Boum dans ton cœur : faire éclater les violences conjugales
Posted On 10 janvier 2020
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Sacha est une femme. Dont on ne connaît ni l’âge, ni la profession, ni l’origine ou le parcours, car peu importe. Stephen King a dit : « Quand vous vous affublez d’un costume de clown et d’un nez rouge, personne ne peut deviner à quoi vous ressemblez à l’intérieur. » Alors, seule, cachée derrière un maquillage blanchâtre et de grossiers traits d’eyeliner qui semblent plus pleurés que délicatement esquissés, Sacha laisse transparaître le reflet d’une expérience faite de blessures, dominée par la tristesse, où toute confiance en soi s’est dissipée.
Selon la lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, en 2017, environ 219 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de violences physiques et/ou sexuelles par leur actuel ou ex-conjoint. 3 femmes victimes sur 4 font part de régularité dans ces dites violences, et 8 femmes victimes sur 10 font état de violences psychologiques.
C’est pour remédier à ces tristes statistiques que le Centre d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF) s’allie auprès de la compagnie Boum dans ton cœur et propose de débattre, à l’issue de la représentation, sur les solutions possibles pour tendre la main. Il existe, en France métropolitaine ou d’Outre-Mer, 106 centres CIDFF avec plus de 1500 permanences, qui proposent des groupes de parole, des ateliers de reconstruction, de la sophrologie, des cours de self-défense, dans l’optique de retrouver la confiance. Des associations comme SOLFA (SOLidarité Femmes Accueil) proposent des foyers spécialement destinés aux femmes.
Pour Christine, représentante CIDFF présente ce soir-là, l’essentiel « se trouve dans la reprise de confiance. C’est uniquement lorsqu’on a la confiance que l’on a le courage ». S’exprimant sur la pièce, elle relève que « la sensibilisation par l’art fonctionne. Elle interpelle, elle vient nous chercher. Bien que la solution réelle et durable soit un changement des mentalités, à la racine, se servir de supports d’habitude utilisés comme divertissements est un excellent moyen d’attirer l’attention ». C’est notamment avec cette aspiration que Lorette, metteure en scène de la pièce, l’a adaptée pour qu’elle soit compréhensible dès 11 ans, et peut se jouer dans des cadres scolaires.
Explosant un ballon à chaque accès de colère, la détonation symbolisant les coups, Sacha sait qu’elle a tout pour partir, mais elle n’y arrive pas. Devant la porte, c’est elle qui se referme. Comme un oiseau qui se protège avec ses ailes plutôt que de les déployer.
Dans le débat qui suit la production, le micro tourne. Chacun y va de son ressenti, de ses conseils, de son empathie, jusqu’à atterrir dans les mains d’une femme quarantenaire : «Tout ce que vous décrivez dans la pièce, c’est ce que je vis au quotidien depuis 17 ans. »
Elle poursuit : “Les insultes, les menaces, le harcèlement, la violence. Je suis venue ici pour trouver une main tendue. J’espère que j’arriverai à la saisir ». La metteure en scène confie que c’est la première fois que cela arrive : « Là, on voit que ça sert. »
Sami Laamari
Photos : Laura Donzelle
Le nombre très important de femmes qui ont revêtu un gilet jaune l’hiver dernier a souligné l’émergence de ce que l’on pourrait appeler un prolétariat féminin des services. En effet, les travailleurs exerçant dans les secteurs de l’éducation, des soins, du travail social ou du nettoyage sont dans leur écrasante majorité des femmes. Et ce phénomène est en pleine expansion : en un demi-siècle, les emplois occupés par des femmes sont passés de 7,1 à 12,9 millions, là où ceux occupés par des hommes stagnaient. À elles seules, les salariées des activités médico-sociales et éducatives ont quadruplé leur effectif : de 500 000 à 2 millions de 1968 à 2017.
Infirmières, auxiliaires de vie sociale, assistantes maternelles, femmes de ménage, personnel hospitalier et des Ehpad, professeures : elles partagent toutes le fait de travailler dans le secteur des services. Mais ça n’est pas leur seul point commun, loin s’en faut : elles travaillent pour la majorité d’entre elles au sein d’un service public, ce qui fait d’elles les premières victimes des politiques d’austérité et de l’exigence de profits. Ces travailleuses exercent bien souvent leur métier malgré un manque d’effectif criant, auquel s’ajoute un salaire bas, un manque de considération et parfois des horaires décalées. De plus, elles exécutent toutes des missions absolument indispensables à la société. Et c’est là leur grande force, leur pouvoir insoupçonné : imaginez l’état d’un pays au bout de trois malheureux jours de grève de ce segment de la population. Des bâtiments sales, plus personne pour soigner les malades, s’occuper des personnes âgées, des handicapés, des nourrissons.
Voilà un autre terrain sur lequel les femmes gagneraient à se faire entendre.
Thomas Ribaud
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