À Lille, des acteurs se mobilisent pour reconnecter les enfants à la nature
Des jeunes à la fois trop connectés mais déconnectés ? Une situation paradoxale et pourtant, bien vraie. D’après une étude de l’association Santé Environnement France, 25% d’entre eux (âgés de 8 à 12 ans) ne savent pas que la frite vient de la pomme de terre et 87% sont incapables de reconnaître une betterave. Face à ce nouvel enjeu, à Lille, on se mobilise !
Timothée Chevaux est l’un des soigneurs de la ferme pédagogique Marcel Dhénin à Lille. À ses côtés : Puce, le chat doyen de la ferme. Derrière lui, 2 vaches flamandes se dirigent vers les enclos. Avec enthousiasme, il nous raconte l’histoire de la structure et explique le relais qu’elle incarne aujourd’hui entre les enfants et l’environnement. Créée en 1981 par Marcel Dhénin, la ferme tente d’utiliser la nature plutôt que de lutter contre elle en réinvestissant au maximum ses ressources. « On pratique l’éco-pâturage. Les animaux sont de véritables tondeuses vivantes, et en plus, ils fertilisent le terrain ! » Dehors, composts et potagers trônent au milieu du jardin, non loin du cheptel. Le but est de sensibiliser les jeunes visiteurs et de leur présenter un mode de vie différent. À ce projet s’est joint l’association de préservation des animaux Animavia. Tous deux travaillent en collaboration pour accompagner parents et enfants dans cette « redécouverte » de l’environnement.
Pour cela, la ferme s’organise. Véritable relais social du quartier : elle ouvre ses portes aux familles, écoles et centres de loisirs afin de les réunir autour d’activités pédagogiques diverses. « On a mis en place des temps-forts basés sur la nourriture. Tous les mois, les enfants préparent leur propre pain, des crêpes, de la soupe et du fromage ». Tout cela se passe en groupe et chacun peut ajouter son ingrédient à la sauce. Parallèlement, la ferme accueille les écoles pendant l’année et durant les vacances, les centres de loisirs prennent le relais. Au programme, visites découverte de sensibilisation à la nature*, ateliers pratiques (jardinage, permaculture**, potager, traite) et animation autour de la ferme (recyclage, tri des déchets, compost). Des animations qui invitent l’enfant à se réapproprier son milieu tout en s’amusant.
Il s’agit de visites organisées selon la thématique choisie par l’école ou le centre de loisir. Cela peut être la culture végétale ou bien les animaux (« Que mange l’animal ? » ou « Comment vit-il ? » par exemple).
« La permaculture est une démarche de conception éthique visant à construire des habitats humains durables en imitant le fonctionnement de la nature ». Définition selon Bill Millison (cofondateur de la permaculture avec David Holmgren).
« Et Yohan est parti en vacances avec Huguette sa courgette. »
Parmi ces moyens ludiques de reconnexion à la terre, l’association des Petits Radis, créée en 2017, a choisi de se spécialiser dans le potager. L’idée ? Le Kitkipousse, une box mensuelle dans laquelle figure : graines de saison, guide d’utilisation et recettes de cuisine. Arnaud, l’un des cofondateurs, précise le rôle pédagogique du kit : « Le but est d’accompagner des familles et des écoles pour les aider à faire comprendre aux enfants d’où vient ce qu’ils mangent. » Grâce à ces activités potager, l’association entend sensibiliser l’enfant à l’environnement et à sa protection. « Ça les aide à comprendre que notre action a un impact sur la nature. Si on ne plante rien, on n’a rien. » Par ailleurs, c’est tout un écosystème que les jeunes découvrent dans lequel chaque élément est important. Tout est lié. Et le jour où l’un d’entre eux disparaît, l’ensemble du corps est mis en danger. À l’appui, Arnaud reprend Pierre Rabhi : « Cultiver un potager ce n’est pas seulement produire ses légumes, c’est apprendre à s’émerveiller du mystère de la vie. » Ainsi, le Kitkipousse permet aux enfants de vérifier le poids véritable qu’ils ont sur la nature et sur son incroyable mécanisme. Dans les écoles, la prise de conscience s’observe à travers de nouveaux gestes. Les enseignants constatent une entraide entre élèves et un intérêt délicat envers leur production. « Certains mangent des légumes qu’ils ne mangeaient pas avant. Et l’un d’entre eux, Yohann, est même parti en vacances avec Huguette sa courgette », nous rapporte Arnaud. Au-delà de sa fonction productive, les enseignants tentent de tirer pleinement bénéfice de ce potager. Les élèves apprennent alors à lire avec les recettes de cuisine ou à compter avec les plans de tomates, toujours dans une dynamique de sensibilisation à la biodiversité.
L’enfant est l’adulte de demain. Les biais de reconnexion à la terre (sa terre) que nous venons d’exposer ne représentent qu’une infime partie du mouvement général porté par cette initiative. Chez ces jeunes, la prise de conscience doit avant tout passer par l’explication avant l’application. Il s’agit de revenir aux fondamentaux : évoquer la faune puis la flore ainsi que la place que nous occupons et notre fâcheuse tendance à l’autodestruction. Cette appréciation de la réalité environnementale s’établit par des moyens pédagogiques tels que ceux que nous venons d’exposer. Il ne s’agit en aucun cas d’effrayer l’enfant. Simplement de tenter d’instaurer une cohésion logique avec la nature qu’il saura ensuite inculquer à son tour.
Alice Gapail
Zapping : regard sur les enfants et l’environnement
Ondine Amrouche
Zoom sur…
Ecole Montessori, « lieu de tous les possibles » ?
C’est en 1907 que l’italienne Maria Montessori crée la pédagogie qui portera son nom. Depuis une dizaine d’années en France, ce type de pédagogie se répand de plus en plus, prônant une éducation alternative. Le concept : permettre à l’enfant de s’autonomiser en le plaçant au centre des apprentissages et le laissant évoluer à son rythme. Maybeline Quennesson est la gérante de la seule Ecole Montessori des Hauts-de-France, nommée par ailleurs « Ecole Montessori, école maternelle bilingue Anglais des Arts et de la Nature ». Professeure dans un lycée public à Roubaix, elle y aperçoit que les élèves en ont assez de l’école. Motivée par une bouffée d’idéalisme marquée par la naissance de son enfant, elle décide de fonder l’école Montessori afin de les motiver à l’apprentissage, et cela, dès le départ. Pour mettre en avant la nature, l’école Montessori de Lille a la chance de posséder un jardin dans ses locaux, bien que nature et ville présentent un paradoxe. Compost et potager permettent ainsi de rentrer dans une logique de sensibilisation des enfants à l’environnement. De plus, Maybeline s’efforce à faire intervenir régulièrement des invités, à l’instar d’un auteur venu dernièrement pour présenter ses « enquêtes écologiques ».
La gérante de l’école ayant investi son argent personnel dans la création de cette école privée hors-contrat il y a trois ans, explique pourtant que le « monde Montessori » n’est pas si beau qu’il en l’air. Certains parents y inscrivent leurs enfants avec, parfois, un certain « goût de l’entre-soi », perdant ainsi la bienveillance, pourtant maître mot de la pédagogie Montessori. Maybeline souligne également qu’étant une école à taille humaine, certains parents s’attendent à un enseignement « à la carte » et confondent parfois professeurs et « prestataires de services ». Finalement, cette aventure dont elle tirera forcément « de l’expérience » lui demande « beaucoup d’énergie pour peu de retours ».
Fanny Baye