Violences conjugales, même confiné, il n’est pas interdit de fuir
Si le confinement a pour but de protéger la santé des citoyens, il met en danger les femmes victimes de leur mari violent en les enfermant avec eux. Depuis l’instauration du premier confinement en mars, de nombreuses associations ont redoublé de mobilisation pour leur venir en aide.
“À toi, future victime de féminicide, je suis désolée parce que demain tu vas mourir.” Ce sont les mots forts d’Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, pour émouvoir, prévenir, faire réagir l’État quant aux violences conjugales. Ces violences, qui sont désormais en nette augmentation lors des périodes de confinement. La crise sanitaire du Covid-19 a bouleversé la lutte contre les violences faites aux femmes en rendant plus difficile le travail de repérage, de protection et d’accompagnement des victimes. L’Organisation Mondiale de la Santé a alerté très tôt sur les effets de cette crise sur la prise en charge des femmes victimes de violences, exposées à des facteurs de risque accrus et notamment l’impossibilité de fuir.
En moyenne, chaque année
130
femmes sont tuées sous les coups de leur mari.
Appels en cachette
Pendant le premier confinement, une baisse des féminicides a été remarquée mais une augmentation de 36% des signalements liés aux violences conjugales, réalisés auprès des autorités policières, a été recensée. Ce chiffre représente la triste réalité que ces appels concernent des violences imminentes. Les femmes ont appelé au moment où la situation devenait critique pour leur survie.
Toutefois, le 3919 « Violences Femmes info », connaît, depuis le début du confinement, une forte baisse du volume de ses appels, passant environ de 400 par jour à une centaine. Cette baisse démontre une peur des victimes à prévenir de leur situation. En effet, ces appels ne représentent pas que des situations d’une urgence extrême mais également et surtout des situations de violences qui tendent à s’aggraver. La diminution de ces appels représente une sombre réalité : les victimes craignent la réaction de leur conjoint. “Les femmes nous sollicitent moins, car elles n’osent tout simplement pas le faire en présence de leur conjoint. Cela ne signifie absolument pas que les violences ont diminué“, explique Françoise Brié, Présidente de la Fédération nationale Solidarité Femmes, à l’Express. La majorité d’entre elles profite donc des moments où elles se retrouvent seules pour téléphoner.
Des hôtels d'urgence
Nombreux ont été les appels à l’aide des associations féministes et de lutte pour la protection des femmes à l’annonce du premier et du second confinement. L’une d’entre elles, La Fondation des femmes, a mis en place une aide majeure pour pallier le problème de l’enfermement des femmes avec leur bourreau.
La Fondation des Femmes a soutenu les associations qui aidaient les femmes et leurs enfants à se mettre à l’abri pendant le confinement. Grâce à un partenariat avec un acteur majeur de l’immobilier, ont été mises à disposition des chambres en résidence dans plusieurs grandes villes de France telles que Paris, Marseille et Lille. Également, grâce à une cagnotte de dons, la Fondation des Femmes finance des nuitées d’urgence à l’hôtel pour les femmes qui ne résident pas dans ces villes. À une échelle plus locale, des associations prennent le relai de cette aide nationale comme l’association Solfa basée sur Lille qui accueille, écoute et accompagne les femmes et surtout reste ouverte pendant le confinement.
La Fondation des femmes propose un suivi psychologique aux victimes à la suite de leur départ du domicile. Il se fait sous forme d’appel ou envoi de SMS pendant le confinement. L’association bénéficie également d’une force juridique, composée de 150 avocats. À travers cette force juridique et différents projets, la Fondation œuvre pour favoriser l’accès à la justice pour les femmes, le droit étant un outil indispensable dans la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes et contre les violences faites aux femmes. Un de leurs projets est notamment de proposer la prise en charge gratuite de dossiers de femmes victimes de violences et de les aider dans leur recours juridique. Ces moyens psychologiques et judiciaires permettent à ces femmes de retrouver une pleine liberté.
Malgré cette prise en charge étendue pour ces femmes victimes, les violences conjugales sont toujours présentes. Se pose alors la question de l’efficacité de ces mesures mais aussi de la mise en place éventuelle de cellule d’aide à ces hommes violents. Protéger est un pas, empêcher les violences en est un autre.
– Lisa Marie Despalles
D’autres victimes du confinement...
Les femmes ne sont pas les seules à être victimes de violences, les enfants le sont aussi. Cependant, malgré de nombreuses recherches, il est difficile de dénombrer le pourcentage d’enfants battus. On estime entre 80 et 110 le nombre d’enfants de moins de quinze ans qui meurent chaque année de maltraitances et on recense 98 000 enfants en danger actuellement. Mais ces chiffres ne sont pas fiables. Le premier est une estimation des cas connus et supposés et le second nombre n’indique que les cas signalés et non pas ceux cachés qui sont estimés à 200 000 par les associations d’aide à l’enfance.
La fermeture des écoles lors du confinement a obligé de nombreux parents à rester enfermer avec leurs enfants, ce qui a entraîné une hausse de 56 % des appels au 119, de 60 % des signalements urgents et de 46 % des interventions policières.
Le gouvernement et les associations de défense des droits de l’enfant ont essayé de prendre des mesures pour prévenir ces violences :
- le 08 019 019 11, créé par le gouvernement pour écouter les hommes qui craignent de devenir violents pendant le confinement. Une bonne initiative qui a reçu environ 500 appels mais qui reste faible comparés aux 97 542 appels reçus par le 119 durant la même période et surtout qui part du principe que seuls les hommes sont violents envers les enfants alors que la mère l’est tout autant, voire même plus.
- le 15, « pleinement mobilisé » et cependant presque impossible à joindre en période de coronavirus
- le 119, numéro d’urgence pour l’enfance en danger, et les associations venues en renfort, joignables par internet et par téléphone qui ont permis un soutien psychologique pour de nombreux enfants
- le dispositif « alerte pharmacie », calqué sur le même modèle que pour les femmes. Cependant combien d’enfants peuvent trouver un prétexte pour se rendre à la pharmacie ?
- une campagne de sensibilisation, encourageant les voisins confinés à être plus vigilants
De bonnes intentions mais des solutions qui méritent d’être encore travaillées.
– Lalie Bourgeois