“Enfants de taulards” : À la recherche de soutien invisible
Le silence entourant les enfants de détenus est assourdissant. Leur vécu, leurs émotions, leur potentiel rôle dans la dynamique familiale sont souvent négligés face à l’absence, l’inquiétude et la colère qui les assaillent. Leur exposition à l’univers carcéral est une expérience profondément impactante. Cette épreuve peut les fragiliser ou les endurcir, mais elle ne les laisse jamais indemnes. Pour répondre à ce besoin crucial d’accompagnement, l’Association éducative sportive et d’aide aux détenus de la Maison d’Arrêt de Dunkerque a créé un environnement accueillant et anonyme, “un refuge”, offrant un soutien essentiel aux enfants de détenus.
Les enfants de détenus, souvent négligés, souffrent d’un manque d’attention et de soutien alors que l’un de leurs parents est en prison. Ils portent toujours le poids d’une stigmatisation injuste, souvent ignorés ou même méprisés. Leur réalité reste largement ignorée dans les statistiques, les études et les politiques publiques, malgré le fait que 95 000 enfants se retrouvent dans cette situation chaque année en France.
Un refuge à l’approche non-condamnatoire
L’Association d’aide aux familles de détenus de la Maison d’Arrêt de Dunkerque prône une approche non-condamnatoire envers les familles et les enfants touchés par la détention d’un proche. Située en face de la Maison d’Arrêt, cette maisonnette blanche qui voit sa façade se dégrader au fil des années, offre un « refuge » aux heures de parloirs, où les bénévoles accueillent les familles dans un espace anonyme et convivial. Les enfants y occupent une place centrale, où un espace rempli de jouets leur est dédié. Cet accueil vise à apporter du réconfort aux familles tout au long de la peine purgée par le détenu.
Les premières visites au parloir sont souvent déconcertantes, l’univers clos et oppressant laissant une empreinte indélébile sur ces enfants, condamnés à porter toute leur vie la cicatrice de cette expérience. « Les premiers parloirs sont très compliqués, on essaye de rassurer les familles comme on peut, on sait que les enfants seront traumatisés toute leur vie, alors on a un petit mot pour eux, on essaye de leur parler… », dit une des bénévoles tout en balayant le « refuge ». Comment peuvent-ils espérer se construire une vie “normale” après avoir été confrontés à la réalité carcérale dès leur plus jeune âge ? Quelle influence la prison exercera-t-elle sur leur existence future ?
Dans cet espace de soutien, les familles trouvent un lieu où exprimer leurs émotions et se confier, sans n’être jugées ni questionnées. « On ne s’immisce pas dans la vie des familles, on sert seulement de soutien, on ne pose jamais de questions, on leur demande seulement si ça va. » Face à l’enfermement et au deuil vécu par les enfants, ces rencontres peuvent devenir une source de résilience.
L'UFRAMA : une structure qui vise à soutenir
L’Union nationale des fédérations régionales des associations de maison d’accueil de familles et proches de personnes incarcérées (UFRAMA), en partenariat avec l’administration pénitentiaire, déploie une initiative visant à soutenir les enfants et adolescents ayant un parent en détention. Cette action prend forme à travers une campagne d’information destinée à les sensibiliser.
Au cœur de cette démarche, se trouve la maison d’arrêt de Dunkerque, affiliée à l’UFRAMA, où des bénévoles sont régulièrement formés à l’accueil et au droit pénitentiaire, avec une fréquence de formation tous les 2 à 3 ans. Cette structure offre une plateforme pour fournir des conseils généraux sur les procédures permettant de maintenir ou de rétablir le lien familial avec un proche incarcéré. Ces conseils incluent des informations sur l’obtention d’un permis de visite ou l’accès aux parloirs, entre autres.
Par ailleurs, l’UFRAMA met à disposition des adolescents un formulaire en ligne pour échanger de manière anonyme avec des professionnels et poser des questions. En parallèle, une campagne de sensibilisation est lancée sur les réseaux sociaux, comprenant des vidéos témoignages d’adolescents ainsi que la présentation d’une maison d’accueil des familles, dans le but de fournir un soutien et des ressources à cette communauté souvent négligée.,
“Enfants de taulard” est un podcast documentaire réalisé par Audrey Savournin pour le quotidien régional La Provence. Ces six épisodes retracent ces “enfants de taulards”. Ils ont entre 5 et 41 ans, tous grandissent ou ont grandi avec un parent en prison. A travers ce podcast, la parole leur est donnée, des professionnels apportent leur expérience plus globale de la confrontation des enfants à l’univers carcéral.
Bak Leia
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Soutenir par les représentations dans la littérature
La littérature de jeunesse permet à l’enfant de “donner une cohérence à ce qu’on vit, construire son histoire pour penser son présent et se projeter dans l’avenir”. Les albums jeunesse peuvent être un moyen d’aider les enfants confrontés à la réalité carcérale. Par ce qui est montré à voir, ces albums favorisent l’accès à un imaginaire. Ils permettent d’identifier le manque, l’absence, la honte et offrent une autre réalité aux enfants.
Prenons deux albums de jeunesse abordant la prison et ce qui l’entoure dans l’imaginaire enfantin. D’abord, “Petit Pierre attend” de Nicolas Gouny : des phrases courtes et de belles illustrations, un livre accessible aux tout-petits. Petit Pierre vit avec sa mère et souffre de l’absence de son père qui est en prison. Celle-ci n’est jamais nommée, mais est suggérée par les illustrations qui représentent le vide causé par le manque d’un parent lors de l’ enfance. Ensuite, “Le tonton de Max et Lili est en prison” de Dominique de Saint Mars et Serge Bloch. Max et Lili découvrent que leur oncle n’est pas en voyage, mais en prison. Ce livre aborde la douleur des familles séparées par la prison. Honte, questionnement et
ignorance rythment les dialogues de ces enfants.
Ces deux albums offrent une représentation de la violence et de l’ignorance ressenties par des enfants souffrant de la prison. Selon Catherine Dolto, médecin et écrivaine spécialisée dans les livres sur la santé des enfants, la littérature jeunesse est essentielle à la construction de l’enfant. En effet, ces ouvrages “permettent d’installer un dialogue avec les enfants lors d’événements marquants ou difficiles. Il est essentiel que l’enfant “sente que c’est bon qu’il existe et qu’il soit qui il est, comme il est”. Et selon elle, les albums jeunesses offrent cette possibilité.
Fleury Lison
La représentation du milieu carcéral au cinéma
Bradier Nano
Fleury Lison