En France en 2020, 17% de la population adulte était atteinte d’obésité. Monique Romon, de l’association Rest’o, et Hélène Guislain, diététicienne, essayent chacune à leur manière de prévenir cette maladie chronique.
Au Lille street food festival le 4 octobre 2025, un foodtruck se démarque des autres avec sa couleur vert pétant. Chose encore plus étrange, on y propose ni hot dog, ni bao ou autre spécialité de la restauration rapide : seulement des fruits et légumes. Ce foodtruck, c’est celui de l’association Interfel, le lobby des producteurs de fruits et légumes. Au comptoir, Hélène Guislain attend les visiteurs. « D’habitude, on propose des petits jeux, mais là il fait trop froid ». Hélène fait partie des diététiciens embauchés par l’association pour faire de la sensibilisation à la consommation de fruits et légumes dans les festivals de la région. Et d’après elle, « Il y a tout à faire, surtout dans les Hauts-de-France. C’est la région française avec la plus forte prévalence du surpoids et de l’obésité. »

Barres chocolatées, chips… Quand on réfléchit à la liste des produits disponibles dans les distributeurs automatiques, rares sont ceux vraiment bénéfiques à notre santé.
Photo Laura Drouin
Beaucoup pensent que l’obésité serait due au manque d’activité sportive. Mais Monique Romon, ancienne professeure de nutrition à l’université et présidente de l’association Rest’o, n’est pas du même avis. Dans notre société, « il y a une prolifération d’aliments partout », explique-t-elle. « Avec l’industrialisation, il y a eu une explosion de pubs qui incitent à manger tout le temps sans faire attention, et sans forcément avoir de stimulations physiques. Par exemple, au cinéma, on vous propose de manger des pop corns. Pourtant, on n’a pas besoin de manger à ce moment-là, mais les gens prennent l’habitude. »
Par ailleurs, les recherches en sociologie ont prouvé que l’obésité est directement corrélée à une difficulté sociale. D’où son importance dans les Hauts-de-France, la deuxième région avec le plus fort taux de pauvreté en France métropolitaine, après la Corse. « Les personnes des milieux défavorisés sont plus sollicitées par les pubs, et les aliments ultra transformés leur sont plus accessibles », explique Monique. C’est pour cela que son association intervient directement dans les centres sociaux, où se trouvent justement les malades. Le but est d’être au plus près car « les personnes ont tendance à ne pas venir naturellement ».
Beaucoup de prévention
Quand elle n’est pas dans le foodtruck d’Interfel à distribuer des fruits gratuits, Hélène travaille à la maison de santé de Sangatte, dans le Pas-de-Calais. Pour éviter que ses patients soient trop stimulés par les publicités, elle préconise de regarder moins la télévision et leur apprend à décrypter les étiquetages alimentaires. Selon elle, « il est nécessaire de faire beaucoup de prévention, dès le plus jeune âge » pour apprendre à bien manger et éviter de devenir obèse. La diététicienne est motivée pour intervenir dans les écoles, mais cela reste difficile à organiser. « C’est très encadré et les demandes mettent entre 6 mois et un an pour être acceptées. »
De plus, les personnes obèses sont généralement très isolées du fait de leur statut social, mais aussi de la stigmatisation dont ils font l’objet. Le programme GPS obésité leur permet de reprendre confiance en eux et de créer du lien grâce à des séances en groupes fermés. Car Hélène Guislain et Rest’o ont un point commun. Ils participent à l’expérimentation GPS Obésité, un programme pluridisciplinaire crash-test de 8 séances. Tout est pris en charge par la sécurité sociale, ce qui soulage les patients pour qui un parcours de soin peut s’avérer rapidement onéreux. En janvier, le programme sera validé ou non pour être intégré dans le régime général. Monique a bon espoir.
Blanche Bobrosky
ÉDITO: Soigner les effets sans traiter les causes : l’impasse des solutions médicamenteuses
Face au surpoids et à l’obésité, la médecine promet des remèdes miracles. Mais peut-on vraiment guérir un problème de société à coups d’injections ?
Surfant sur l’augmentation des cas de surpoids, d’obésité et de mal-être liés à la malbouffe, l’industrie pharmaceutique propose désormais des médicaments pour perdre du poids et mincir rapidement. Le Wegovy, apparu sur le marché français en 2024, en est l’exemple le plus récent. Cette injection, censée réduire l’appétit et l’envie de gras, s’inscrit dans une longue lignée de traitements présentés comme des solutions miracles. Pourtant, ces remèdes vantés comme révolutionnaires s’avèrent souvent inefficaces, voire dangereux. L’histoire du Mediator, tristement célèbre, en est la preuve. Entre 1976 et 2009, les laboratoires Servier ont commercialisé ce médicament présenté comme un coupe-faim. Résultat : entre 1 500 et 2 000 décès en France. Un scandale sanitaire qui a révélé les dérives d’une industrie où la rentabilité prime trop souvent sur la santé publique. Mais même si ces médicaments fonctionnaient parfaitement, seraient-ils vraiment une solution ? Soigner un symptôme sans s’attaquer à la cause profonde – en l’occurrence, notre alimentation industrielle, notre rapport au corps et nos modes de vie – revient à poser un pansement sur une plaie ouverte. Plutôt que de chercher la pilule miracle, ne serait-il pas plus judicieux de lutter à la racine, en repensant notre manière de consommer, de cuisiner et de nous nourrir ? Ce changement ne pourrait cependant être laissé à la seule volonté des consommateurs. Tant que les produits ultra-transformés resteront les plus visibles, les moins chers et les plus encouragés, aucun médicament ne pourra réparer les dégâts d’un système à repenser entièrement.
Basile Ricq-Valin