Ce samedi 20 octobre 2019 a eu lieu la marche ExisTransInter de la place de la République à la place Pigalle, à Paris. Le rendez-vous était donné à 14 heures pour soutenir les personnes transgenres et intersexes.
« Amendement rejeté, transphobie assumée ! », crie l’avant du cortège. Ce groupe, aidé de leurs tambours, scande ce slogan en référence au rejet d’un amendement garantissant aux femmes transgenres le droit d’utiliser leur sperme lors d’une PMA. En effet, mardi 15 octobre 2019, a été adopté, par l’Assemblée Nationale, le projet de loi relatif à la bioéthique. Dans celui-ci, les députés interdisent l’accès à la PMA pour les transgenres. Ces derniers se sentent, une nouvelle fois, ignorés. « Pour la PMA, on nous a à peine questionnés. On a été totalement exclus. On est complètement sous-représentés dans la société », se désole un jeune homme trans.
Cette marche sert donc à rendre plus visible cette communauté dont la parole est écrasée. Elle a lieu chaque année depuis 1997 et est organisée par le collectif ExisTrans Les revendications sont nombreuses et évoluent au fil du temps : amélioration du suivi médical, meilleur accompagnement psychologique, respect des droits d’être parents, adoption de mesures favorisant le changement de sexe, etc. Marcher semble être devenu un moyen privilégié pour se faire entendre. Que ce soit pour le climat, les droits des femmes, les gilets jaunes… tous se mettent à marcher pour interpeller les politiques.
Cette année, le mot d’ordre est « Inters, Migrant-e-s, Trans : mutilé-e-s, expulsé-e-s, assassiné-e-s ». Une devise choc, avec une nouveauté 2019, l’intégration du mot « Inter » dans le nom de la marche, qui passe alors de « ExisTrans » à « ExisTransInter ». « Les personnes intersexes, elles ont encore moins de visibilité que la communauté trans », nous explique une jeune manifestante. Elles connaissent, effectivement, de gros problèmes de reconnaissance : selon un participant « le groupe le moins représenté, c’est celui des personnes intersexes ».
Est-ce plus clair ? Si c’est encore flou, vous pouvez regarder ces infographies sur la transidentité et sur l’intersexuation.
Ce jour-là, les transgenres et les intersexes marchent pour un même but : l’égalité. « Il y a une revendication globale qui est de lutter contre toute forme d’homophobie, ou toute forme de discrimination et d’agression vis-à-vis des personnes LGBTQI […] de mettre en évidence la nécessaire bataille pour l’égalité des droits », indique Éric Coquerel, député La France Insoumise, présent sur place. Pour réussir, il faut d’abord pallier le manque d’informations et de savoirs sur le sujet.
C’est ce que nous affirme des marcheurs trans : « Je vois très bien le manque d’informations avec mes parents, mes proches, mes amis (…). À chaque fois, je suis obligé de les éduquer, de leur parler du fait d’être transgenre […]. », « Quand on parle d’intersexuation, en dehors des milieux LGBT, on se rend compte qu’il y a vraiment un manque d’information ». Des solutions tentent d’être trouvées face à cette sous-représentation et cette sous-estimation. C’est le cas d’associations qui interviennent dans les milieux scolaires afin d’éduquer les plus jeunes à ces sujets-là, plutôt sensibles. Cependant, lorsqu’on leur demande si plus de projets, plus d’événements de ce type devrait avoir lieu, la réponse est unanime : « Il ne faut pas non plus donner aux personnes l’impression qu’on veut les remplacer, qu’on veut les agresser. Il faut le faire de manière douce. » D’après les principaux concernés, l’enjeu se trouve aussi ailleurs : « Il faut vouloir avoir de la visibilité, au cinéma, dans les séries, à la télévision. » Cela est lié, avant tout, à leur présence dans l’espace public, qui est bien trop faible. Les propositions sont nombreuses, mais la mise en place difficile. En attendant, ils continuent de marcher dans l’espoir de se faire entendre.
Lisa Pillaud
Zoom sur...
L’intersexuation en France / « Réparations » forcées du naturel
Selon l’ONU, « Les personnes intersexes naissent avec des caractères sexuels qui ne correspondent pas aux définitions traditionnelles du sexe masculin et féminin ». Ces caractères sexuels, primaires ou secondaires (organes génitaux internes ou externes, gonades, taux d’hormones et généralement la manière dont ils agissent sur le corps) sont propres à chaque intersexué et se placent alors davantage sur un spectre, allant de l’homme à la femme type.
Il existe des opérations dites de « réassignation sexuelle » pratiquées directement à la naissance lorsque le corps médical ne peut se prononcer sur le sexe de l’enfant et qui se prolongent parfois par des traitements hormonaux. C’est sur ce point qu’en 2016, la France fut condamnée à trois reprises par l’ONU (par le Comité des droits de l’enfant, le Comité contre la torture et le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes), ainsi que par Amnesty International et Human Rights Watch, reprochant des atteintes au droit à l’autodétermination des personnes.
En juin de la même année, elle ajoutera la lutte contre la Haine et la discrimination anti-LGBT à la Délégation interministérielle contre le racisme et l’antisémitisme, et émettra dans son Plan de Mobilisation voué à cette même cause « Arrêter les opérations et mutilations sur les enfants intersexes. […] Lorsqu’elles ne sont pas impératives pour raisons médicales, ces opérations sont des mutilations et doivent cesser. »
A noter que les revendications des associations intersexes n’incluent pas forcément la reconnaissance légale d’un troisième sexe, considérant que cette mesure aggrave le risque de stigmatisation, entrave le droit à l’auto-détermination et entretient la confusion entre caractéristiques sexuelles et identité de genre, alors que les personnes intersexes ne sont pas nécessairement non-binaires.
Sami Laamari
Crédits photos : Thomas Ribaud
Crédits vidéo et infographies : Laura Donzelle