Tatouage de téton en 3D : reconstruction esthétique après une mastectomie
Depuis 2017, Alexia Cassar propose dans son Téton Tattoo Shop des tatouages de tétons en 3D aux personnes qui ont subi une mastectomie des suites d’un cancer du sein. Basée à Marly-la-ville, dans le Val d’Oise, elle utilise cette technique encore peu répandue pour permettre aux anciennes malades de se réapproprier leur corps.
Lorsque sa fille, alors âgée de dix mois, est diagnostiquée leucémique, Alexia Cassar ressent un « besoin de [se] sentir utile dans la lutte contre les dommages du cancer ». Biologiste de formation, elle travaillait depuis quinze ans au développement de nouvelles molécules contre cette maladie. « J’avais l’impression de travailler de manière anonyme et de ne pas sentir la différence que j’apportais. » En 2015, elle découvre le travail de Baltimore Vinnie Myers, un tatoueur spécialisé dans le tatouage en 3D après mastectomie. La scientifique décide de quitter son emploi pour suivre une formation de deux ans aux États-Unis. Cette reconversion ne tombe pas du ciel puisqu’elle avait déjà quelques bases artistiques et une passion pour le tatouage. À son retour en France, elle lance un cagnotte sur internet qui lui permet d’ouvrir le Téton Tattoo Shop, premier et seul salon de tatouage spécialisé dans les tétons en France.
Elle ne pratique que le tatouage 3D de reconstruction. C’est une « technique de tatouage artistique, pas médicale » qui utilise les procédés du tatouage traditionnel pour recréer en trompe l’œil des aréoles et des mamelons. Il s’agit de reproduire, le plus fidèlement possible la texture, le relief et la couleur du téton restant, « ou le plus naturel et adapté à la morphologie s’il n’y a plus de sein ». La principale difficulté pour la tatoueuse est de s’adapter à la peau endommagée des survivantes du cancer du sein. Leurs tissus sont « fragiles, irradiés et opérés » ce qui rend la cicatrisation imprévisible.
Malgré la difficulté du geste, une fois effectué, il permet aux clientes d’Alexia Cassar de « tourner la page et de retrouver estime de soi ». Celle-ci raconte avec émotion la première fois qu’elles se regardent dans le miroir et découvrent le résultat. « Elles sont instantanément captivées et conquises par leur nouveau téton (ou les deux). Les voir se regarder à nouveau avec bienveillance et se trouver belles est une première victoire. » Des mois voire des années de combat contre le cancer et des cicatrices peuvent avoir raison de l’amour de soi des personnes atteintes de cette maladie. Ce tatouage agit comme « une reconstruction physique et émotionnelle ».
Alexia Cassar entretient une relation particulière avec ses clientes, une relation de confiance mutuelle. « Certaines d’entre elles sont restées spéciales à mon cœur, comme des amies proches. Mais la plupart de mes clientes continuent de suivre et commenter mes publications, elles me donnent des nouvelles de temps en temps. Nos vies sont liées pour toujours. » La tatoueuse ressent la finalité de son travail, cette aide concrète qu’elle souhaitait apporter, quand elle les voit « retomber amoureuses, retrouver du travail, changer de coiffure et de look.»
Mais tout n’est pas si simple. « Je commence à recevoir des demandes de correction pour des tatouages improvisés des aréoles, et ils sont parfois irrattrapables. » Des tatoueurs traditionnels et des praticiens du maquillage permanent se sont mis à réaliser des tétons sans avoir suivi la formation nécessaire. « Les anciens malades du cancer sont vulnérables et méritent mieux que des tatouages faits à la va-vite par des autodidactes qui profitent de la médiatisation de la technique. » Ces tatouages peuvent avoir de sérieuses répercussions comme des lésions cutanées irréversibles et inesthétiques. Alexia Cassar a tenté d’alerter le Ministère de la santé et le Haut Conseil de le Santé Publique, sans succès.
Louison Fourment
Entretien avec Madeleine Bahloul,
survivante du cancer du sein
La mastectomie expliquée
Jamy, c’est quoi la mastectomie ?
Le terme mastectomie n’est pas des plus clairs. Tout est dans son autre nom, la chirurgie mammaire non conservatrice. Il s’agit d’une intervention chirurgicale qui vise à retirer une tumeur d’un sein, sans « conserver » ce dernier. L’opération est indiquée si la tumeur est trop volumineuse par rapport au sein touché, si sa forme ou sa localisation rend toute autre alternative impossible ou si plusieurs tumeurs se sont développées dans un même sein. On peut dire que c’est l’intervention de la dernière chance, la plus drastique, en cas de cancer du sein.
Comment ça se passe ?
Pas si vite Fred. Il y a deux types de mastectomie : la totale et la radicale modifiée. Elles diffèrent en fonction du cancer. S’il est découvert précocement, et que les ganglions lymphatiques ne semblent pas touchés, on pratique la chirurgie totale, on n’enlève pas tout. Le chirurgien retire le sein, le mamelon et le revêtement des muscles du thorax. Par contre, il laisse les fameux ganglions, les nerfs et les muscles qu’il a dévêtis.
Mais si le cancer est plus développé, le chirurgien procède à la mastectomie radicale modifiée. Ce dernier retire certains ganglions lymphatiques de l’aisselle afin de les analyser. Ça permet de vérifier le degré d’extension du cancer. (Est-ce qu’il la joue Blitzkrieg ou guerre de position ?)
Et que reste-t-il du sein ?
De l’original, pas grand-chose. Cette opération est dure et modifie souvent l’image que la femme opérée a d’elle-même. Alors, avant l’opération, la reconstruction du sein est abordée avec le chirurgien.
Rien n’est prescrit, il s’agit d’un choix personnel, mais la reconstruction physique a plusieurs formes : immédiate lorsqu’elle a lieu juste après l’opération, différée lorsqu’elle constitue une nouvelle intervention. Suivant les cas, la patiente peut choisir le moment de la reconstruction, mais elle peut choisir de ne pas faire reconstruire son sein. La prothèse mammaire reste une autre option.
Jordan Lachaux