Les applications de rencontre ont fait peau neuve pendant le confinement. Les étudiants notamment auraient trouvé refuge chez Tinder, Meetic et autres, pour briser le cercle « dodo-visio-dodo ».
« J’avais une vie sociale pour la première fois, le confinement l’a anéantie. » Ce témoignage, trouvé sur internet, n’est pas un cas isolé : la moitié des étudiants ont souffert de la solitude durant cette période. Cependant, alors que beaucoup de secteurs sont en bernes, un domaine ne connaît pas la crise : celui des applications de rencontres.
Tinder, Meetic, Happn… Ces applications ont connu un boom des inscriptions : plus de 5 points en deux ans. Mais une bonne nouvelle ne vient jamais seule : cette hausse s’accompagne d’un update en termes d’utilisation. Il semblerait que la crise marque la fin du fameux « coup d’un soir », pourtant leur fonds de commerce. En effet, les utilisateurs discuteraient désormais plus avec leur match.
Intermédiaires entre ces longs échanges et ce besoin de vie sociale, les sites de rencontres apparaissent comme une solution à la solitude. En réalité, les choses ne sont pas si simples.
Si le « coup d’un soir » est aujourd’hui proscrit, les utilisateurs semblent vouloir discuter sans particulièrement chercher à tisser de nouveaux liens. C’est le cas de Marine, 22 ans, utilisatrice de Tinder. Si elle affirme avoir davantage utilisé l’application pendant le confinement pour combattre l’isolement, elle ne s’est pas pour autant lancée dans de longs discours avec des inconnus : « Je me lassais très vite des conversations et elles étaient moins profondes qu’en situation de non-COVID car, paradoxalement, je savais que ça allait aboutir à pas grand-chose. » Finalement, elle ne cherchait qu’à tuer l’ennui, rien n’a changé concernant sa solitude.
Un "remède" qui peut s'avérer dangereux
Pire, il semblerait que les bénéfices des applications de rencontres ne soient qu’un leurre. Ces dernières années, de nombreuses études ont prouvé leur nocivité sur notre santé, tant physique que mentale. Dans le cadre d’une étude publiée par le Journal of Eating Disorders, des chercheurs ont comparé le comportement des utilisateurs de ces applications à ceux qui n’y ont pas recours. Le constat est alarmant : les amoureux de Tinder sont plus vulnérables aux troubles du comportement alimentaire.
Cela s’expliquerait par l’omniprésence des publicités et des profils d’utilisateurs « retouchés ». Ces applications mettent en avant des corps jugés « idéaux » par la société. Les utilisateurs intériorisent ces idéaux, se comparent à ces standards. Cela conduit à des complexes vis-à-vis de son corps et, parfois, à des troubles alimentaires. Pour ceux qui décideraient de sauter le pas : attention !
Alexia Graziani
Zoom sur... Applications de rencontre et communautarisme
Les applications de rencontre sont un marché prolifique qui attire de plus en plus les acteurs du numérique. Et pour cause, elles rapportent : en 2019, Tinder devenait l’application la plus rentable de tous les temps. Bien qu’il existe toujours une part de honte, le public semble être friand de ces nouveaux outils de sociabilité : selon une étude menée par Statista en 2019, 36% des Français célibataires sont prêts à s’inscrire à un site de rencontre. Chacun semble alors vouloir sa part du gâteau et les applications de rencontres prolifèrent : on compte en France pas moins de 2 000 sites de rencontres. Alors, pour parvenir à s’épanouir dans un marché si concurrentiel, les applications ciblent précisément leurs consommateurs, divisant les utilisateurs en marchés de niches.
Ces applications communautaires sont, aujourd’hui, de plus en plus nombreuses et visent des publics toujours plus distincts. L’application Once again illustre cette segmentation : elle se destine aux plus de 50 ans souhaitant faire des rencontres avec des gens du même âge. On trouve également une offre pour les individus d’une même religion : JDream pour les juifs, Cristian Mingle pour les chrétiens, Mektoube.fr pour les musulmans… Ce concept, centré autour de la communauté, vient des Etats-Unis où il s’articule principalement autour des origines ethniques. En France, ces applications de rencontres sont surtout utilisées pour rassembler les individus LGBT+ ou les partisans de droite, de gauche. Ces applications ont de nombreux détracteurs qui les accusent d’encourager le communautarisme, d’effacer la confrontation à l’altérité… Cependant, elles ont, peut-être, le mérite de permettre à ceux qui le souhaitent de rencontrer des personnes qui les comprennent et partagent leurs valeurs.
Erwan Sermadiras