Défis et Initiatives : L’Engagement Associatif des Jeunes Face à la Précarité Étudiante
Les associations jeunes, représentant 26% du paysage associatif, font face à des défis avec la crise économique et l’inflation, compromettant l’engagement bénévole des jeunes. Pour surmonter ces obstacles, des initiatives comme le service civique sont explorées. Cependant, la fermeture de la Radio des Talents (RDT) en 2023 met en lumière les difficultés persistantes dans le recrutement bénévole au sein de ces associations dynamiques craignant une baisse de vitesse.
Dans un rapport publié par l’INJEP (Institut National de la Jeunesse et de l’Éducation Populaire) en 2012, le spécialiste de l’engagement politique des jeunes, l’historien Jean-Claude Richez, a constaté que deux fois plus de jeunes acceptent de se situer politiquement et se montrent intéressés par l’engagement politique par rapport à l’année 1999, marquant ainsi un engagement historique datant d’après-guerre avec les MJC (Maisons des Jeunes et de la Culture). L’engagement des jeunes prend de l’ampleur, au point de faire trembler les pouvoirs publics lors des mouvements étudiants de mai-68, où l’Assemblée nationale a été dissoute.
Ainsi, dès le XXᵉ siècle, l’éducation populaire se démocratise. Issue de l’époque des Lumières, l’éducation populaire est “un courant de pensée visant à promouvoir une éducation amenant une transformation sociale en dehors des institutions traditionnelles d’enseignement.” Ceci constitue le fondement historique des associations jusqu’à aujourd’hui.
Cela rejoint la théorie de l’enfant-acteur ; les jeunes souhaitent dès le plus jeune âge être citoyens et agir pour la société. Selon Jean-Claude Richez, pour intégrer les jeunes dans la société, il faut leur donner une place, les laisser parler et prendre des décisions, les autoriser à agir, et surtout établir un contrat formel pour concrétiser leur engagement et leur pouvoir auprès des institutions.
Le service civique
Selon Letudiant.fr, 46% des jeunes de la seconde à BAC+2 pensent que l’inflation impacte directement leurs dépenses, tandis qu’une étude de l’Observatoire National de la Vie Étudiante indique que 46% des étudiants ont un emploi rémunéré en parallèle de leurs études. Cette priorité financière entraîne à la fois une contrainte de temps importante, ainsi qu’une charge mentale significative.
Les associations doivent alors redoubler d’efforts pour éviter d’être en sous-effectif. Cela passe notamment par la promotion d’une valorisation des compétences, prouvant que l’engagement associatif via l’éducation populaire servira au bénévole dans sa vie professionnelle future. Dans son plaidoyer, l’association Jets d’encre va même plus loin en voulant inscrire cette valorisation bénévole dans la loi.
Cependant, la solution privilégiée par les associations pour répondre au problème de la rémunération consiste à recourir aux contrats de mission en service civique. Le service civique est un dispositif de l’État existant depuis 2010, offrant la possibilité à des jeunes de 16 à 25 ans de s’engager dans une mission d’intérêt général de 24 à 35h contre une indemnisation à hauteur de 496,93€ par mois, dont 113,02€ à la charge de l’association. Pour les jeunes, le service civique se présente comme une opportunité exaltante d’explorer l’engagement sans entraves. En plus de cette expérience unique, ils bénéficient d’un accompagnement précieux pour façonner leur futur au-delà du service civique. Cette étape préparatoire à leurs avenirs est d’autant plus significative qu’elle s’accompagne d’un complément de revenus, venant s’ajouter aux bourses du supérieur. À titre d’exemple, parmi les 80 associations composant le réseau Animafac, 206 jeunes volontaires s’investissent pleinement dans le service civique.
La fermeture de la Radio des Talents
Adrien Roux et Maéva Hérault ont fondé la Radio des Talents (RDT) à l’âge de 16 ans en 2019. Cette webradio associative visait à mettre en avant les musiciens amateurs, combinant hits actuels et créations originales. Avec des émissions animées par des jeunes bénévoles, subventionnés par un soutien local et financier, RDT a connu un succès notable, atteignant les 1000 auditeurs. Cependant, en 2023, la fermeture de RDT a été annoncée en raison de difficultés associatives et d’une crise du bénévolat. Adrien, l’ex-président, explique dans une interview pour Le Châtillon que le recrutement de bénévoles compétents était difficile, malgré des efforts. L’absence de perspectives a démoralisé l’équipe. La charge de travail élevée et l’impossibilité de passer sous statut commercial vis-à-vis des partenaires ont également contribué à la fermeture. Actuellement étudiant-entrepreneur, Adrien souligne les compétences acquises grâce à RDT et explore de nouveaux projets. Pour les associations en difficulté, il suggère l’option des services civiques et des stages, bien que les contraintes financières puissent être un obstacle. Il évoque aussi les Juniors Associations, mais souligne leurs contraintes en matière de gestion financière, ce qui n’a pas convenu à la RDT.
Fabio Delafontaine
Remerciement à Mathilde Probel (Animafac) pour son expertise.
3 questions à Mathis Marquez, Administrateur National du RNJA (Réseau National des Juniors Associations)
1. Pouvez-vous expliquer ce que sont les juniors associations ?
En France, un mineur rencontre de trop nombreux freins qui l’empêchent pleinement de monter ou faire partie d’une association. Ces freins sont techniques et administratifs mais les plus importants
concernent notamment le regard porté par les adultes sur la légitimité et la crédibilité des jeunes à s’engager. Le Réseau National des Juniors Associations offre alors un accès facilité aux outils de la vie
associative (partenariat bancaire et assurances, ressources sur la gestion d’une asso, etc..) et se porte garant juridiquement pour tout jeune qui souhaite monter son association.
2. Remarquez-vous une évolution dans l’engagement bénévole sur les dernières années ?
L’engagement et la mobilisation des jeunes ne diminuent pas. Mais aujourd’hui ceux-ci ne s’engagent plus sous les formes « classiques » comme dans les partis politiques mais vont avoir une approche de leur citoyenneté beaucoup plus concrète et innovante, avec l’engagement associatif et militant dans les causes qui leur tiennent à cœur. Si on prend la période Covid par exemple, c’est indéniable qu’il y a eu une baisse de l’engagement mais c’est justement dans cette période qu’on a pu se rendre compte de la richesse du monde associatif, de la solidarité entre les gens avec des initiatives magnifiques qui ont émergées.
3. Qu’est-ce qui fait la force du bénévolat associatif ?
Dans le climat de crise sociale et démocratique que connaît aujourd’hui notre société je crois que ce qui fait la force du bénévolat associatif c’est à la fois son essence même, le fait d’être
« compensatoire » des inactions de l’État, mais aussi d’arriver à faire du lien entre les gens, de porter de l’espoir et de montrer que justement un monde plus juste et plus solidaire est possible, là où on a tendance à essayer de diviser les gens et de confronter les intérêts.
Mathis Bonamy
Entretien avec Mathias Vadot de l'Association Droit au Vélo
Etienne Balthazard