers de Gambiens est principalement due à la dictature de Yahya Jammeh qu’a connue le pays de 1994 à 2017. L’ancien chef d’État, remplacé par son opposant Adama Barrow en décembre 2016, est accusé de crimes sexuels et organisés. Même si le nouveau ministère de la Justice du gouvernement Barrow a déjà gelé les biens de l’ancien dictateur, accusé également d’avoir détourné des fonds, les crimes commis n’ont pas encore été jugés, bien que de nombreuses associations plaident pour un procès depuis 2018.
C’est en 2017 que Mustapha Sallah, ancien rapatrié du “backway”, en profite pour créer l’association YAIM (Youth Against Irregular Migration). Par des projections d’images terrifiantes et des mises en scène du trajet, l’association vise à sensibiliser et à garder les forces vives du pays pour créer une “Nouvelle Gambie”.
Mais l’avenir que propose le pays aux jeunes Gambiens n’est pas à la hauteur des attentes de ceux qui veulent fuir, eux qui voient en l’Europe un eldorado. D’autant plus que l’Etat ne parvient pas à se défaire de son régime autoritaire, Adama Barrow ayant prolongé son mandat de deux ans, sans consultation du peuple. La Gambie reste donc un pays fragile qui ne soutient pas l’industrie locale, empêchant l’émancipation financière des habitants. La plupart se contente des remises d’Europe comme seul revenu.
Au vu de la situation actuelle, rester au pays natal est une solution peu envisagée mais qui pourrait le devenir si la “Nouvelle Gambie”, encouragée par Mustapha et son association, voit le jour.
Anaïs Godard