Signes de sens : signer pour l’inclusion des sourds dans la société
L’association Signes de sens, basée à Lille depuis sa création en 2003 par Simon Houriez, a notamment pour ambition l’avènement d’une société plus accessible aux personnes sourdes et malentendantes.
La France recense aujourd’hui près de 4 millions de déficients auditifs, un handicap facteur d’isolement. Pour définir les contours de ce problème, il convient d’abord d’en évaluer les différents niveaux. La surdité, d’un point de vue scientifique, est une baisse de l’acuité auditive, d’un minimum de 30 décibels, qui peut aller jusqu’à la perte totale du sens de l’ouïe. Mais, pour notre société exclusive, c’est une tare. En effet, si de nombreuses pratiques sont mises en œuvre afin de « réparer » ce handicap, avec les techniques d’appareillage, les opérations, peu de choses sont faites pour l’accepter. Les déficients auditifs sont aujourd’hui nombreux à avoir des difficultés à communiquer avec les autres. D’où un sentiment prégnant d’isolement, d’exclusion. Il semble alors nécessaire de créer des passerelle entre les entendants et les personnes sourdes afin de lutter contre ce phénomène systémique. C’est tout le propos de l’association Signes de sens, qui s’implique dans le partage au plus grand nombre de la Langue des Signes Française (LSF).
Jouer pour apprendre
Un mercredi soir pluvieux de février dans un bar lillois, le Verlaine. C’est là qu’on retrouve les bénévoles de l’association Signes de sens pour leur soirée « Jeux en langue des signes » qui se déroule une fois par mois. Les participants peuvent venir librement sans obligation d’inscription. C’est ainsi qu’au bout d’une heure à peine, toutes les tables finissent par signer. Il ne reste que très peu de places aux habitués du bar, et les bénévoles sont même obligés de refuser de potentiels participants. Sourds et malentendants, entendants, enfants, parents, étudiants et amis profitent de cette soirée jeu pour se retrouver. Les jeux qu’ils utilisent durant cette soirée ont été créés par l’association. Le principe est simple : chaque carte comprend un signe qu’il faut effectuer afin de faire deviner sa signification aux autres joueurs. Les joueurs ne sont pas nécessairement signeurs, ils viennent d’horizons variés, pour des raisons variées.
Rassembler dans la diversité
A une table, Jocelyne est venue avec son fils sourd Anthony et une de ses amies, Brigitte : « Cette soirée est pour nous l’occasion de passer un bon moment et d’entretenir la LSF que nous ne pratiquons pas au quotidien. » Et même si on s’amuse, on commence à réfléchir aux failles qui subsistent dans notre société. Anthony, sourd de naissance, parvient à s’intégrer car il sait lire sur les lèvres. Cependant, il préfère se retrouver avec des personnes qui partagent sa langue, qui signent. C’est plus simple, moins prise de tête. Jocelyne, sa mère, exprime quant à elle son indignation. Elle a l’impression que ce sont « toujours aux sourds de devoir faire les efforts » et ajoute : « Pourquoi n’est-ce toujours pas enseigné à l’école ? C’est une langue à part entière, au même titre que l’anglais. » La LSF permet à Brigitte de « rencontrer de nouvelles personnes et de développer une certaine ouverture d’esprit ». En effet, c’est être plus attentif à l’autre. C’est se rassembler pour une lutte commune, celle contre l’exclusion des sourds, celle pour leur inclusion. La LSF est un moyen de les soutenir et de se mettre à leur place, d’enseigner le respect de la différence.
On ressort de cette soirée avec l’envie d’apprendre, d’apprendre pour inclure, de supprimer la différence. Toutefois, une question émerge. Le français comporte pour certains dictionnaires près de 100 000 mots, comment connaître leur signe en LSF ?
Une langue visuelle
Sébastien Sellier, responsable communication chez Signes de sens nous présente le projet Elix qui a remporté le prix de la Fondation la France s’engage en 2019. Elix est un dictionnaire web bilingue français/LSF. Celui-ci a pour ambition de permettre aux personnes sourdes d’accéder à la lecture sous toutes ses formes. Ils peuvent ainsi relier un mot écrit à son voire ses signes et un signe à son mot écrit. Pour exemple, prenons le mot “addition”, qui a plusieurs significations en français. Elix propose pour toutes les significations de ce même mot, un signe différent. Cela permet l’accès des personnes sourdes au français et l’accès de la LSF aux entendants. Pour Sébastien Sellier, il « est une opportunité pour la société d’envisager la LSF en tant qu’alternative à la communication orale, dans une perspective de conception universelle ».
Louise Dalmasso
La conception universelle, qu'est-ce que c'est ?
Mina Peltier
Zoom : la surdité, un handicap incompris
Contrairement à certains autres handicaps, les problèmes d’audition ne se voient pas. On remarque qu’un aveugle ne voit pas, mais pas qu’un sourd n’entend pas. Ils sont, de ce fait, incompris et moqués par les autres, car faire répéter, c’est agaçant.
« Je te l’ai déjà dit deux fois ! Je ne vais pas le répéter encore une fois ! » Ce sont des phrases que les malentendants ne cessent de supporter à longueur de journée. Elles donnent naissance à un sentiment de rejet et peuvent conduire à l’isolement, notamment chez les personnes âgées, qui n’osent parfois plus sortir de chez eux, par peur d’énerver leurs éventuels interlocuteurs.
Les troubles auditifs sont souvent associés à un manque d’intelligence. Le sourd n’est pas capable de communiquer normalement avec les autres donc il est forcément bête. Ces conclusions hâtives altèrent l’image des malentendants en société et, par conséquent, rajoutent un handicap aux troubles de l’audition.
On pense alors à l’appareillage pour mettre fin à tous ces problèmes, mais ce n’est pas si simple. Pour porter un appareil, il faut d’abord l’accepter. C’est quelque chose de contraignant et voyant, mais les appareils sont surtout mal remboursés.
Ce cumul de handicaps fait souffrir les malentendants puisqu’ils sont trois fois plus nombreux en état de souffrance psychique que le reste de la population.
Mia Pichon