Vers l’Emergence de réussites professionnelles
Le programme lillois Emergence, soutenu par l’association Areli, c’est chaque année 30 à 50 jeunes sélectionnés pour bénéficier d’une aide à l’éducation supérieure. Son rôle : accompagner, financer, conseiller des jeunes qui ont pour objectifs de faire de grandes études. Immersion dans les locaux d’Areli, à la découverte du programme émergence et de ses acteurs.
17h30, siège de l’Association Areli sur le boulevard de la Liberté, une vingtaine de jeunes se pressent pour rentrer dans la salle de réunion. La salle est en ébullition : on discute, on chuchote, on rigole jusqu’à ce que le silence se fasse. Tous sont impatients de découvrir le programme pour lequel ils vont candidater : le programme Emergence. C’est une idée née en 2002 quand l’association Areli (spécialisée dans l’accompagnement aux logements) décide d’ouvrir une filière pour les enfants de leur locataires logements afin de les accompagner dans les études et la vie professionnelle. Aujourd’hui c’est une aide financière entre 1000 et 6500 euros de bourse annuelle, un accompagnement humain (parrains, tuteur et équipe) et une réelle « famille professionnelle ».
“Je le referai sans aucune hésitation”
Emma, lauréate du programme en 2022 prend la parole : «Si c’était à refaire je le referai sans aucune hésitation ». Pour l’étudiante en droit international espagnol, participer à ce programme lui a permis de découvrir le monde du travail quand ses « parents avaient moins les moyens de le faire ». En effet, grâce au parrainage de Kevin, chef de projet au sein de l’entreprise Projection, elle participe à des ateliers qui lui font découvrir la vie en entreprise. Avec Emergence elle apprend également des « choses essentielles sur le monde du travail que l’on n’apprend pas au lycée, comme trouver des stages ou savoir utiliser Linkedin » , explique-t-elle.
“Il faut savoir recevoir et donner en retour”
Le programme demande aux lauréats de suivre certaines obligations : rester en contact avec l’association en participant aux ateliers, réussir dans ses études et surtout s’engager citoyennement. Pourquoi ? Le programme considère l’action citoyenne comme un élément majeur de l’accomplissement du lauréat. « Il faut savoir recevoir et pouvoir donner en retour », affirme Bruno Guidert, cadre de l’association Areli. C’est ainsi qu’Emma s’est engagée à l’Unicef et au MUN (simulation sur le modèle des nations unies) de son université. Elle confie que ses deux engagements lui « apportent beaucoup ».
« Il est possible de vivre ensemble quels que soient les origines, la culture, les revenus, le patrimoine. » Telles sont les convictions d’Areli tient à rappeler Bruno Guidert. Le programme a été créé pour permettre aux très bons élèves issus de milieux familiaux « éloignés des études » d’accéder à des études supérieures. Bien que l’attractivité du programme tienne surtout dans son aspect financier comme le livrent Sarah et Lola à la sortie, l’aspect humain y est largement appuyé par les intervenants.
Ils affirment en effet que, dans le monde du travail, il est essentiel d’avoir un carnet d’adresse bien rempli ! L’accompagnement du lauréat est constant : « On est lauréat pour toute la vie », clame Thiphaine, manageuse du programme émergence. Le but est ici de créer un réseau de lauréats dans différentes filières et entreprises afin de faciliter l’insertion professionnelle des nouveaux arrivants sur le marché du travail.
“On est lauréat pour la vie”
Mais comment ce programme est-il financé ? Emergence est financé par les entreprises de la région et certaines grandes écoles. « C’est une spécialisation de la région Nord », s’amuse Bruno Guidert, très reconnaissant envers ces entreprises. En plus de financer les bourses des élèves, les entreprises fournissent les parrains, chargés d’accompagner et d’aider les étudiants dans leur insertion professionnelle. C’est au sein de ces mêmes entreprises que certains effectueront leur stage, ou auront leur premier emploi. Le programme aujourd’hui c’est 879 lauréats au total, 629 diplômés et 250 en cours d’études. « Une belle réussite qui prouve que tous peuvent y arriver ! », lance Thiphaine pour clôturer la séance.
Tous, oui, mais « tous » parmi les meilleurs ! En effet, le programme sélectionne les élèves qui « ont envie d’y arriver », ceux qui le méritent, c’est-à-dire ceux qui ont d’excellentes notes à l’école. Cette idée de mérite mise en avant par l’association pousse à une prise de recul. Un enfant issu de milieu défavorisé aura toujours plus de difficulté qu’un autre. Alors, oui, Areli aide effectivement les « meilleurs », mais il est toujours bon de rappeler que le milieu social, culturel, économique joue
énormément sur la réussite scolaire des jeunes, et qu’un jeune qui ne réussit pas ce n’est pas un jeune qui ne veut pas : peut-on vraiment croire à l’égalité des chances ?
18h45. Réunion terminée. les discussions reprennent, les rires retentissent, le silence s’éteint. Les lycéens se dirigent en file vers la sortie pour annoncer à Tiphaine si oui ou non ils postuleront au programme. « Ce qui serait vraiment utile c’est la bourse, pour financer les études, mais c’est vrai que c’est très attirant tout ce côté de partage avec les membres de l’association, ça donne envie de s’engager ! » affirme Yasmine, 18 ans, qui souhaiterait faire une prépa commerce puis une école. Ainsi, cette année encore, près de 200 jeunes candidateront, parmi lesquels seuls 30 à 50 seront sélectionnés pour bénéficier des avantages du programme émergence.
Gabrielle Martin-Cayol
3 questions avec Mathys DUFRESNOY sur le système de parrainage
Quelle est ta relation avec ta marraine ?
“On ne t’assigne pas un parrain ou une marraine comme ça, tu rencontres plusieurs personnes
qui pourraient te correspondre puis tu les notes et ceux-ci font de même. Ensuite le programme
détermine la personne qui t’accompagne, ma marraine, Florence, a fait AgroParisTech, une école prestigieuse et est juriste agroalimentaire chez Roquette, une entreprise maintenant internationale. Elle voyage donc beaucoup, en Asie, aux États-Unis. Je te laisse imaginer les discussions qu’on peut avoir. Le but du programme c’est aussi d’avoir une relation humaine, je la vois assez souvent, on boit un café, on dîne. C’est quelqu’un avec qui je vais être en contact même après mes études.”
Que t’a apporté cette expérience ?
“Avoir un professionnel qui t’accompagne, c’est hyper important, on néglige peut-être
l’impact que peut avoir un tuteur. Avoir quelqu’un hors du cadre scolaire à qui poser des questions, même hors domaine voulu aide beaucoup, Florence ne fait pas forcément ce que je veux faire plus tard mais on échange et elle me dit ce qu’elle estime être bien, pas bien, ce qui peut être une bonne opportunité ou pas, c’est génial ! Ça t’apporte beaucoup de choses et surtout une forme de maturité.”
Penses-tu que le tutorat devrait être plus développé en France ?
“J’ai toujours essayer de nouer une sorte de relation où je suis curieux et pose des questions
sur le parcours de la personne. C’est ça le sens du tutorat. En France, ce n’est pas assez développé. Oui on fait des stages, mais ça s’arrête là. C’est super, mais on fait quoi après ? Hors de nos études, si on ne connait pas de personnes qui ont fait des études supérieures dans des milieux qui nous intéressent, on est bloqué et si on n’est pas de nature à aller vers les gens, c’est fini.”
Matthieu Holymann
Mais qui mérite l'Emergence ?
Vidéo : Romane Mercier