Revivre grâce à ses nouveaux cheveux

Lorsqu’on est atteint d’un cancer, l’un des défis les plus douloureux est souvent celui du regard des autres. La maladie ne se limite pas aux traitements médicaux, elle transforme aussi l’image que l’on a de soi et la manière dont on est perçu par la société. Perte de cheveux, amaigrissement, cicatrices, teint altéré… autant de marques visibles qui rappellent à chacun que la maladie est là, imposante et inévitable. 

Mes amis mes amours

Cette association a été fondée lorsque Jo a été atteinte du cancer du sein. À cette époque, elle avait elle-même été confrontée au prix coûteux de la prothèse capillaire. « L’objectif n’est pas d’ajouter des problèmes financiers aux problèmes de santé mais plutôt, que les patientes reprennent confiance en elles et sortent de leurs traitements dignement », confie Jo. En effet, la sécurité sociale ne participe pas entièrement au remboursement des prothèses capillaires, empêchant certaines patientes d’en bénéficier. Face à cette injustice, l’association s’engage à donner une aide d’une valeur de 400 euros pour chaque dossier. En parlant de sa propre expérience, Jo explique que les femmes sont souvent confrontées à des préjugés sociétaux associant le crâne chauve à la maladie voire à la mort. Ce qui amène certaines patientes à baigner constamment dans la peur et la tristesse. Il est essentiel que chacun prenne conscience de l’impact de son regard et de ses paroles, pour que les personnes touchées par le cancer ne se sentent pas réduites à leur maladie.

Le marché de la perruque reste aujourd’hui assez niche, avec une estimation évaluée à 500 millions de dollars par an.

Apparence et la santé

Jo raconte qu’à l’annonce de son cancer du sein, sa première angoisse était la perte de ses cheveux et non la réduction ou l’enlèvement de son sein. Chaque jour, elle est confrontée à des patientes qui sont plus inquiétées par l’alopécie plutôt que leur maladie. Quand une femme est atteinte d’un cancer du sein, sa féminité est doublement touchée : son sein et ses cheveux. Quand la patiente est mère de famille, l’angoisse de perdre ses cheveux est d’autant plus importante. « Quand j’ai commencé les traitements pour mon cancer, mes filles avaient 15 et 13 ans, je n’avais pas envie qu’elles me voient dans cet état, sans cheveux cela fait faible pour une maman. Avec la chimiothérapie, on perd ses cheveux certes, mais on perd aussi ses cils et ses sourcils donc notre regard est différent. Cet ensemble est perturbant pour ceux qui nous regardent et pour nous aussi d’ailleurs. La perruque nous protège nous mais aussi les autres, on oublie la maladie en portant cette prothèse », témoigne Jo. Les regards de pitié ou d’incompréhension, les questions mal formulées ou les silences gênés peuvent peser lourdement sur l’estime de soi. Face à cela, certaines choisissent de porter une perruque pour retrouver une apparence plus familière, tandis que d’autres assument leur crâne nu comme un acte de résilience et de courage.

La perruque redonne de la féminité

Les perruques sont aujourd’hui un accessoire de mode car elles s’adaptent aux tendances capillaires des coiffeurs. En effet, on y retrouve des perruques avec des cheveux courts, longs, mi-longs et d’une large variété de couleurs. Les cheveux, ne sont pas seulement un accessoire esthétique, mais un symbole d’identité et de féminité. Leur chute, conséquence fréquente des traitements, devient une annonce silencieuse de la maladie. En portant une perruque, elles peuvent alors sortir sans que leur maladie soit visible. Le cancer bouleverse les codes de la féminité, les femmes doivent apprendre à aimer une image de soi différemment. Mais au-delà de l’aspect physique, c’est aussi le regard des proches et du monde extérieur qui façonne l’expérience du malade. Un sourire sincère, une attitude bienveillante, un mot réconfortant peuvent faire toute la différence. Si le cancer transforme le corps, il ne définit pas la personne. Derrière chaque visage marqué par la lutte, il y a une histoire, une personnalité, une vie qui continue d’être précieuse et pleine de sens.

Tiffaine Congratel

L’édito : Le rôle des cheveux passé au peigne fin…

Aujourd’hui, aller en Turquie, ce n’est plus seulement visiter Istanbul et déguster des loukoums, c’est aussi la possibilité de repartir avec une « hairline » parfaite, greffée dans une clinique low-cost. Cette envie particulière dissimule l’injonction selon laquelle être beau signifierait avoir une coupe de cheveux d’une certaine forme, taille et couleur… Les attentes et les tendances capillaires sont influencées par la publicité et les réseaux sociaux. Ainsi, Les dogmes esthétiques ont évolué au fil des époques, passant du blond platine aux styles punk, puis aux « tapers ». En nous poussant au conformisme par notre volonté d’être à la « mode » nos particularités et nos envies sont freinés. Car hélas, toute déviance entraîne un regard allant du jugement personnel jusqu’à de la discrimination. Ce sujet devenu politique est dénoncé par l’artiste guadeloupéenne Guylaine Conquet. Elle expose en ce moment ses peintures au Grand Palais à Paris.

Il est important de rappeler que la calvitie est un phénomène naturel et héréditaire qui nous confronte au temps qui passe. Pourtant elle fait souvent l’objet de taquineries, alors que notre estime de soi ne tient souvent qu’à un cheveu. Il serait tentant de croire que des personnalités chauves comme The Rock, Bruce Willis ou Jeff Bezos font exception à la règle. Néanmoins, le manque de cheveux est un trait physique si visible qu’il est compensé par d’autres caractéristiques dominantes. Par exemple se laissé pousser la barbe ou développer ses muscles.

Ainsi, l’importance accordée à notre chevelure serait-elle la racine du problème ? Le cheveu est un marqueur identitaire et culturel. Pour certains, la réponse est sociétale, et ambitionne de faire évoluer les mentalités. Ainsi des personnalités comme Édouard Philippe ou Ève Gilles (Miss France 2024) ou des mouvements comme le #EggHeadChallenge sont dans cette démarche de transformer leur différence en force. Pour d’autres, la solution est personnelle car l’apparence est à la fois un choix et une aventure personnelle à laquelle personne ne peut échapper.

Étienne Laurenceau

Photos Emile Binet

Vidéo : Faire un don de cheveux : mode d'emploi

Réalisée par : Aude Arriail et Cassandre Degot

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