La lutte contre l’illettrisme encore active en 2019
La sixième édition des Journées Nationales d’Action contre l’Illettrisme, organisée du 8 au 15 septembre 2019, par l’ANCLI (Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme) a été l’occasion de sensibiliser et de promouvoir les solutions existantes pour endiguer ce fléau.
L’illettrisme touche 2,5 millions de personnes, d’après les mesures réalisées par l’Insee à partir de 2011. Il se définit comme la non-acquisition des fondamentaux de la lecture, de l’écriture, du calcul , durant la scolarisation, pour être autonome dans la vie courante. L’analphabétisme ne concerne que les personnes n‘ayant pas été scolarisées et les Français langue étrangère désignent les nouveaux arrivants, dont le français n’est pas la langue maternelle.
Cette quantification chiffre les difficultés à la sortie de la période d’enseignement obligatoire mais ne les résout pas. Des entreprises, associations ou encore des structures agissent afin d’accompagner les personnes en situation d’illettrisme.
La moitié des personnes en situation d’illettrisme possède un emploi
Le centre de Lille du Groupe INSTEP forme à l’écriture, à la lecture et au calcul avec pour objectif, l’insertion professionnelle. Plus de la moitié des personnes en situation d’illettrisme exerce une activité professionnelle, preuve que l’illettrisme n’est pas synonyme d’inactivité. Néanmoins, « le numérique nécessite de lire et écrire et on demande davantage en autonomie et en expression orale aux salariés », affirme Hervé Fernandez, directeur de l’ANCLI. Il ajoute que ces changements mettent à mal les nombreuses techniques de dissimulation de ce handicap invisible et « un salarié, en situation d’illettrisme, mettra beaucoup plus de temps à retrouver du travail aujourd’hui alors qu’il est compétent dans sa profession ».
Les collectivités territoriales et les acteurs privés œuvrent, également, pour résorber ce fléau, déclaré grande cause nationale en 2013. Le Centre National de la Fonction Publique Territoriale « organise des formations pour les agents des communes. Il y a un organisme qui finance des formations pour le personnel hospitalier », affirme Hervé Fernandez. Dans le secteur privé, des entreprises proposent des parcours de remise à niveau et financent des formations à leurs salariés. Nombre d’exercices pour acquérir les fondamentaux sont tournés vers le milieu professionnel.
« Il faut mettre le paquet sur la maternelle »
Pour une lutte efficace, il faut prévenir. Alain Bentolila, linguiste et spécialiste de l’illettrisme, considère qu’« il faut mettre le paquet sur la maternelle, avec pas plus de 15 élèves par classe » dans les colonnes du Parisien. Zohra Lounnas, responsable de formation du Groupe INSTEP à Lille, estime que les effectifs réduits permettent un meilleur apprentissage. Marie-Astrid, ancienne professeure d’espagnol devenue formatrice au centre lillois soutient que les élèves en difficulté « devraient être plus suivis pour avoir de meilleures conditions ».
Pourtant, on ne peut résumer l’illettrisme à la méthode d’apprentissage de la lecture. Les disparités entre enfants à l’entrée de la maternelle sont aussi une variable lourde soutient Hervé Fernandez : « Les enquêtes internationales démontrent que les écarts sont déterminés par les origines sociales. » La lutte contre l’illettrisme est donc conjointe à la lutte contre la pauvreté. « Des familles vivent dans des conditions de pauvreté telles que les premiers apprentissages ne se mettent pas aussi facilement en place que dans des familles où les enfants baignent dans un univers de lecture », poursuit le directeur de l’agence nationale. La lutte contre l’illettrisme porte ses fruits puisqu’en 2004, on comptabilisait 3,2 millions d’illettrés pour 2,5 millions en 2012.
Article rédigé par Dorian JULLIEN
Une vidéo signée Rémi COLLENOT
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MISE EN PERSPECTIVE DE L’ILLETTRISME
En métropole, l’illettrisme est inégalement repartie
Selon les résultats de l’enquête Information et vie quotidienne (« IVQ ») 2011, la Picardie et le Nord – Pas-de-Calais sont parmi les scores les plus élevés avec respectivement 11% et 11,5% d’illettrés. L’Ile-de-France enregistre un des scores les plus faibles avec en moyenne 4,5% d’illettrés. Ces chiffres peuvent s’expliquer par le fait que la moitié des personnes concernées par l’illettrisme vivent dans des zones rurales ou des villes de moins de 20 000 habitants et 10% des illettrés de la France métropolitaine vivent dans les Zones Urbaines Sensibles (ZUS).
En outre-mer, l’explosion du taux d’illettrisme
Ici, il faut nécessairement prendre en compte la généralisation tardive du collège et du lycée sur ces territoires qui contribuent à cet écart avec la métropole.
La place de la France dans le monde, des chiffres inquiétants ?
Au niveau international, il est difficile de trouver des données comparables à la France car la distinction entre analphabétisme et illettrisme est peu faite. On peut cependant situer les performances françaises à travers l’enquête PIAAC (Programme for the International Assessment of Adult Competencies) de l’OCDE portant sur 24 des 34 pays membres en 2013 et interrogeant des personnes de 16 à 65 ans. La France se classe 22e pour la capacité de ses adultes à comprendre et à réagir à un texte écrit (« littératie »), et 21e pour leur compétence dans l’utilisation des concepts numériques et mathématiques (« numératie »).
Mahefa RAKOTOSON-BERTIN