A Roubaix, le street art au service de l’urbanisme
En tant que haut-lieu de création artistique et culturelle, Roubaix a accueilli du 18 au 29 septembre le festival Expériences Urbaines #XU2019. Cette cinquième édition fut ponctuée d’événements, de conférences, de fresques, d’ateliers, dont RBX Made in Street.
La culture urbaine roubaisienne s’écoute, se danse et s’admire au détour des rues, sur les murs de brique de cette ancienne cité industrielle. La ville de Roubaix soutient en effet de nombreux événements, festivals et initiatives liés au développement du street art. Son patrimoine, lourd d’histoire, revêt dorénavant des marques du présent à travers cet art urbain. Mais Roubaix reste surtout connu pour son taux de pauvreté, et ses problèmes structurels. Le street art fait-il dorénavant partie de l’identité de la ville ou met-il simplement de la couleur sur des problèmes endémiques ?
L’art urbain plébiscité par les pouvoirs publics
Depuis quelques années, l’Office de Tourisme de Roubaix offre la possibilité aux visiteurs et habitants de découvrir la ville à travers le street art. De nombreux et fameux artistes ont en effet été accueillis et ont dessiné sur ses murs (Crash, Vhils, Rémi Rough ou encore Ludo, Jef Aérosol, Seen, Invader…). Des lieux historiques ont même été réhabilités afin de promouvoir la culture de la ville comme la Condition publique, ancienne friche industrielle qui, depuis 2003, a pour objectif de « favoriser l’échange entre art, patrimoine et mémoire ».
Toutefois, selon la responsable communication de Roubaix Tourisme, redynamismer une ville relève d’une responsabilité politique mais l’apport culturel de l’art urbain permet tout du moins de rendre Roubaix attrayante et vivante. La stratégie des pouvoirs publics n’est pas de présenter l’art urbain comme une solution aux problèmes structurels de la ville mais comme un moyen d’améliorer l’image de cette dernière.
« Ceux qui s’intéressent au street art font partie d’une petite élite »
Parmi les organisateur de RBX Made in Street, il y a Théo, Roubaisien de 17 ans encore lycéen et déjà à l’origine de nombreuses manifestations culturelles. Selon lui, le festival permet de retrouver l’âme de Roubaix, un retour aux sources opéré en collaboration avec les pouvoirs publics : « On a de la chance puisque les politiques publiques nous suivent. Avant, les institutions ne voulaient pas accueillir certains groupes de rap par exemple, aujourd’hui les portes sont ouvertes. »
Toutefois, selon Théo le street art reste inaccessible et moins populaire que les autres formes d’art urbain, et ce malgré les efforts des pouvoirs publics. « Ceux qui s’intéressent au street art font partie d’une petite élite. Il y a des mouvements artistiques comme la danse et le rap qui touchent plus les Roubaisiens. Le graff, je le vois comme un cache misère. »
Le street art : du “vandalisme salvateur” à la solution d’urbanisme
Lors d’une conférence dans le cadre de RBX Made In Street, Sophia Bramly, journaliste connue pour avoir diffusé la culture Hip-Hop dans les années 1980 en France, interpelle sur ce qu’est le street art. Il s’agit d’« un acte de vandalisme salvateur » à travers « la flamboyance pour exister dans un monde hostile ». Or de nos jours dit-elle, « on surfe dessus, on a perdu le sens de l’histoire ». Le street art n’a donc plus sa valeur émancipatrice d’antan pour les Roubaisiens. Pour autant, la journaliste laisse un message d’espoir : « Toutes les villes qui émergent d’un point de vue créatif étaient des villes de chaos, ce sont des terres d’opportunités. »
Les bienfaits du street art
Si le street art a touché Roubaix de plein fouet, de nombreuses villes en ont connu les bienfaits, et on peut suivre l’évolution de cet art urbain tout autour du monde, depuis son développement à partir des années 1960.
D’abord emblématique des arrondissements périphériques de New York en situation de crise pour la majorité, les graffitis, porteurs de messages engagés comme pures et simples œuvres d’art, ont permis de transformer certains quartiers comme les plus trendy* de la ville.
Brooklyn , quartier “boboisé” après avoir traversé une laborieuse désindustrialisation, et la fréquentation de classes populaires, figure désormais parmi les quartiers les plus touristiques de la grosse pomme, gorgés d’histoire et de cet art contemporain urbain qui le caractérise, et qui lui a permis de se gentrifier notamment au début des années 2000, avec la hausse du prix de l’immobilier jusqu’à +174 % à Williamsburg, un de ces borough.
A plus petite échelle, on perçoit également ce phénomène en Europe, dans certains quartiers de Berlin , comme à Friedrichshain (Berlin – est) , ancien quartier industriel peuplé de milliers d’ouvriers pauvres au XIXe siècle puis détruit par la Seconde guerre mondiale, qui a retrouvé de son attractivité grâce au street art qui anime ses murs, ce qui attirera d’abord les étudiants et les artistes pour être enfin surnommé le « quartier le plus cool de Berlin » aujourd’hui par les globe-trotters.
En France, si l’on vous a présenté le cas de Roubaix, le phénomène de redynamisation des villes grâce à cet art urbain a aussi fait des merveilles à Nîmes, dans les quartiers populaires de Gambetta et Richelieu, où un évènement proche de celui du Festival Expériences Urbaines #XU transforme les rues en véritables galeries d’art depuis 8 ans maintenant. Les « expo de ouf’ » accueillent chaque année des visiteurs curieux, qui malgré eux, représentent d’énormes atouts économiques et culturels pour les commerces et les habitants de cette commune du sud.
Quelle sera la prochaine ?
*Branché
Elsa Leduc
Rédatrice: Lucie Raynaud Vidéo et images: Emilie Tollet
Edito: Elsa Leduc Secrétaire de rédaction: Elvire Macé