Les kits d’injection ou l’addiction responsable
Posted On 27 octobre 2019
0
3.7K Views
Le Kit+ et la Stéribox2, deux modèles de kit d’injection accessibles aux usagers de drogues. Crédit : Candice Mazaud-Tomasic
Lorsqu’une personne tombe dans la drogue, les risques sont multiples. La substance elle-même, bien sûr, mais également les modes de consommation. Et les dangers s’avèrent plus nombreux lorsque le stupéfiant se prend en solution injectable, comme c’est le cas pour l’héroïne. Outre le risque accru d’overdose, les abcès et autres nécroses lorsque le matériel n’est pas propre, la transmission de maladies constitue un danger supplémentaire dès lors que l’usager partage son matériel d’injection.
En matière de réduction des risques liés à ces usages, le milieu associatif agit comme un moteur. Céline fait partie de l’antenne lilloise de l’association AIDES qui lutte depuis 1984 contre le VIH et les hépatites. « Les risques liés à l’injection sont multiples, explique-t-elle. En cas de partage de matériel, l’usager risque la transmission de maladies (notamment le VIH ou les hépatites B et C) mais pas seulement. Une piqûre peut entraîner des complications comme des abcès ou des septicémies, sans oublier les problèmes cardiaques provoqués par des bactéries.»
Le fort taux de contamination au VIH chez ces consommateurs et l’impulsion de plusieurs associations humanitaires ont poussé le gouvernement à lancer, dès 1995, une politique de réduction des risques liés à l’usage de drogue par voie injectable.Un véritable changement de paradigme dans la façon d’appréhender la consommation de drogues, et une réelle avancée sociale en opposition à la stigmatisation qui pourtant demeure. Parmi les dispositifs créés dans le cadre de cette politique, la mise à disposition de matériel d’injection stérile. Ces kits existent sous plusieurs noms, mais sont sensiblement identiques. L’un des plus répandus est la Steribox : une petite boîte disponible dans certaines pharmacies au prix conseillé de 1 euro. AIDES, de son côté, fournit gratuitement le Kit+ et le met à disposition dans des pharmacies partenaires. « Nous travaillons conjointement avec plus d’une vingtaine d’officines de la métropole, pointe Céline, ces dernières représentent un acteur important dans la réduction des risques car elles sont nombreuses. L’objectif est de fournir le maximum de matériel stérile tout en récupérant celui déjà utilisé. »
L’association, qui détient le statut de CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), tient un local d’accueil de jour dans le centre de Lille. C’est ici que les usagers peuvent venir chercher le matériel nécessaire à leur consommation. Ils y trouvent aussi de quoi boire, une connexion internet, mais surtout des gens à qui parler, de tout comme de rien. Dans cet endroit, la stigmatisation dont peuvent souffrir les toxicomanes n’a pas sa place : le jugement laisse place à l’écoute. Dans le fond de la pièce, un jeune homme remue son café avec une touillette. « Le fait d’avoir du matériel, ça fait un stress en moins, témoigne-t-il. Les usagers peuvent se droguer proprement. Chacun a son matos, ça réduit les risques. Et puis c’est un dispositif public, un service concret et efficace payé par nos impôts, ça fait plaisir ! »
L’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT) a rapporté qu’en 2016, 66 usagers de drogues par injection ont découvert leur séropositivité, soit moins de 1 % de l’ensemble des personnes atteintes du virus sur l’année. « Les données sont probantes, constate Céline. Le partage des seringues diminue. C’est moins décrit dans les rapports. » Et pour cause : sur l’année 2018, AIDES a distribué (à elle seule) 1 802 246 seringues dans le pays. Un chiffre colossal et source d’espoir en ce dispositif d’accompagnement pour les usagers.
Jordan Lachaux
« Soutenez. Ne punissez pas » est une initiative communautaire mondiale, qui vise à soutenir la réduction des risques liés à l’usage de drogues, ainsi que les politiques tolérantes qui mettent l’accent sur la santé publique et les droits humains. La campagne cherche à renforcer la capacité de mobilisation des communautés touchées et leur favoriser un accompagnement, une aide, en ouvrant le dialogue avec les politiques et en sensibilisant les médias et le public.
Leur journée mondiale d’action se tient le 26 juin. Historiquement, cette date est mise en avant par les gouvernements pour étaler les progrès en matière de contrôle des drogues. La date n’est donc pas choisie au hasard et permet de contrer les discours relatifs à ce propos le même jour. Depuis maintenant 7 ans, de Paris à Tokyo, en passant par New Dehli, le nombre d’activistes ne cesse d’augmenter.
Le 26 juin dernier à Lille, sur la place du Vieux marché aux chevaux, l’association AIDES en coopération avec les CAARUD a mis en place des stands de sensibilisation. On pouvait également, se prendre en photo avec le slogan de la campagne. La plupart des clichés étaient ensuite publiés sur leur site. Ils proviennent particulièrement des pays où les lois concernant la prise de drogues sont plus strictes qu’en France. Cette campagne, ainsi que les diverses associations qui l’entourent, ne prône pas l’usage de drogues. Elles ont un but commun : aider et tenter de réduire les risques de dissémination.
Élisa Savaete
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.
pour plus d'infos