Saint Lazare, l’upcycling chic
Ceintures à partir de lances à incendie ? Bijoux à base de chambres à air de vélo ? Capucine Thiriez, ancienne commerciale a rendu cela possible. Aujourd’hui entrepreneuse, elle lance Saint Lazare il y a un an et demi, confectionne de la petite maroquinerie et des accessoires haut de gamme en revalorisant des matières oubliées. C’est dans son atelier implanté dans un des bureaux du Centre Européen des Textiles Innovants de Tourcoing, qu’elle gère la production et l’envoi de ses articles.
Tout part d’une devise de Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ! » Voici-même le concept de l’upcycling ou “surcyclage”. Cette pratique revient à récupérer des matériaux en fin de vie en vue de les transformer en un objet haut de gamme, de déco, une œuvre d’art ou même un accessoire de mode. A la différence du recyclage « classique » qui permet certes des objets originaux et uniques, ce principe de réutilisation donne lieu à des produits qualitatifs et chics. Au-delà de l’aspect environnemental que confère cette activité, l’upcycling adhère à une économie circulaire. Ce modèle économique rend compte du besoin urgent d’épargner nos ressources épuisables et limitées, et d’adopter une consommation éco-responsable et durable.
Nom évocateur du ressuscité évangélique, le projet porté par Capucine se devait de faire référence au chic français. Selon elle, dans le milieu de la maroquinerie et de la mode, il est souvent question de prénom. Saint Lazare correspond ainsi au positionnement de la marque. Pour le logo, la créatrice a opté pour un scarabée partant du renouveau de l’Égypte antique. Ces renaissances et rénovations se lient parfaitement aux fondements de l’upcycling, que l’enseigne défend.
« Tout est parti d’une envie personnelle de consommer de façon responsable, d’agir pour une mode durable et l’envie d’entreprendre autrement », confie la créatrice. Tombée sur des chambres à air de vélo par hasard et affectionnant la couture, l’assemblage lui parut évident. Pourtant, celle-ci ne portait pas de réel intérêt au monde de la mode. Toutefois, l’utilité de ces matériaux défectueux destinés à la destruction a conduit au début de l’expérience Saint Lazare. Pour ce faire, Capucine souligne une volonté d’inclure des acteurs locaux pour rester en cohérence avec l’upcycling. Elle ajoute : « Il est important d’avoir une logique de proximité par rapport aux matières que je récupère. » Que ce soient les chambres à air, les chutes de caoutchouc automobiles ou les lances à incendie, tout provient d’entreprises locales qui visaient à broyer ces matières. Heureusement, l’initiatrice de Saint Lazare les récupère, évite aux industriels un coût pour cette démolition et permet par la même occasion une « nouvelle histoire » à ces produits. Cet usage privilégiant le fonctionnel à la possession est un aspect important de l’économie pour Capucine mais aussi pour les industriels.
Ses partenariats avec Décathlon ou le fabricant de lances à incendie, lui permettent de récupérer des articles résistants et imperméables. Capucine lève le voile sur ces pièces récupérées : « Je n’aime pas le terme déchet. C’est comme si on faisait les poubelles des entreprises. Alors que c’est à partir de cette matière brute, sale, de leur première histoire qu’on les sublime et arrive à un accessoire de mode et un bijou élégant. »
« Chez Saint Lazare, tout est pensé pour être beau et durable »
Peut-on considérer ce produit du Nord comme une alternative au haut de gamme ? La réponse est oui à en croire la jeune innovatrice. A la différence des marques qui produisent en grande quantité et ne suivent pas forcément une approche éco-responsable, Saint Lazare fabrique des bijoux à la demande. Pour ceux qui préfèrent acheter le neuf, vous êtes servis puisque consommer éco n’est pas que de la seconde main. Au-delà de l’aspect fun du recyclage, le challenge réside dans le côté esthétique de l’objet. Il faut le rendre beau. L’idée étant de ne pas montrer véritablement la matière mais de l’épurer. A la différence de leurs concurrents, pour les produits Saint Lazare, c’est un peu de mystère : on ne sait pas qu’il s’agit d’une chambre à air puisqu’elle paraît comme du cuir une fois toutes les étapes de production passées.
Tout est fait pour façonner une exploitation durable en prenant en compte les impacts environnementaux des ressources tant dans l’approvisionnement que dans la conception mais aussi par la durée d’usage. Cela passe souvent par le réemploi de ces matières, le don et la réparation. Cette amélioration du recyclage des « déchets » en les intégrant dans le cycle économique tend à une croissance verte, si l’on croit le ministère de la transition écologique et solidaire qui inclut l’économie circulaire dans sa loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte depuis le 18 août 2015 (Ndlr : code l’environnement, article L.110-1-1). Ce ministère reconnaît cette démarche comme un « objectif national et comme l’un des piliers du développement durable. »
Au vu de l’état des pièces récupérées et de l’usage que leur réserve Capucine, il est nécessaire de joindre à l’aventure des collaborateurs qui œuvreront pour la collecte et le nettoyage de ces matériaux. Elle travaille notamment avec des employés de l’ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail aux personnes en situation de handicap) mais également avec les chercheurs du laboratoire IFTH qu’elle rencontre au CETI.
Ci-contre, le cheminement de ce made in France, éco-responsable à circuit court.
Avec une enseigne comme Saint Lazare, l’upcycling pourrait relever le défi du ministère de l’écologie qui vise une réduction à la moitié des déchets mis en décharge d’ici 2025 mais aussi un recyclage de 65% pour les déchets dangereux non inertes.
Retrouvez tous les produits Saint Lazare sur le site https://saintlazare.fr/ ou sur la page Instagram @saintlazarefrance
Pour plus d’informations sur l’économie circulaire : https://institut-economie-circulaire.fr/economie-circulaire/pilliers-economie-circulaire
Fatima-Ezzahra Hamchir
L’upcycling, nouvelle valeur écolo
A l’image de Lazare dans la Bible, les débris, objets, matières ont le droit à une seconde vie, à la seule différence que c’est Capucine Thiriez, et non Jésus Christ, qui s’occupe de cette résurrection. Elle fait tourner son site web depuis son atelier de Tourcoing et envoie les commandes directement chez ses clients. Que ce soit des pneus ou des lances à incendie, les matières sont sélectionnées en fonction de leur état. En effet, contrairement au recyclage, on offre une seconde vie et non une nouvelle aux objets.
On appelle ça l’upcycling, et au-delà d’une simple alternative écologique, Capucine considère ce concept comme un véritable état d’esprit à adopter et à développer plus largement. Le gros point fort de Saint Lazare ce sont ses valeurs zéro-déchet et créatives associées à un marketing bien géré.
De la réutilisation des déchets, qui constitue la principale action écologique du concept, à la dimension économique, tous ces aspects font de Saint Lazare et de l’upcycling une idée à développer et à démocratiser.
L’upcycling est aussi et surtout une alternative au monde de la mode et du luxe, qui se base sur l’image de marque afin de vous soutirer des sous de manière injustifiée. Bref en mettant en avant des produits de grande qualité basés sur des matières premières vouées à la déchetterie en temps normal, Saint Lazare ne se contente pas de recycler mais de valoriser à la fois la matière et le processus créatif. Cela veut aussi dire que la conception est assez chère, outre la marge que prend la marque, l’acheminement de la matière, la transformation et l’envoie représentent un coût considérable qui justifie l’appellation haut de gamme et le prix qui va avec. Disons que Saint Lazare ne se destine pas à un public étudiant, mais quand on voit la qualité du travail de Capucine, c’est justifié.
Augustin Epaud Baudot