Courir en pleine montagne, sentir le vent sur les crêtes et admirer des panoramas à couper le souffle. Le trail offre une immersion unique dans la nature. Mais derrière cette quête de liberté se cache une réalité plus embarrassante : les trajets effectués pour participer à ces courses explosent l’empreinte carbone des coureurs. Alors, comment faire rimer passion du trail et respect de l’environnement ?
Si le trail semble une activité verte par essence, il suffit de regarder les chiffres pour comprendre que le tableau est moins idyllique. Selon une étude de l’ADEME (Agence de la transition écologique), les déplacements représentent jusqu’à 70 % de l’empreinte carbone d’une course de trail. Pour une grande course comme l’UTMB, qui attire chaque année des milliers de coureurs internationaux, les trajets longue distance en avion ont un impact majeur sur l’environnement. Un aller-retour Paris-Genève en avion, c’est environ 200 kg de CO2 par passager, soit autant que rouler en voiture pendant 1 000 kilomètres.
« Sur les routes menant aux grandes courses, on voit souvent des dizaines de voitures avec un seul coureur dedans », déplore Thomas, traileur lillois. Pour lui, le covoiturage est une évidence. Des plateformes comme BlaBlaCar, ou par exemple les groupes Facebook de la Maxi-Race, facilitent l’organisation de trajets partagés. « Le covoiturage, c’est aussi une bonne manière de rencontrer d’autres passionnés. On échange sur nos objectifs, nos stratégies pour la course… Ça fait partie du plaisir », sourit Thomas, venu en covoiturage à sa course. Certaines organisations encouragent activement cette pratique. Le Marathon du Mont-Blanc offre par exemple des réductions sur les frais d’inscription aux coureurs utilisant le covoiturage.
Des trails locaux
Pourquoi traverser la France quand de nombreux sentiers se trouvent près de chez soi ? Cette tendance du « local running » gagne du terrain. « Avant, je voulais absolument faire les grosses courses prestigieuses », confie Jonathan, traileur lillois. « Mais aujourd’hui, je privilégie les petits trails régionaux. Je redécouvre ma région sous un autre angle. » Cette pratique locale permet de réduire drastiquement l’empreinte carbone tout en valorisant les territoires.
Lorsque réduire les déplacements n’est pas possible, les participants se tournent vers la compensation carbone. L’idée ? Financer des projets environnementaux pour compenser les émissions de CO2 générées par un déplacement. Plantation d’arbres, production d’énergies renouvelables, protection de forêts : les initiatives ne manquent pas. Mais cette solution est loin de faire l’unanimité. Planter un arbre mettra des dizaines d’années à absorber une quantité significative de carbone. Les coureurs doivent faire preuve de vigilance face au risque de greenwashing. De plus en plus de traileurs adoptent une pratique plus respectueuse de l’environnement. « Courir, c’est une manière de me reconnecter à la nature, alors ça n’aurait aucun sens pour moi de la détériorer », confie Lucas, un traileur militant.
Nicolas Viot

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La compensation carbone, remède controversé
Par essence, le trail est une pratique sportive naturelle. Il connaît un engouement qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement. A l’heure où les coureurs développent une conscience écologique, les organisations sportives intensifient les mesures environnementales. La compensation carbone en est le parfait exemple. Pour autant, cette initiative est questionnée pour son honnêteté et son efficacité.
La compensation carbone consiste à taxer les participants à la hauteur de leurs émissions de CO2 (dioxyde de carbone), en prenant en compte leur point de départ et leur mode de transport pour venir au trail. L’argent récolté finance des projets écologiques visant la capture du CO2, tels que la plantation d’arbres, ou encore le développement d’énergies renouvelables. Le terme “compensation” est discuté, car les trails, attirant un grand public, impliquent des émissions de CO2 à grande échelle. Certes, la contribution personnelle est un effort qui permet de mettre en place des initiatives écologiques, mais elle n’annule pas l’émission en soi. Ainsi, certains lui préfèrent le terme de “contribution”, car la neutralité carbone ne peut être atteinte.
La mesure est plébiscitée par les grandes organisations de trail, mais est aussi décriée comme une démarche trompeuse où l’on revendique une pratique vertueuse pour l’environnement : le greenwashing. Pour certains, la “compensation” carbone revient à déporter le problème. Il retombe sur les coureurs par un coût supplémentaire au dossard, alors que le problème est global : “C’est comment on pense la pratique”, affirme Joaquim Cresto, habitué des trails de la côte d’Opale. Selon lui, il s’agit d’abord de connaître les espaces environnants, de privilégier un trail local. C’est aux traileurs de s’emparer de la révision du trail et de se sensibiliser, faute d’incitations écologiques.
Rose Andrau
Le greenwashing dans l'ultra trail
Vidéo réalisée par Sacha Allizon.
Photographies réalisées par Yoann Perriniaux et Nicolas Viot.