Grâce au Secours Catholique de la ville de Calais, la Maison des Associations de Lille a réuni dans une exposition, des dessins et des peintures faits par des migrants.
Erythrée, Ethiopie, Afghanistan, Soudan, Irak. C’est en partie de là que viennent des migrants qui fuient leur pays en crise, en guerre, ou les deux à la fois. Certains d’entre eux, à la fibre artistique, âgés de 16 à 22 ans, relatent leur traversée, leur voyage, mais aussi leur première vie sous le soleil et parfois sous les bombes.
Cette exposition, qui se tenait du 8 au 14 février, a permis ainsi de sensibiliser ses visiteurs sur ce que peuvent ressentir ces hommes et ces femmes, qui, pour survivre, sont prêts à quitter pays et famille. En quête d’une terre promise capable de leur assurer la sécurité que chacun mérite. Lorsque l’un d’entre eux entreprend le grand voyage, et arrive à Calais, l’image du réconfort pourrait certainement s’apparenter à un autre fantasme. Sur une des œuvres exposées à la Maison des associations, un soudanais écrit : « On est dans un pays aussi pourri que le nôtre. » Les migrants ne viennent pas en France pour leur bon plaisir, ils endurent des conditions de voyage proches de l’inavouable.
François Cortade, journaliste à Radio France, fait partie des personnes ayant mis en place ce projet. Il explique que cette initiative est née « après avoir parlé à deux migrants, dont un Erythréen de 35 ans qui m’a raconté son voyage ». Ce samedi 9 février, le vernissage avait lieu, l’adjointe à la maire de Lille était présente, mais des associations ont également fait entendre leur voix. Notamment Utopia 56, qui se charge de toutes sortes d’aide pour les migrants qui arrivent en France, Migraction 59 (hébergeurs citoyens et solidaires), Lille Solidarité, et bien évidemment le Secours Catholique de Calais.
Ces peintures et ces dessins ne sont pas nécessairement dignes d’un Manet ou d’un Picasso. Mais, ce qu’ils dégagent en est tout aussi puissant. Ces jeunes artistes partagent ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils vivent, ou ce qu’ils voudraient vivre. La peinture a ce don, que la musique possède aussi, celui d’avoir un message qui dépasse les mots, et touche directement les sentiments de chacun, et de manière différente. Sa complexité permet d’alimenter la réflexion sur soi et sur ce qui nous entoure. D’autant plus, lorsque les histoires peintes se déroulent dans le temps présent.
Le dessin pour comprendre
Le but de cette exposition est donc de montrer aux habitants de la Métropole, que ces hommes et ces femmes venus de loin, ne sont pas juste des oiseaux migrateurs. Comme tout un chacun, ils aimeraient pouvoir rentrer chez eux, mais la situation politique de leur pays ne le leur permet généralement pas. « Je n’ai pas le droit de retourner au Soudan, si j’y retourne ils vont me tuer. Depuis 2003, ils ont attaqué presque toutes les régions, ils ont tué les enfants, violés les femmes. C’est impossible de rester », raconte Haboul Kassim, 29 ans. Cette exposition représente alors une sorte de grand tableau en lecture libre, un livre rempli de témoignages, que chacun lit dans le sens qu’il veut.
Si certains sont aujourd’hui obligés de rester en France à cause du danger en présence dans leur pays, d’autres, arrivés depuis longtemps, ont décidé de reconstruire une nouvelle vie. C’est le cas de Shabaaz, un ancien migrant venu du Congo Brazzaville, il y a plusieurs années, il est maintenant chanteur et poète en France.
Pour lui, être présent à l’exposition était un réel moyen de montrer sa compréhension et son soutien aux migrants qui endurent ce long voyage. Ce qu’il dit dans ses chansons est brut, il ne passe pas par quatre chemins pour faire ressentir ce qu’il veut à son auditoire. Sa musique et ses paroles nous font voyager, mais surtout réfléchir.
Poème de Shabaaz
Ils ont fui la guerre
Et ils n’ont jamais assez d’encre et de papier
Pour raconter leur chemin
La route d’un sans papier,
On les appelle migrants.
On ne demande pas un oiseau de ne jamais voler,
Ces ailes n’ont aucune frontière
Le ciel est sa terre.
Ici, ils bâtissent murs et barbelés,
Qu’ont-ils là-bas ?
Autant d’âmes qui parlent dans ces peintures,
Témoignages d’un instant.
Le monde regarde dans les yeux de l’autre
Et tu verras que l’autre, c’est toi et moi.
Au cœur de l'exposition
Zoom sur...
Le Secours catholique
SOUTIEN MORAL ET PHYSIQUE
Depuis des années, Calais connaît un flot ininterrompu d’exilés, avec des parcours souvent traumatisants. La délégation du Secours catholique dans cette commune des Hauts-de-France est, depuis les années 1990, un véritable moyen d’échappatoire pour ces réfugiés.
Les pratiques artistiques sont, pour la délégation, un moyen de communication indispensable entre bénévoles et migrants. Différents ateliers ont été ainsi créés et divers projets sont en cours de réalisation (exemple du jungle style, événement mettant en avant l’atelier couture de l’association ou un projet alliant théâtre et cinéma sur la vie d’un salarié migrant).
Ouvert de 12h30 à 17h30, 5 jours par semaine, avec des locaux spacieux, les réfugiés peuvent y trouver de quoi « se reposer et communiquer à travers des ateliers collage, peinture, gravure ou jeux de société », précise l’association.
Si les aides financières sont indissociables, la motivation première est de proposer un accompagnement de qualité pour rétablir un réseau social et permettre à chacun de retrouver sa dignité.
LA SENSIBILISATION, LA POLITIQUE UNIQUE DE L’ASSOCIATION
Sensibiliser, est le maître-mot du Secours catholique de Calais. Ayant à cœur de soutenir les bénévoles et d’animer les actions sur le terrain, cette association encadre et oriente les réfugiés. Mais cela ne s’arrête pas là. Le but est également de sensibiliser la population aux problématiques actuelles des aides aux migrants.
« Nous sommes surpris et heureux de l’ampleur de nos actions », Cyril (gérant de la délégation du secours catholique de Calais)
L’exposition décrite dans l’article précédent, montre ici la réelle influence du Secours catholique. L’ampleur de cet événement n’est qu’un seul exemple de leur champ d’influence. Des actions ont lieu dans des villes comme Roubaix, Calais, Sète ou encore dans des villages en Angleterre pour toucher les masses. Leur volonté est de faire tomber les préjugés et d’éduquer largement les jeunes à travers des interventions dans les établissements scolaires notamment.
Malgré la barrière de la langue, le but des bénévoles est de rendre ces exilés « invisibles » dans la société, pour qu’ils soient ainsi considérés par le reste de la population.
Article et crédits photos : Amélie Réveillard
Vidéo et montage : Cloé Geffroy
Edito : Vincent Le Goff
Mise en page : Emma Confrère