«Bio ’Appétit !» : un restaurant engagé dans le bio et la vie du quartier
Posted On 20 novembre 2019
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Hamid Kassa et Rahou Djebbar, associés à la tête de « Bio’Appétit !», sont amis d’enfance. Ils grandissent au sein du quartier de Moulins, le voient muer au fil des ans. « La fac n’existait pas encore. Le quartier était très industriel et l’ambiance bien différente, plus chaleureuse, explique Hamid Kassa. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que les habitants se sont individualisés, qu’il n’y a plus vraiment de lien social entre eux, ni de vie de quartier. »
Dans les zones dites « populaires » comme celle de Moulins, une forte densité de population immigrée cohabite, sans pour autant se rencontrer, ce que déplore Hamid Kassa. La présence de la faculté au sein du quartier peut accroître ce sentiment : les étudiants ne font qu’aller et venir dans les rues, de la bouche du métro à l’entrée de la fac, sans s’intéresser au lieu dans lequel ils étudient. « Nous nous sommes rendu compte que les étudiants n’avaient pas d’endroit à eux dans le quartier. Ils n’avaient nulle part où se retrouver après les cours et où se sentir comme à la maison, alors on a voulu faire quelque chose. »
Le projet « Bio’Appétit ! » prend alors racine. Sa vocation est de s’adresser à l’ensemble des habitants de Moulins, non pas qu’aux étudiants : « La fac est fermée une grande partie de l’année, donc on vise également les habitants en ouvrant le samedi. » Hamid Kassa et Rahou Djebbar désirent apporter du dynamisme au quartier via leur restaurant : « On a à disposition une grande place devant la fac, la place Déliot, pourtant il ne s’y passe jamais rien. Il n’y a aucune activité pour créer du lien entre étudiants et habitants, ou directement entre les habitants. »
Les deux amis ont alors contacté les différentes associations du secteur, la chambre des métiers et la mairie de quartier de Moulins afin d’organiser des projets, former des partenariats et pourquoi pas, créer une association de commerçants de Lille-Moulins. Hamid Kassa admet néanmoins que ce n’est pas chose facile. « Ce genre de projet est très compliqué à monter car la concurrence prédomine sur l’entraide entre les commerçants autour de la fac. Il faudrait mettre ce sentiment de côté pour développer la zone, organiser des événements en partenariat avec l’Université et les associations, comme des concerts ou des petits spectacles. » Dynamiser la vie de quartier d’une zone comme celle de Moulins permettrait de générer de la mixité sociale, entre étudiants et habitants, de faire tomber des préjugés sur l’ambiance du quartier tout en redorant son image.
Au sein de « Bio’Appétit ! », Hamid Kassa et Rahou Djebbar proposent une nourriture bio, entièrement faite maison à base de produits locaux. L’organisation en self-service permet à chacun de manger selon ses propres envies et budgets. « Parce qu’ils aiment ce qu’on cuisine, les gens vont parler de notre restaurant à leurs proches. On se fait connaître par le bouche-à-oreille et c’est aussi comme ça qu’on crée du lien. »
Hamid Kassa et Rahou Djebbar, via leur projet, espèrent donner un nouveau souffle, un autre dynamisme à la vie de quartier, au cœur de Moulins.
Rattaché à Lille au XIXe siècle, l’ex-quartier dynamique de Moulins situé au Sud de la ville se reconvertit peu à peu en nouvelle « place to be » lilloise. En flânant dans ses rues, on peut se projeter 200 ans en arrière et aisément imaginer ce quartier avec ses usines textiles tournant à plein régime, dont l’effervescence aurait été semblable à celle d’une fourmilière avec ses centaines d’ouvriers. En 1820, l’arrivée de la machine à vapeur dynamise encore plus le quartier, qui grâce à la gare de fret de Saint Sauveur, permet d’acheminer directement les transformables, aux usines.
En résumé, tout semblait « rouler » pour le mieux pour le développement économique de Moulins.
C’était sans compter sur la crise industrielle qui grondait aux portes de Lille et qui déboucha sur la délocalisation des usines vers 1970, heurtant de plein fouet le quartier. Les “30 piteuses” amenèrent un délaissement progressif mais irrémédiable de la population ouvrière confrontée à une pauvreté croissante.
Les populations issues de l’immigration remplacèrent peu à peu les populations ouvrières. Stigmatisée et mise à l’écart, la nouvelle vague de population du Sud de Lille fut assimilée d’emblée au commerce de la drogue et aux emplois précaires.
Dans les années 80, la jeunesse lilloise remplit de plus en plus les facultés de Moulins et anime le quartier par sa présence pendant la journée. Voyage dans le temps, 10 ans plus tard, nous sommes au beau milieu des années 1990, la population semble toujours aussi pauvre malgré les efforts de redynamisation. Si l’on se concentre bien, on peut même apercevoir Hamid et Rahou à 11 ans…
Léa Denet
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