La Croix-Rouge vecteur de culture

by Grégoire Loncke
La Croix-Rouge de semble pas être synonyme de culture et pourtant certaines actions tendent à prouver le contraire. Explications, à Lille, avec Jessica Antonio, ancienne responsable des cours de Français langue étrangère (FLE) et de soutien scolaire de la Croix-Rouge, et Margaux Fernez. 

En plus des deux séances quotidiennes de soutien, les deux femmes proposent aux enfants de se réunir pour « essayer de leur faire découvrir de nouvelles choses ». Ce sont des groupes de quatre ou cinq qu’elles ont notamment accompagné au cinéma l’Univers pour visionner des courts métrages. À la fin des projections, elles les laissent réagir entre eux. Selon elles, ces sorties sont « un moment où l’enfant peut discuter, s’exprimer ». 

À chaque fin d’année, un projet est envisagé. En juin dernier, Jessica Antonio a proposé le graff. Elle a accompagné ses élèves pour visiter la ville et se pencher sur les œuvres du collectif Renard, un des plus importants collectifs de graffeurs de la métropole. Après avoir découvert cet art, les enfants, aidés d’un artiste du collectif, ont repeint la porte du garage de la Croix-Rouge. Une semaine a été nécessaire aux cinq enfants intéressés pour accomplir l’objectif avec des pochoirs. « Le but est de leur montrer qu’ils peuvent avoir un impact positif sur leur quartier », affirme Margaux Fernez.

La Croix-Rouge tient à faire prendre conscience à ces enfants que la culture est partout. L’année précédente, le projet graffiti, un atelier de danse afro-contemporaine centré sur ce que voulait exprimer les enfants, avait été organisé. C’est ce que revendiquent les bénévoles de la Croix-Rouge : écouter les enfants, titiller leur curiosité et plus généralement les accompagner.

"On laisse des graines et puis on voit"
Jessica Antonio
Ancienne responsable des cours de français et de soutien scolaire à la Croix-Rouge de Lille

Les enfants ont peur « d’aller vers l’inconnu, de ne pas se sentir à leur place et d’être mal perçus », selon Margaux Fernez. Cette difficulté, ce ne sont pas les 300 euros du Pass Culture qui vont les régler. Jessica Antonio souligne que leur rôle est surtout d’accompagner les enfants et non de les passionner. Son but est surtout de « lancer des graines et puis on voit ». Les enfants auront déjà appréhendé les cinémas ou les musées et pourront y retourner sûrement plus facilement.

La difficulté vient aussi d’un aspect économique. Le monde de la culture est confronté à un public homogène, vieillissant et réservé aux catégories socio-professionnelles supérieures, les fameuses CSP+ ! Tout le monde ne peut pas se permettre de dépenser tous les week-ends dans des sorties au musée ou des séances de cinéma. Beaucoup sont contraints de faire des choix. L’antenne locale de la Croix-Rouge entretient des partenariats avec des associations ou des lieux culturels. Au cinéma associatif l’Univers par exemple, ils bénéficient de tarifs préférentiels.

Selon Jessica Antonio, « le rôle de la Croix-Rouge n’est pas de se substituer aux rôles de l’État, mais plutôt de venir boucher les trous-là où il y a des choses qui ne se font pas ». Et c’est exactement ce qu’elle fait avec son équipe de bénévoles. C’est inquiétant d’un côté parce que l’État compte sur ces associations sans forcément leur assurer une immortalité, mais rassurant d’un autre, puisque nombre de personnes bénévoles ou salariés sont prêtes à se saisir de ces sujets pour venir en aide aux enfants.

Melvin Hermann

Graffiti réalisé par les enfants le Collectif Renart avec l'aide des enfants de La Croix-Rouge © Djibril Faye

Pourquoi est-ce si important ? 

Chroniques des rapports individuels et collectifs à la culture

« Je crois qu’il faut engager une vraie réflexion : pourquoi vouloir développer la dimension culturelle en ZEP », Jean-Michel Zakhartchouk, professeur de français en ZEP. Dans son témoignage déposé auprès du ministère de l’éducation, Jean-Michel semble se centrer sur le cas des Zones d’Éducation Prioritaires, néanmoins il engage une réelle réflexion sur ce sujet et son accessibilité ou plus encore sur ses fondements.

Mais de quelle culture parle-t-on ? Lorsqu’il est fait mention de culture dans des études, il est très généralement question de culture dite « élitiste », c’est-à-dire celle valorisée par les classes favorisées et nécessitant un capital culturel de départ pour pouvoir y accéder. Autrement dit, c’est la culture des inégalités.

Cependant, et ce de plus en plus, chercheurs et experts se positionnent afin de ne plus considérer cette culture comme seule possibilité. D’autres horizons culturels sont explorés, il est possible aujourd’hui d’avoir des pratiques culturelles sans pour autant lire ou encore aller dans un musée. Leur mission est donc de faire valoriser ses nouveaux moyens afin qu’ils soient tout autant considérés.

Si sa définition tend à être changée, la culture élitiste, elle, ne change pas – du moins pas sur les inégalités qu’elle procure. Malgré des efforts gouvernementaux sur la démocratisation de son accès avec les chèques ou encore le pass culture, le public enclin à ce type d’activités reste le même.

Ce qui laisse place à une analyse plus profonde des dynamiques et des raisons sociologiques qui expliquent cet inégal accès voire rapport à la culture. Nous avons mentionné le capital culturel en ce début de chronique, c’est bien car il possède un impact sur cela. Héritage parental, il explique l’attitude sociétale des individus et notamment de leurs aptitudes ou compétences à agir ou faire partie de certains milieux. Ainsi la culture n’est pas épargnée par ce phénomène.

Même si cela semble impossible à modifier, l’école acquiert un rôle central aujourd’hui afin de remédier à ces inégalités et de pouvoir posséder tous les mêmes réflexes et relations vis-à-vis du milieu de la culture afin qu’elle puisse perdre son appellation “d’élitiste”.

Luna Nikolic

 

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