Rapper pour apprendre (feat les profs)

Entre 1 heure de musique et d’arts plastiques et 3 ou 4 heures de sport par semaine au collège, le système éducatif français laisse peu de place aux enseignements pratiques. Alors que les besoins des élèves évoluent au fil des années, est-il temps de changer de méthode éducative ? Pour remédier aux demandes des élèves, certains professeurs adaptent leurs enseignements et utilisent le rap comme outil pédagogique. 

Le niveau scolaire global chute. En 2023 lors du dernier classement PISA, la plus grande étude internationale auprès d’élèves dans le domaine de l’éducation, les élèves français se sont classés à la 23e place avec un score moyen de 478 points en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en science. C’est 16 points de moins que lors de l’étude de 2018 où ils français avaient obtenu une moyenne de 494 points. Cette diminution du niveau peut s’expliquer par un désintérêt de l’école au profit des outils numériques. Mais pour James Izcray, intermittent du spectacle qui réalise des interventions pour des élèves et pour des professeurs, les choses sont plus complexes : « Le problème vient des méthodes trop théoriques employées par les professeurs qui sont eux-mêmes instruits de façon trop théorique. »

Part des jeunes qui écoutent régulièrement du rap en 2023
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Rap et mathématiques : une formule gagnante ?

Antoine Carrier est professeur de mathématiques au collège Dupaty à Blanquefort (33). En 2022, à la suite d’un défi lancé par un de ses amis, il mélange rap et maths pour créer les « Rapémathiques ». Le concept est simple, après un travail d’écriture, ce professeur se filme face caméra à côté d’un tableau et commence à rapper sur la notion qu’il a choisi d’expliquer. Aujourd’hui, A’rieka (son nom de rappeur et sur les réseaux sociaux) compte 145 000 abonnés sur Instagram, plus de 243 000 sur Tik Tok et 28 700 sur Youtube. « Chaque rap me prend entre 20 et 25 heures de travail mais je trouve ça pertinent pour les élèves », raconte le professeur. Et cette manière singulière d’apprendre les maths a déjà fait ses preuves : « J’ai quelques élèves de troisième qui ont réussi à retrouver le plaisir d’étudier les maths et je reçois souvent des messages d’élèves ou de parents me remerciant pour mon travail. » Toutefois, même si les Rapémathiques aident certains élèves, la pratique reste toujours ultra-importante. « Cela reste un complément du cours, une façon ludique d’apprendre », termine Antoine Carrier.

« Cela reste un complément du cours, une façon ludique d'apprendre »
Antoine Carrier alias A'rieka
Professeur de mathématiques et rappeur

Développer la créativité des enfants par le rap

Racisme, addictions, dépression. Bref, quelques problèmes qu’il faut aborder avec les enfants pour leur expliquer la complexité du monde. Mais certaines fois, les mots justes ne viennent pas. Alors pour découvrir ces sujets et les comprendre, pourquoi ne pas utiliser le rap comme outil pédagogique ? C’est ce qu’a fait Jérôme, professeur à l’école Ferry-Nacry à Saint-Martin-Boulogne (62). En 2022 avec l’aide de James Izcray, sa classe de CE1 a créé de toute pièce un rap et un clip « On n’est pas des chiens ! » sur le thème de l’inclusivité. « C’est grâce au CLEA (Contrat Local d’Éducation Artistique) que ce projet a vu le jour », explique l’enseignant. « Chaque année, nous pouvons en bénéficier et une autrice vient prochainement dans ma classe. » Du côté du rappeur, ce projet a aussi été marquant : « Quand le professeur est aussi impliqué que Jérôme alors la classe l’est aussi et le projet se déroule sans aucun problème et ça donne un super résultat. »

James Izcray et la classe de CE1
James Izcray et la classe de CE1

L’enseignement par le rap est donc une idée pour un enseignement plus ludique. Mais bien qu’il soit une solution, ce genre musical n’est pas LA solution à l’ensemble des problèmes de l’école. Les professeurs et cadres de l’éducation français ont divers exemples pour s’améliorer. Et pourquoi ne pas commencer par s’inspirer des systèmes éducatifs nordiques qui donnent l’égalité des chances entre les élèves et plus de temps à l’enfant pour développer son autonomie.

Texte : Alexis DEROUBAIX  –  Photos : Sidney CRUVEILLER

Focus : Le rap, l’art d’exprimer les mots

Souvent décrié pour son langage vulgaire et même simpliste (à juste titre parfois), le rap est pourtant certainement le genre le plus poétique du monde musical. À vrai dire, tout est dans le nom : RAP signifie littéralement “Rhythm and Poetry” (“Rythme et Poésie” pour les non-anglophones).

Les pleurs du mal

Des rappeurs aux airs de poète, il en existe une floraison. Mais contrairement aux idées reçues, ces artistes n’ont pas poussé du jour au lendemain. Depuis les années 90, les deux arts linguistiques font bon mélange en bouche.
Outre-Atlantique, la légende 2Pac a écrit un recueil inspiré de génies comme Shakespeare ou encore Victor Hugo, dans lequel il décrit son “misérable” quotidien (The Rose That Grew From Concrete). En France, on a vite reconnu le génie d’écriture de MC Solaar, avec Caroline (1991) :

Comme le trèfle à quatre feuilles, je cherche votre bonheur
Je suis l’homme qui tombe à pic, pour prendre ton cœur
Il faut se tenir à carreau, Caro ce message vient du cœur”

Rap + poésie = 1

Les deux genres se mélangent tellement bien, que l’on peut apprendre l’un grâce à l’autre. La série “C’est la base” permet aux jeunes d’apprendre les poèmes du programme scolaire avec l’aide de rappeurs, qui performent à leur sauce les vers et anaphores préparés par les poètes. Certains s’inspirent directement d’ouvrage poétique pour ouvrir, eux aussi, leur pensée. C’est le cas par exemple de Dinos, avec son single Les pleurs du mal. Une référence à peine cachée aux Fleurs du mal de Baudelaire. Poètes du bitume ou sages des vers, tous créent un langage libre, tout aussi sincère. Dans ce mélange de rimes et de vérité, le rap et la poésie, sont à jamais liés.

Clément ANGEBAULT-FERREIRA

Vidéo réalisée par Lucie LAHOCHE

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