Avec la librairie-café Le Biglemoi, une nouvelle page de solidarité s’écrit à Fives
Inauguré le 11 août dernier au cœur du quartier de Fives sur la place Degeyter, Le Biglemoi propose un concept innovant : les passionnés de littérature pourront à la fois y dévorer un livre et un goûter. Ces derniers n’échapperont pas à la référence à L’écume des jours de Boris Vian.
Bertrand Teulet et Marion Hirtzel, fondateurs du Biglemoi et originaires de Fives, souhaitaient s’investir dans la vie culturelle de leur quartier, dans lequel n’existait aucune librairie. “C’est un quartier où il y a une grosse dynamique, une bonne énergie, on a donc estimé que c’était un bon endroit pour s’installer”, explique Bertrand. Quartier populaire de la métropole lilloise, Fives connaît depuis plusieurs années une véritable reconversion où les concepts solidaires se multiplient.
Les responsables de la librairie-café ont décidé de créer un rayon de livres d’occasion et d’instaurer un système de prix libres sur certaines boissons. Cette initiative permet de démocratiser l’accès à la librairie. “L’idée de mettre en place le prix libre, c’était que la porte soit ouverte à tous […] ce serait un peu présomptueux de dire que l’on facilite l’accès à la culture mais on essaye de faire en sorte que tout le monde puisse y avoir accès peu importe leur portefeuille.” Concernant la rentabilité de ce système, Bertrand Teulet affirme que les clients paient un prix généralement classique. “On ne gagne pas plus d’argent que si on avait fixé un prix mais on n’en perd pas non plus. Ça permet simplement à certaines personnes de pouvoir s’offrir un café, un thé, là où habituellement elles n’auraient pas pu le faire.”
Un atout pour le quartier, qui le lui rend bien
La librairie-café a vu le jour grâce à l’argent récolté sur une cagnotte en ligne. Bertrand et Marion ont ainsi pu financer les travaux et l’agencement de la librairie. “Ça nous a beaucoup touchés, on a été assez étonnés que cela touche autant d’inconnus. On s’attendait à ce que cela vienne de nos proches mais plein de gens que nous ne connaissions pas ont participé, dont des habitants du quartier. On est en train d’organiser une petite journée de remerciement pour tous les gens qui ont participé.”
Le lieu existant depuis deux mois, la majorité des clients le découvre pour la première fois. Mais certains, originaires de Fives et des alentours, sont d’ores et déjà des flâneurs adeptes des rayons de la librairie.
Une activité impactée par la crise sanitaire
Depuis le 10 octobre et le passage de la métropole lilloise en alerte maximale, les clients ne peuvent plus profiter de la partie café, une déception pour nombre d’entre eux. D’autant plus que les pâtisseries devaient être ajoutées prochainement à la carte. L’ouverture en août laissait présager un commencement chaotique mais Bertrand n’est pas défaitiste pour autant : “on a la chance, malgré tout, de pouvoir rester ouvert pour la librairie.”
Concernant la fréquentation, elle ne semble pas avoir diminué côté librairie mais les amateurs de café qui venaient s’installer pour travailler ne peuvent plus être accueillis. Malgré les perspectives incertaines, Bertrand Teulet espère pouvoir organiser prochainement des ateliers et des rencontres avec des auteurs. “C’est à venir. Vous pouvez suivre tous les événements sur notre page facebook et notre site internet”.
Bien que Bertrand Teulet se montre humble, la librairie-café Le Biglemoi démocratise l’accès à la culture. Elle favorise le lien social et la réduction des inégalités de capital culturel. Indispensable pour s’instruire, développer un esprit critique ou tout simplement se divertir, la lecture doit ainsi être accessible à tous.
Lison Le Gloan
Raconte-moi une histoire : Fives
Un passé fructueux
Fives est un quartier lillois situé entre les quartiers de Moulins, Hellemmes, et Saint-Maurice-Pellevoisin. Il connaît un essor fulgurant suite à la révolution industrielle : de nombreuses usines métallurgiques et automobiles voient le jour dans les années 1860. S’ensuit un siècle de prospérité et de croissance démographique pour le quartier. Mais tout bascule avec la désindustrialisation progressive de la région et la fermeture définitive des usines dans les années 1990. L’offre d’emploi jadis importante laisse la place au chômage et à la pauvreté. Fives perd alors une grande partie de sa population et prend l’allure d’un quartier populaire.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Aujourd’hui, Fives connaît un nouveau tournant avec l’arrivée des classes moyennes attirées par un coût de l’immobilier très bas. La mairie de Lille et les collectivités locales enchaînent les projets et la création d’alternatives pour contrôler les phénomènes de boboïsation et de gentrification du quartier en favorisant l’inclusion sociale. Réhabilitation de la friche Fives Cail Babcock, relocalisation de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES), création de la galerie d’art contemporain Lasécu, projet d’éco-quartier qui commence avec l’éco-école primaire Bara-Cabanis. Autant de projets d’aménagement public ou d’initiatives privées et citoyennes comme le supermarché participatif Superquinquin pour donner un nouveau visage à Fives et rompre avec cette image de quartier populaire sensible et déserté.
Hugo Healy