Copenhague face au défi du gaspillage alimentaire

by Alicia Gomba Aibar
La capitale du Danemark fait de l’écologie une de ses priorités, suivant l’exemple de nombreuses villes scandinaves. Depuis le début du XXIe siècle, les projets consciencieux de l’environnement se multiplient dans la métropole. Autorités et bénévoles travaillent main dans la main afin de rendre l’écologie à portée de tous.

C’est un fait : Copenhague sera neutre en CO2 en 2050. Les infrastructures de la ville sont adaptées au déplacement à vélo, permettant une réduction du trafic automobile de 70 % en vingt ans. Cette réforme marque un avant et un après dans le contexte de la transition écologique. Mais les associations environnementales incitent à bien d’autres initiatives, car l’écologie nécessite de changements individuels. Les dérives de notre consommation alimentaire sont un exemple majeur de problème environnemental.

Dans le monde, 1300 des 4300 millions de tonnes de nourriture produites chaque année sont rejetées pour différentes raisons. En termes de main d’œuvre et énergie gâchées, ces pertes représentent 8 % des émissions de CO2 globales. Les supermarchés sont les principaux responsables, puisque 40 % du gâchis a lieu avant même l’achat du produit. Mais les foyers causent tout de même 37 % du gaspillage, témoignant d’un manque de conscience citoyen. Alors même que le gaspillage alimentaire est interdit en France en 2016, le Français moyen continue de mettre à la poubelle plus de 20kg de comestibles par an. Au contraire, le Danemark s’avère être le champion européen face à ce problème. Le pays a réduit de 25 % son gaspillage alimentaire en cinq ans, grâce à une prise de conscience de la population : par exemple, les hôtels et restaurants osent désormais utiliser des fruits abîmés, des yaourts légèrement périmés. Bien que le gouvernement danois soutienne ces initiatives, ce sont les organisations locales qui marquent la plus grande différence.

Les initiatives locales de la métropole :

Foodsharing Copenhagen – en français, Partageons la nourriture – est une des ONGs majeures du Danemark contre le gaspillage alimentaire. Installée dans la capitale depuis 2011, elle surgit d’un débat entre plusieurs activistes danois et allemands, notamment des membres de Foodsharing Deutchsland. Roxane est actuellement la présidente élue de l’organisation. « Dès le début, les fondateurs voyaient le Foodsharing comme une organisation autorégulatrice. Sans fondateur particulier, sans patron », explique-t-elle. Les 600 bénévoles du Foodsharing s’organisent pour recueillir les invendus des supermarchés collaborateurs, afin de les redistribuer au public trois fois par semaine. Près de 400 personnes assistent à ces distributions, et prennent la quantité de nourriture suffisante selon leurs besoins, ou ceux de leur famille. Tout est fait pour que le partage soit équitable, et pour qu’aucun aliment comestible ne finisse dans les conteneurs. On y croise des personnes en difficulté économique, des parents de famille, mais aussi beaucoup de jeunes écologistes.« Il s’agit d’éduquer tous les consommateurs. Les gens sont souvent touchés par notre action, et surpris par la simplicité de notre travail. Il n’y a pas de raison pour que le fait de partager soit quelque chose de compliqué », raconte Roxane. En 2019 seulement, Foodsharing Copenhagen a réussi à sauver 13 000 tonnes de nourriture, partagées entre 16 000 visiteurs. Seuls les aliments non congelés sont concernés : fruits, légumes, pain et pâtisseries. « Je ne vois pas notre Foodsharing comme un réseau hiérarchisé. On est juste une grande communauté qui défend la consommation responsable. »

Des consommations alternatives engagées :

Les efforts du Foodsharing contribuent à un changement matériel, mais aussi comportemental. L’organisation est très pédagogue vis-à-vis de la consommation responsable qu’ils défendent. Or certains ont déjà intégré ces idées, et vont encore plus loin dans la lutte contre le gaspillage. C’est le cas des militants du freeganisme ou du dumpster divingconnu comme « trésordure » en français. Le freeganisme, formé à partir des termes free (‘’gratuit’’ en anglais) et véganisme, préconise une participation aussi réduite que possible à l’économie conventionnelle. Les freegans défendent donc la trésordure comme source d’alimentation. Consistant à récupérer les invendus alimentaires directement des conteneurs, c’est une pratique qui reste très controversée et stigmatisée.

 

                                     Préparation avant la redistribution d’invendus alimentaires.

 

Vicente est venu étudier à Copenhague, où il se sent moins jugé sur son intérêt pour cette pratique. Il s’est donc proposé d’essayer la trésordure pendant un an : avec 85 % de son alimentation provenant des conteneurs, Vicente a économisé 6800 DKK, c’est-à-dire 910 € en six mois. Il déclare ne jamais être tombé malade, puisque la nourriture du jour est parfaitement comestible. « En pratiquant la trésordure, on suit un certain code. Je ne prends que ce dont j’ai besoin, car je ne suis jamais le seul à récupérer les invendus. Il m’est arrivé de croiser des familles dont les enfants attendaient dehors », explique-t-il. Jusqu’à présent son expérience est très positive, et il n’exclue pas de continuer la trésordure après son essai d’un an.

Ainsi, ces initiatives locales et individuelles émergent majoritairement de l’engagement des jeunes copenhagois. Ils proposent des consommations alternatives, et rappellent que l’équilibre et le partage sont essentiels à notre mentalité comme à notre comportement.

Alicia Gomba-Aibar

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