A Lille, depuis plusieurs années, des rues, des places et des quartiers entiers sont rendus aux piétons pour une journée et à des heures bien précises. La collectivité ne s’est pas arrêtée là et a décidé de piétonniser la totalité de la Grand-Place dès janvier 2026. La métropole a choisi d’évoluer pour répondre aux besoins de ses citoyens qui demandent une meilleure qualité de vie dans leur ville.
Depuis mai 2021, les habitants ont découvert le plaisir de se balader dans les rues sans avoir besoin de faire attention aux voitures et aux scooters, de boire un café en terrasse sans bruit de moteurs et d’odeurs de pots d’échappement. En effet, le quartier du centre-ville est devenu inaccessible aux voitures entre 11h et 19h tous les samedis. Lille rejoint ainsi d’autres grandes villes françaises, comme Strasbourg, Paris, Bordeaux ou Toulouse qui ont retiré la voiture de leur hyper-centre. Partout, après quelques mois d’expérimentation, et malgré les critiques de départ, les habitants demandent de reconquérir encore plus d’espace. A Lille, une écrasante majorité des participants à l’enquête publique menée pendant l’été 2025, a adhéré à la piétonnisation de la Grand-Place.
Mais pourquoi cet engouement pour la piétonnisation gagne de plus en plus de terrain ? Quels avantages y trouvent réellement les élus et les citoyens ?
Une réponse pour s’adapter aux usages des habitants
Si la piétonnisation de la ville réunit autant d’avis favorables, c’est parce qu’elle répond à des besoins jugés importants par les habitants. Comme le rappelle Mathieu Chassignet, expert sur les mobilités durables à l’ADEME (Agence de la Transition écologique) « Les projets pour réduire la place de la voiture en ville sont loin d’être impopulaires. Nos études montrent même le contraire ! Une majorité d’habitants veulent retrouver des espaces réservés aux piétons, plus de pistes cyclables et une limitation à de la vitesse à 30 km/h. S’il y a des critiques, elles s’effacent assez rapidement quand les habitants voient ce qu’ils ont à y gagner ».
Moins de moteurs et plus de bien-être
Bien plus qu’une liberté de déplacement retrouvée, chacun y gagne beaucoup !
La fréquentation des zones commerçantes augmente, comme dans la rue Esquermoise, située dans le Vieux-Lille, qui réunit un très grand nombre de magasins.
La ville devient plus sûre pour tous, notamment pour les enfants. Depuis novembre 2020 Lille développe les « rues scolaires ». Certaines rues sont fermées à la circulation devant les écoles, aux heures d’entrée et de sortie des classes. L’année dernière 18 nouvelles rues ont été déclarées « rues scolaires ». Désormais, c’est en marchant, à vélo ou en trottinette qu’on va à l’école ! Cela a également l’avantage de favoriser l’activité physique, de réduire la pollution de l’air et donc d’améliorer la santé et le bien-vivre des habitants
Les élus ont eux aussi beaucoup à gagner à améliorer la qualité de l’air afin de répondre aux seuils exigés par la réglementation européenn
En rendant la Grand-Place aux piétons, Lille offre une nouvelle aire à ses habitants et adapte son cœur historique aux enjeux contemporains de protection de l’environnement et d’amélioration de la qualité de vie de ses habitants.
Après avoir été un parking dans les années 50, puis un carrefour de circulation, c’est un haut-lieu du patrimoine culturel et historique de la ville qui va devenir totalement piéton le 12 janvier 2026.
Loin d’être seulement esthétique, cette transformation répond à une urgence écologique et sociale.
Eva Cointre
photographies et infographie : Isaure Cazes
FOCUS
Rendre la rue à ses habitants, vraiment ?
À l’échelle nationale, la volonté d’adapter le mobilier urbain aux personnes en situation de handicap fait consensus. Dans toutes les villes de France, des efforts sont faits et des travaux sont engagés. Cependant, investir ne veut pas dire réussir, et de nombreuses lacunes sont encore à constater, Lille ne faisant pas exception.
L’Association des Paralysés de France (APF) a, par exemple, épinglé la station « République – Beaux-Arts » en 2017 : les portiques y empêcheraient certains usagers d’entrer ou de sortir librement.
L’architecture de la métropole, jugée excluante pour les personnes à mobilité réduite, est aussi pointée du doigt.
« Rue Solférino, le trottoir n’est pas du tout assez large pour l’usage qui en est fait. Avec les terrasses, il n’y a parfois pas de place du tout », dénonce un habitant sur les réseaux.
Malgré un « engagement constant » affiché, l’accessibilité déclarée se heurte à un usage réel bien moins idyllique.
Et les sans-abris ?
En 2020, la Fondation pour le Logement des Défavorisés (anciennement Abbé Pierre) a décerné le prix du dispositif anti-SDF « plus fourbe » à une installation lilloise, rue Solférino. Malgré la promesse d’un « retrait immédiat », le tristement célèbre aménagement est toujours là, cinq ans plus tard, au grand dam des plus démunis…
Félix Jeanniard
réalisation de la vidéo : Elonë Hasani