Les inégalités pour les personnes en situation de handicap persistent et le “sport pour tous” prôné par le gouvernement est encore loin de l’inclusion parfaite. C’est pourquoi Christophe et son association “Les papillons blancs” à Lille s’engagent dans l’accompagnement des personnes invalides pour faciliter leur pratique sportive.
“On ne peut pas sous-estimer l’impact des sports adaptés sur la vie des athlètes”, racontait Paul Schulte, handibasketteur, lors des Jeux Paralympiques de Paris 2024. Pour se remettre en forme, vivre des émotions ou s’amuser, c’est indéniable, le sport joue un rôle crucial, et d’autant plus pour les personnes en situation de handicap. Selon l’Institut national de la Jeunesse et de l’Éducation populaire, en 2022, 90 % des personnes en situation de handicap voient l’activité physique comme étant essentielle, mais le problème étant que seulement 47 % en pratiquent une régulièrement. La réalité est qu’un certain nombre d’entre eux ne peuvent pas réaliser leur souhait par manque d’infrastructures, de moyens de transport, d’informations et d’aides. Vingt ans après la loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes en situation de handicap, les inégalités persistent toujours. Cette loi semble être tombée aux oubliettes en devenant une loi parmi tant d’autres. Elle s’apparente désormais plus à du “sport-washing” pour redorer l’image du pays, qu’à une loi impactante dans l’inclusion sportive.
C’est avec le sourire que la dizaine de sportifs invalides, encadrés par “Les Papillons Blancs” de Lille, se donnent rendez-vous chaque semaine pour un moment sportif. L’association propose des séances de sport au dojo de Loos pour permettre aux personnes en situation de handicap de pratiquer du sport et de se maintenir en forme. Christophe Delmotte est un des éducateurs de cette association, et c’est en partie grâce à lui que les sportifs invalides des “papillons blancs de Lille” peuvent se dépasser à travers le sport. “Il nous apprend beaucoup de choses et je suis vraiment reconnaissante, c’est grâce à lui qu’on peut pratiquer du sport”, sourit Élodie, une des sportives du groupe. Ce sourire n’est pas anodin. Élodie met en avant une solution face à ces inégalités, les éducateurs. Sans eux, la pratique du sport ne serait qu’un rêve, qu’une illusion pour les personnes en situation de handicap. Le meilleur accompagnement et le dévouement des éducateurs sont la clé de voûte du “sport pour tous”.
Christophe : “Ils montrent qu’eux aussi peuvent faire du sport”
Aujourd’hui, le sport est reconnu comme étant un support éducatif et en apprend beaucoup aux sportifs. “L’objectif est qu’ils essayent de trouver des solutions par eux-mêmes pour surmonter les épreuves”, explique l’éducateur. Des solutions qu’ils retrouveront pour faire leurs courses, se déplacer et qui faciliteront leur vie quotidienne. “Si un jour il y a un incendie chez eux, qu’ils sachent passer au-dessus des obstacles”, illustre Christophe. La pratique du sport inculque des valeurs et des enseignements essentiels qu’ils réutilisent au travail ou en famille. “Le sport m’a permis d’apprendre le respect, l’écoute des consignes, et à vivre en collectivité”, raconte Edmir, joueur de football atteint d’une déficience mentale.
Le sport adapté s’avère également être un levier d’intégration sociale. Bruno – sportif de l’association – a récemment participé à une compétition de tennis de table avec 130 pongistes, de quoi nouer des relations et s’intégrer en société dans un environnement à son goût. “Ils montrent qu’eux aussi peuvent faire du sport”, décrit Christophe.

Dominique : “Le sport est ma bouée de sauvetage”
Que ce soit pour inculquer des valeurs, enrichir leur apprentissage ou créer du lien social, le sport représente beaucoup pour les personnes en situation de handicap. Les sportifs de l’association des “papillons blancs de Lille” sont conscients de la chance qu’ils ont de pouvoir pratiquer une activité physique, chose qui n’est pas à la portée de tous. Les derniers chiffres du ministère des Sports en témoignent puisque, seuls 51,7% des installations sportives sont accessibles aux personnes ayant un handicap moteur. Une statistique dérisoire lorsqu’on connaît l’importance qu’à le sport pour le bien être physique, émotionnel et mental. “Le sport est ma bouée de sauvetage pour faire face à mes soucis de la vie. Ça m’aide beaucoup à calmer mon stress”, révèle Dominique.
Les défis et les progrès à réaliser pour aider les personnes en situation de handicap à s’intégrer dans la société et combattre les maux du quotidien à travers le sport sont nombreux. Le manque d’infrastructures se fait ressentir, le manque d’accessibilité et de reconnaissance aussi. Tous les para-sportifs n’ont pas la chance d’avoir une personne dévouée pour les conduire à leurs séances de sport, comme le fait Christophe. Selon un sondage réalisé par l’Association France Handicap, 72% des Français considèrent que l’accessibilité aux transports dans les communes rurales n’est pas satisfaisante pour les personnes en situation de handicap. Une société qui se veut inclusive mais qui laisse les para-sportifs sur le bord de la route.

L’accessibilité et les infrastructures ne sont pas les seuls freins au développement du sport adapté. Les mentalités et préjugés doivent encore évoluer pour permettre aux sportifs ayant des déficiences de pratiquer un sport sans avoir peur d’être ridiculisés. “Quand je joue au football avec des personnes valides, je ressens de la pression et de la crainte qu’on se moque de moi si je fais des erreurs”, confie Edmir, l’adepte du ballon rond. Cette peur se transforme même parfois en autocensure, pensant que pratiquer du sport n’est pas fait pour eux. Selon Christophe, tout se joue sur la confiance en soi :“Ils doivent prendre conscience qu’ils savent, eux aussi, faire beaucoup de choses”.
Léni Audin
ZOOM SUR LES JEUX PARALYMPIQUES
En 1948, un médecin de l’hôpital de Stoke Mandeville (Royaume-Uni) organise les « jeux mondiaux des chaises roulantes et des amputés » devant permettre aux victimes de la Seconde Guerre mondiale devenues paraplégiques de pouvoir à nouveau pratiquer le sport. En 1960, la 9ème édition des Jeux de Stoke Mandeville est délocalisée à Rome, une semaine avant les JO de 1960 et à partir de ce jour on a considéré ces jeux comme les nouveaux jeux paralympiques (JP) permettant d’inclure les handicapés à la plus grande compétition sportive du monde. Ainsi, la première « vraie » édition des JP s’est tenue en 1976 en Suède.
Inclusion des handicaps cognitifs
Les personnes atteintes de paralysies cérébrales ont été inclues aux épreuves paralympiques depuis les jeux d’Arnhem en 1980. Quant aux personnes en situation de handicap mental, elles ont été intégrées au programme paralympique en 1996 avant d’en être exclues de 2004 à 2012 suite à des problèmes de classification de ces handicaps et ont été réintégrées en 2012 après la réunion du comité international paralympique de Kuala Lumpur.
Le déclic paralympique
Suite aux JP de Paris 2024 et selon une étude du Télégramme, sur 1002 adultes interrogés, 85% d’entre eux estiment que les JP ont contribué à mieux faire connaître le handicap et à faire reculer les craintes et les préjugés sur le sujet. Cependant, les français pensent que ce changement n’était qu’éphémère car 77% pense que «l’intérêt pour la cause des personnes en situation de handicap était fort sur le moment mais retombé après ». De plus, 35% des sondés ont désormais « envie de s’engager dans une association ou de participer à des projets avec des personnes en situation de handicap ».

Elea Zervudacki