La Maison de Marthe et Marie, des colocations solidaires pour les femmes enceintes
Pour une femme enceinte ou une jeune maman isolée, trouver un logement relève du parcours du combattant. En mêlant colocation solidaire et accompagnement médico-social, La Maison de Marthe et Marie accompagne des femmes pour pallier cette situation angoissante.
A la découverte du projet de La Maison de Marthe et Marie (MMM), difficile de ne pas céder à la tentation de se rendre dans une des colocations pour y éprouver directement l’ambiance chaleureuse et bienveillante. Mais, confinement oblige, c’est par mail que Marie-Gabrielle Delattre – responsable de l’antenne lilloise de l’association – livre au Châtillon le rôle de cette structure.
Une colocation solidaire
Implantée sur le territoire depuis octobre 2017, l’antenne de MMM dans le Nord répond au projet que l’association a déjà mis en place à Paris, Nantes, Lyon et Strasbourg. Accueillir des femmes enceintes en difficulté et les accompagner jusqu’au 1 an de leur bébé au sein de colocations de 6 à 8 chambres.
L’originalité du projet réside ainsi dans sa dimension solidaire. Il ne s’agit pas d’accueillir les jeunes femmes dans un foyer mais de leur proposer temporairement de vivre au sein d’une colocation, avec un loyer modéré que chacune prend en charge. Un quotidien en autonomie donc, mais loin de l’inquiétante solitude grâce à la présence de la directrice d’antenne deux jours par semaine et aux bénévoles qui donnent régulièrement de leur temps sur place. Mais ce qui rend les colocations de MMM spéciales, ce sont les « volontaires » : des femmes actives de 23 à 35 ans qui acceptent de partager leur quotidien avec les femmes enceintes et les jeunes mamans en venant habiter à la colocation le temps d’une année.
« Ces jeunes volontaires permettent à ce lieu de fonctionner différemment d’un foyer. Elles donnent un rythme, un équilibre, en partant travailler et en revenant. Elles sont aussi là pour soutenir la maman dans les périodes délicates de fin de grossesse ou de tout début de vie du bébé. »
Un accompagnement pour se reconstruire
Depuis le début de l’aventure lilloise, ce sont 8 jeunes femmes qui ont été accueillies pour un total de 7 naissances et, actuellement, la structure héberge 3 mamans ainsi que leurs bébés. Autour de Lille, les demandes se multiplient pour intégrer la colocation. Effectuées par internet ou par le biais d’autres partenaires sociaux, elles ne peuvent malheureusement pas toutes être acceptées.
Bien que le déménagement en centre-ville de Lille ait permis de doter la colocation d’une chambre supplémentaire, le modèle proposé par La Maison de Marthe et Marie ne fonctionne qu’en petit comité. En effet, l’accompagnement social et médical individualisé est essentiel au bon déroulement de l’accueil au sein de la colocation.
« Les mamans ont toutes en commun quand elles arrivent de connaître, dans leur parcours de vie, une rupture liée à leur grossesse : éclatement du couple, exclusion par la famille, arrêt des études ou du travail… Elles arrivent donc avec le besoin qu’on prenne soin d’elle pour qu’elles puissent, le moment venu, prendre soin de leur bébé et l’accueillir sereinement. »
Pour répondre à ces besoins, l’association travaille aux côtés d’organisations chargées de suivre les femmes enceintes, d’aider à gérer les responsabilités de jeune maman, puis d’accompagner le nouveau foyer après le passage à la colocation. Assistantes sociales et centres de PMI (Protection Maternelle et Infantile), sages-femmes, structures d’aide au logement ou encore au retour à l’emploi sont sollicitées.
L’« être » avant le « faire »
Cela ne vous aura peut-être pas échappé, le nom de l’association La Maison de Marthe et Marie s’inspire d’une référence biblique. MMM ne revendique pour autant aucune dimension religieuse, les femmes y sont accueillies en dépit de leurs croyances et Marie-Gabrielle – psychologue clinicienne de formation – ne voit rien de pieux dans son travail en tant que directrice d’antenne : « Ce que l’on retient de Marthe et Marie dans notre imaginaire collectif, c’est que l’une travaille alors que l’autre est à l’écoute. La morale donnée par la Bible, c’est que l’ être, l’écoute, prévaut sur le faire, le travail. Si je dois faire le lien avec ce qui se vit dans l’association, c’est que tant que l’on n’est pas à l’écoute de qui est l’autre, on peut difficilement bien vivre ensemble et l’accompagner au mieux. »
Alors que d’autres structures permettent uniquement aux femmes en difficulté d’être aidées dans leurs actions quotidiennes, les colocations de La Maison de Marthe et Marie semblent ainsi apporter un supplément d’âme, une philosophie particulière, à cet accompagnement.
En encourageant la sororité, cette entraide féminine organisée dans un monde qui abandonne encore trop souvent les femmes en difficulté, La Maison de Marthe et Marie apporte certainement sa pierre à l’édifice de la solidarité.
Rose-Amélie Bécel
Trois questions à Célia, jeune maman à la colocation de Lille
Célia, 28 ans, est actuellement la plus ancienne colocataire de La Maison de Marthe et Marie à Lille. Arrivée en février 2019, elle a donné naissance à sa fille en juin dernier. Contactée par mail, elle raconte son quotidien de jeune maman au cœur de la période de confinement, mais aussi ses projets d’avenir.
Qu’est-ce que la vie en colocation vous a apporté pendant votre grossesse, et maintenant en tant que jeune maman ?
La colocation m’a beaucoup apporté dans mon début de grossesse et encore aujourd’hui, je n’avais pas du tout de famille ici en France, je suis originaire de Nouvelle Calédonie. Cela m’a permis de ne pas être seule, d’avoir des moments de partage, de faire de nouvelles connaissances et d’échanger sur plein de choses de la vie.
Comment occupez-vous votre quotidien en confinement ? Est-ce qu’il est difficile de rester toute la journée à l’intérieur avec un bébé ?
Oui, cette période est quand même difficile ! La bonne petite balade en poussette, ça manque vraiment. Ma fille a 9 mois, elle est très éveillée donc je passe beaucoup de temps à lui faire découvrir des choses.
Avez-vous des projets pour l’avenir en dehors de la colocation ?
Oui, beaucoup ! D’une façon générale, je pense que c’est la manière dont Marie-Gabrielle procède qui nous aide à avoir des projets. A mon arrivé dans la colocation de Marthe et Marie, on a fait le point sur ma situation, la vie future, mes souhaits… J’ai quand même 28 ans et je suis assez autonome, je lui ai fait part de ce que je voulais pour ma fille et moi. Pour moi, il s’agissait de régulariser mes papiers, faire des demandes d’aides… Il faut aussi voir pour une place en crèche, cela me permettra de reprendre mon activé et c’est la chose la plus importante pour que je puisse avoir mon propre logement, tout ça est en cours. Et puis bien sûr, j’ai envie de voir évoluer ma fille dans de bonnes conditions !
Rose-Amélie Bécel