Remettre la consigne au goût du jour grâce à la bière locale
Le projet de Gui Nascimento et Franck Royer devrait voir le jour au début du mois de janvier 2020. Le principe : associer bouteilles réutilisables et bières du Nord.
Une grande pièce dans un entrepôt industriel partagé par d’autres entrepreneurs, des murs en bois, quelques posters, caisses et autres verres autour d’un élément : la bière. Voilà l’endroit où émerge le projet de Gui Nascimento et Franck Royer, La Consignerie.
Le sourire et la sympathie des deux jeunes hommes de 27 ans font vite oublier la rusticité du lieu. Originaires de Nancy, ces deux amis se connaissent depuis plus de dix ans et l’époque du lycée. Malgré des parcours assez différents, Franck et Gui se sont retrouvés autour de la bière. Ils racontent, enthousiastes : “L’idée était de mettre notre grande amitié au cœur d’un projet commun. Au départ, on voulait ouvrir la brasserie la plus éco-responsable du monde mais nous avons vite changé d’avis.”
Il y a environ un an et demi, les deux néo-entrepreneurs ont donc décidé de lancer La Consignerie, un projet dont l’objectif est de “remettre la consigne au goût du jour sur le territoire”.
La consigne dans le domaine de la bière existe déjà dans certains pays d’Europe, notamment en Belgique et en Allemagne. Cependant, il reste encore discret en France, même à l’heure du développement du vrac alimentaire.
Promotion des brasseries locales, circuit court…
Concrètement, l’idée de La Consignerie est de proposer des bières de différentes brasseries de la région dans des bouteilles réutilisables à l’envi. Pour ce faire, Gui et Franck achètent des fûts en inox à des brasseurs de la région : “Pour l’instant nous avons comme partenaires une dizaine de petites et moyennes brasseries. Nous allons par exemple travailler avec des brasseries comme le Singe Savant, Jeanlain ou encore Moulin d’Ascq.” Ensuite, la bière est transférée par La Consignerie dans des bouteilles réutilisables d’un ou deux litres. Le consommateur a alors plusieurs choix : soit se faire livrer la bière chez lui, soit passer directement à l’entrepôt sur le principe du drive. “Un système d’abonnement va être mis en place également”, expliquent Gui et Franck. En résumé, le processus mis en avant par La Consignerie, c’est ça :
Montage : Louison Leroy
…et aspect écologique malgré tout
La portée écologique basée sur la réutilisation, évidemment présente au cœur du projet, ne l’est pas autant dans la communication. Les deux entrepreneurs expliquent : “L’angoisse autour de l’écologie est assez présente dans les médias, on n’est pas là pour faire prendre conscience aux gens. Notre objectif est de rendre la consigne cool, fun et pratique pour ne pas contraindre les consommateurs mais pour, au contraire, viser tous les publics.”
Le concept est donc de viser notamment les clients indifférents aux enjeux écologiques, mais qui, adeptes du système de consigne en général, feraient un acte écologique inconsciemment.
Accompagnés par la Métropole Européenne de Lille et par différents organismes d’entreprenariat, Gui et Franck se sentent ainsi “très soutenus” dans ce projet.
À trois mois du lancement du projet, les deux jeunes hommes tentent de canaliser leurs nombreuses idées dont certaines, intéressantes, restent encore trop floues. La mise en place de QR codes sur les bouteilles, une personnalisation des bouteilles par des artistes de la région ou encore de l’événementiel pour des entreprises sont évoqués.
Sans pression, Gui et Franck poursuivent donc leur chemin en gardant les pieds sur terre. Prochaine échéance : la fin de la campagne de financement participatif, le 18 octobre.
Gabriel Baldi
La longue et périlleuse histoire de la consigne en France
La consigne a une longue histoire, tant en France qu’ailleurs dans le monde. Qui n’est pas familier du fameux laitier qui vient récupérer les bouteilles vides le matin ? Dans l’Hexagone, la consigne était aussi très répandue. En 1938, une loi la rend obligatoire pour les brasseries et les eaux gazeuses. Dans le courant des années 1990, avec l’essor du verre à usage unique et l’augmentation de la consommation, la consigne disparaît peu à peu.
Même si elle est peu connue aujourd’hui, la consigne permet toujours d’éviter l’équivalent de 500 000 tonnes de déchets par an en France, essentiellement par l’intermédiaire d’initiatives locales comme en Alsace ou de petits restaurants et cafés.
Par ailleurs, même si des tentatives sont faites pour réinstaller la consigne au premier plan en France, des enjeux commerciaux freinent son expansion. En 1999, deux parlementaires expliquaient déjà : “L’enjeu, pour les industriels, était d’éviter une directive européenne s’inspirant du modèle allemand fondé essentiellement sur la consigne (…). La consigne des bouteilles de vin aurait été ingérable à traiter en France. “
Car, vous l’aurez compris, la consigne ne connaît pas la même vie d’un pays à l’autre, notamment chez nos voisins européens : en Allemagne, c’est la majorité des emballages de boissons qui sont consignés pour moins de 30 centimes tandis qu’en Belgique elle est utilisée pour les bouteilles de vin et de bière.
Martin Hortin