À trois minutes à peine du métro Gambetta, remontez la rue du même nom jusqu’au numéro 240. Découvrez un univers fantastique composé de plus de 800 boîtes de jeux de société : c’est l’univers LudiBreak.

Malgré la puissance hégémonique des jeux vidéo dans notre société basée sur le numérique, la place des jeux de société perdure dans le temps et tend même à augmenter. Depuis une quinzaine d’années, cette industrie connaît en effet une croissance exponentielle, générant un chiffre d’affaires mondial en 2018 de plus de 10,3 milliards de dollars.
Il y a un an, cinq « papas » s’associent et créent LudiBreak. Laurent, gérant de l’établissement, est un ancien concepteur de sites internet. Il quitte donc le numérique pour faire naître un café ludique, où même les familles peuvent passer un bon moment. LudiBreak est un établissement accessible à tous.
« Moi je voulais faire un bar à jeux qui accepte tout le monde »
Comme l’explique Laurent, sur le reste de la France, il y a beaucoup de bars à jeux qui existent dans un modèle bien précis réservé aux plus grands passionnés. « Moi je voulais faire un bar à jeux qui accepte tout le monde, c’est-à-dire pas forcément uniquement les purs joueurs. L’idée est de se mettre à une table, de prendre un jeu. Si vous avez envie de jouer au Uno, vous jouez au Uno, ça vous regarde. Mais voilà, on a aussi tous les nouveaux jeux de société dits “modernes“ qui sont présents. »

Dans ce bar au design sobre, la présence du bois produit une atmosphère « nature ». L’éclairage tamisé renforce cette ambiance cosy. Les jeux apparaissent comme des objets de décoration. Empilés les uns sur les autres, ils forment des pyramides multicolores donnant un aspect pêle-mêle et désordonné. En réalité, tout est organisé par « gammes ». En premier sont disposés les jeux « apéros party game », pour se retrouver entre amis et « ne pas se prendre la tête ». À l’opposé, l’étagère des jeux familiaux « où l’on commence à réfléchir un petit peu. C’est pas mal pour commencer à initier les jeunes aux jeux de société ». Une étagère « à deux » pour les couples, puis un meuble où sont déposés les jeux de stratégies. Au fond, un atelier à partir de trois ans permettant d’accueillir des familles. La logique de l’établissement vise à « faire sortir les enfants de l’électronique pour les faire revenir aux jeux de société ». Ici, la notion de déconnexion est mise en avant en proposant à la clientèle une nouvelle façon de communiquer, de jouer, de s’amuser. Les gérants ont volontairement choisi de ne pas développer la connexion internet.
L’accessibilité comme leitmotiv
L’accessibilité de l’établissement est traduite par son partenariat avec AccessiJeux. Le bar passe par cette association parisienne afin de se procurer des jeux de sociétés appropriés aux personnes aveugles et malvoyantes. À l’intérieur de ces nombreuses boîtes sont disposées des cartes écrites en Braille, des plateaux en relief, des pions de différentes formes. Cette adaptabilité permet aux clients de reconnaître leurs pièces simplement au toucher, promouvant la tolérance face aux difficultés de chacun et amenant une reconnexion avec l’autre tout en favorisant la création de lien social.
Chez LudiBreak, l’accessibilité se ressent aussi au niveau de sa cuisine. En s’installant rue Gambetta, les associés remarquent « une forte communauté bio, végane, etc. ». Ils ont donc adapté leur cuisine en proposant des produits faits maisons et locaux, des recettes véganes pour que « tout le monde s’y retrouve ». Mais ils veulent aller encore plus loin et arriver « au lait d’amandes, au sans gluten » et « vraiment proposer la palette la plus large possible pour qu’il n’y ait plus aucun frein à ce que les gens viennent passer une soirée et pouvoir jouer aux jeux de société quelles que soit leurs envies culinaires ».
« Le Club des Cinq » associés sont aussi serveurs, animateurs. « Nous avons aussi un rôle de guide », développe Laurent. En fonction des critères de chacun, ils les orientent sur tel ou tel jeu. « Mais on ne voulait pas faire un bar à jeu où les règles sont totalement expliquées. L’idée est qu’un jeu de société c’est aussi quelque chose qui va se mériter. Il y a un petit effort intellectuel à faire : poser les pions sur la table, appréhender le jeu, lire les règles… » Leur objectif en tant qu’animateurs est d’amener les clients à évoluer petit à petit dans leur gamme de jeux et d’en faire découvrir d’autres, de nouvelles perspectives, de nouvelles stratégies.
Lou Van Cauvenberghe
Ludibreak, un lieu où bonne humeur et jeux de société sont de partie
Vidéo : Clara Geoffroy
Zoom sur...
Des initiatives étudiantes autour du jeu de société
A l’instar de cafés comme Ludibreak, des associations essaient elles aussi de promouvoir le jeu de société. C’est le cas de l’association étudiante Les Amis des Trolls (ADT) sur le campus de Moulins. Celle-ci voit le jour en 2011 avec un objectif ludo-caritatif. Charlotte, la présidente, explique le concept : « l’idée de l’association est d’organiser des évènements autour du jeu de société, c’est son côté ludique. Le côté caritatif, c’est quand nous reversons l’argent récolté par nos actions à Ludopital, qui vient en aide aux enfants hospitalisés à travers le jeu ». Aujourd’hui, ADT compte 36 membres et possède plus d’une centaine de jeux. Ceux-ci sont d’ailleurs mis à profit lors de la « nuit du jeu », action principale de l’association. Organisé depuis deux ans dans la bibliothèque universitaire de Lille 2, l’événement a rassemblé cette année une centaine de personnes. Pour la somme modique de 4 euros (reversés à Ludopital), les participants ont pu passer la nuit entre jeux de réflexion, jeux de rôles, mais aussi avec des jeux plus traditionnels tels que le loup-garou ou le Uno.
Outre ces événements, les portes de l’association sont tous les jours ouvertes aux étudiants qui souhaitent se rassembler autour d’un jeu et passer un bon moment. Selon Charlotte, « l’association a été crée par des étudiants qui aimaient jouer. A la fac, les gens ne s’amusent pas trop, on est tous dans notre routine métro-boulot-dodo. Quand les gens en ont marre, ils peuvent passer à l’asso et se détendre ». Les jeux de société constituent peut-être un autre moyen de se ressourcer dans une ère où le numérique a désormais largement fait sa place.
Aodren Combot