Don et prêt d’objets, seconde main : vers une consommation plus responsable

by Salomé Rivet

La surconsommation et l’accumulation d’objets inutilisés dans les foyers posent question d’un point de vue écologique. Face à ces enjeux très actuels, des initiatives se mettent en place en France et à Lille pour essayer de moins et de mieux consommer. Associations, citoyens voire municipalités tentent, à leur échelle, de se mobiliser.

 
Vêtements devenus trop petits, livres pas ouverts depuis des années… Les logements des Français regorgent d’objets inutilisés. Ce phénomène d’encombrement matériel s’inscrit dans un contexte plus global de surconsommation. Nos achats dépassent en effet souvent nos réels besoins, ce qui nous amène à stocker des objets inutilisés dans nos foyers.
C’est justement pour cette raison que l’association Système d’Echange Local Bressan a vu le jour. Cette organisation permet entre autres à ses membres, répartis dans différents villages de l’Ain, de demander à se faire prêter certains objets ou bien de proposer des objets dont ils n’ont – temporairement – plus l’utilité. « On envoie une demande à une adresse et tous les membres de l’association reçoivent notre message. Derrière, si l’échange se fait, on doit le payer en étoiles. C’est-à-dire que la personne qui a demandé le bien (ou le service) donne un certain nombre d’étoiles au prêteur. On peut ensuite consulter son compte d’étoiles, qui est assez régulièrement actualisé », explique Patrick Ferlin, membre de l’association. Cette initiative locale permet ainsi d’éviter des achats inutiles, via ce système de mutualisation. Claudie Calatayud, présidente de SEL Bressan, insiste aussi sur « la dimension sociale » de l’association : « Derrière cette démarche, il y a surtout la volonté de créer du lien entre les personnes. Cela permet de connaître des gens qui pourront ensuite éventuellement aider en cas de pépins. »
« J’ai une empreinte carbone très inférieure à la moyenne » 
Si des initiatives collectives se mettent donc en place, certaines personnes décident aussi d’agir individuellement. C’est le cas de Thierry Petit, habitant de la région parisienne : « Il y a 20 ans, j’ai décidé de privilégier une approche de seconde main ou de récupération pour une partie de ma consommation. » Que ce soit en bricolant des objets trouvés dans la rue ou en privilégiant l’achat de vêtements chez Emmaüs par exemple, cet économiste à L’Institut Paris Région dispose d’une empreinte carbone bien plus faible que la moyenne, de l’ordre de 4kg par jour (celle-ci reste cependant deux fois trop élevée selon lui, au vu des recommandations). Une approche qui porte donc ses fruits et qui n’est pas si chronophage que cela à en croire le principal intéressé, qui explique que sa vie n’est pas basée sur cette démarche mais qu’il saisit plutôt « les opportunités qui se présentent à lui ». Son engagement ne s’arrête d’ailleurs pas à l’achat de seconde main : « Lorsque je passe à Emmaüs, il m’arrive aussi de donner. Je me suis également inscrit sur Toototoor, une application créée par un habitant de la Nièvre, qui permet de faire du don d’objets. »
 
Lille s’active également

Toujours dans une démarche de lutte contre la surconsommation et l’encombrement matériel, certaines actions se mettent en place à Lille. Plusieurs points de collectes de vêtements sont par exemple disponibles dans la ville. Des armoires à dons, permettant aux habitants d’offrir des objets dont ils n’ont plus besoin, ont aussi vu le jour. Enfin, les célèbres boîtes à livres se sont fondues dans le paysage lillois ces dernières années. Une dizaine de boîtes à livres sont réparties dans la ville. Ce concept est d’ailleurs aussi particulièrement apprécié par Thierry Petit : « Il y a un côté opportuniste où l’on passe devant et on se dit que tel ou tel livre a l’air intéressant. C’est quelque chose dont j’ai bien profité. » Ces initiatives ne traitent certes qu’une partie du problème, mais elles permettent déjà de faire bouger les choses à leur petite échelle.

Par Clément Estrat-Baudry
 
 

Zoom sur l’origine anglo-saxonne des bibliothèques d’objets

Si le concept de bibliothèques d’objets est récent en Europe, les “Libraries of things” (littéralement : bibliothèques de choses) existent depuis plus d’un siècle Outre-Atlantique, où la pratique a vu le jour. C’est donc ironiquement dans le pays de l’Oncle Sam, roi du consumérisme, que l’on trouve la première trace de prêt d’objets, organisé en 1894 par la St. Louis Public Library (Missouri) qui offre à ses usagers une alternative à l’achat de jeux et de raquettes de tennis. 

Une vingtaine d’années plus tard, des Curriculum materials centers voient le jour et permettent aux futurs professeurs d’emprunter du matériel de classe, comprenant jeux et jouets, kits, objets à manipuler ou maquettes scientifiques. Le concept ne s’adresse alors qu’à une petite partie de la population américaine, mais c’est au lendemain du krach boursier de 1929 et la Grande Dépression qui s’en suivra, qu’il sera popularisé par les bibliothèques d’outils et acquerra une dimension sociale.     

Sur le Vieux Continent, l’émergence du concept sera beaucoup plus tardive, et aura lieu en 2014 dans le cadre d’une expérience sociale menée dans le quartier londonien de West Norwood. L’initiative s’étend ensuite dans d’autres grandes villes européennes comme Genève et Paris, où les projets se dotent d’une dimension bien plus militante et écologique. Si les bibliothèques d’objets ne cessent d’ouvrir leurs portes, la capitale anglaise est encore à ce jour la ville européenne ayant le plus grand réseau de partage, avec plus de 31 000 objets et 18 000 membres.

Par Maël Gomes-Dubois

Photo Simon Zobel

Vidéo Lou-Anne Hournon

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