Crédit photo : Guillemette Franque
Les jeux de société ont connu un boom de commandes lors de l’année 2020. Les confinements successifs ont libéré du temps aux familles, et les jeux ont été vus comme un moyen de recréer du lien, et de se libérer l’esprit.
Pendant presque trois mois de confinement en 2020, les fleuristes, librairies, bars, restaurants et autres commerces vendant des biens ou services dits “non-essentiels” ont fermé leurs portes. Résultats : une baisse du moral collectif et pour beaucoup une baisse du chiffre d’affaires. Mais un secteur a utilisé le confinement pour prouver qu’il était plus essentiel que jamais : le jeu de société !
Le temps est long, le ciel est bleu mais ça ne suffit pas à combattre l’ennui ou la solitude lors des beaux jours du printemps 2020. Alors de nombreux Français ont ressorti du placard les jeux de société. La tendance est aux indémodables : Monopoly, Jungle Speed, et autres best-sellers sont toujours au top de leur forme ! Bruno Cathala, créateur de jeux, le confirme lors de son invitation au micro de Mathilde Munos sur France Inter : “Le marché global est en augmentation mais c’est très inégal. Le marché de la nouveauté n’a pas pu s’implanter puisque nous n’avons pas pu faire de présentation. Les jeux déjà implantés, eux, se sont vendus encore plus !“ En effet, les nouveaux jeux n’ont pu être testés, critiqués, et édités pendant les confinements alors que les créateurs, eux, ont continué d’inventer. Un coup dur pour un secteur dynamique et une communauté toujours avide de nouvelles distractions.
Des générateurs de liens
Les jeux ont permis de retrouver un semblant de lien social, de société… en fait, tout est dans le nom ! C’est d’ailleurs le cas dans la famille d’Alexia, composée de deux parents et quatre enfants. Cette étudiante en science du langage admet que le confinement a été plus propice aux jeux puisque la famille avait beaucoup plus de temps libre. Ils se retrouvaient deux à trois fois par semaine pendant une heure ou deux, et “ça avait un effet positif sur l’ambiance de la maison, ça mettait tout le monde de bonne humeur et ça a permis de resserrer les liens. Ça a sûrement réduit le stress puisque ça nous permettait de penser un peu à autre chose et de nous éloigner des écrans et des informations.”
Le jeu permet de retrouver du lien dans les familles et aussi sur les plateformes dématérialisées.” Bruno Cathala (France Inter 08/12/2020)
Il ne faut pas oublier ceux qui se sont retrouvés confinés seuls. Et là, ça devient plus complexe pour jouer à un jeu de plateau, et reconstruire du lien social. Et c’est pour cela que les plateformes de jeux online ont connu un boom d’utilisation. On a vu apparaître des escape games en ligne, ou des jeux interactifs comme celui de Pierre Cardascia, Ne me suicide pas : un jeu interractif et quotidien diffusé sur son Facebook dès le mois de mars. C’est sans oublier Plato, une application réunissant tous les jeux de plateau, et qui a dominé les discussions sur les réseaux sociaux. En effet, le ⋕Plato est resté en tendance sur Twitter pendant tout le confinement du printemps. UNO, bataille navale, ou échecs avec des amis ou des inconnus, la recette a bien fonctionné. Et encore une fois, ce sont les jeux traditionnels qui ont eu la cote.
Une alternative psychothérapique
Collaboration, stimulation ou encore révélation de notre vrai caractère sont souvent les buts cachés derrière l’esprit ludique et simple des jeux. C’est pourquoi de nombreux psychologues utilisent le jeu en thérapie. “Cela permet également d’étayer la relation thérapeutique car le matériel peut faire moins peur, moins psychologique“, explique Laëtitia Devalois, psychologue clinicienne. La psychothérapie par le jeu est notamment utilisée pour les enfants. “Cette étape permet à l’enfant d’élaborer, de mettre des mots et une explication sur certains vécus ou sentiments. Le jeu dépasse l’aspect ludique et plaisir pour atteindre un effet thérapeutique.” Ainsi, l’enfant va comprendre ses émotions, ce qu’il ressent et parfois se révéler grâce au jeu.
Léonie Castelain
Crédit photo : Guillemette Franque
Zoom sur les jeux de société collaboratifs : l’exemple Connec’Team
Si le Monopoly, jeu pourtant anti-capitaliste à la base, reflète l’individualisme de nos sociétés, peut-on dire que les jeux collaboratifs sont à l’image de nos modes de pensées modernes ?
Pour Jonathan Favre-Godal (à droite), un des auteurs du jeu Connec’Team(1), il reste difficile d’affirmer qu’ “un jeu compétitif est issu d’une société compétitive“, bien que cela “surgisse [parfois] dans nos jeux“. Corentin Lebrat (à gauche), co-auteur du jeu, ajoute qu’ “au Japon, où les populations […] réfléchissent en groupe, il existe quand même des jeux qui sont plutôt compétitifs.”
Plus que l’influence de la société, pour ce dernier, “il faudrait presque plus regarder du côté de l’auteur du jeu, voir dans quoi il a baigné” pour comprendre la sensibilité des jeux.
Il serait d’ailleurs faux de dire qu’il n’existe pas de compétition dans les jeux d’ambiance. Beaucoup restent attachés au score : “Même si c’est collaboratif, les gens veulent se situer. On est toujours sur une réussite ou un échec”, confie Jonathan Favre-Godal. Et si certains aiment contrôler le jeu, d’autres “peuvent être rassurés qu’on prenne les décisions pour eux dans un jeu collaboratif“, ajoute Corentin Lebrat.
L’aspect compétitif passe parfois, en effet, au second plan. Les deux auteurs s’accordent à dire que cela dépend des joueurs et de la manière dont ils “reçoivent le jeu“. En effet, plus que gagner ou perdre, les jeux de société sont avant tout l’occasion de partager un moment avec ses proches, de discuter et de rire.
(1) Connec’Team est un jeu collaboratif qui se joue en deux phases. Posez tout d’abord une carte à tour de rôle pour créer des connexions de mots. Ensuite, avec votre binôme, comptez jusqu’à 3 et annoncez un mot simultanément. Si le mot est le même : vous marquez un point pour l’équipe !
Crédit : Mathilde Tassin
Crédit : Clémence Fourel