L’éco-design, une alternative raisonnée et durable ?
Dans le cadre de Lille Métropole 2020, Capitale Mondiale du Design, de nombreux centres culturels lillois brandissent l’étendard du design durable. Portée par une génération consciente du danger climatique et environnemental, la création se veut éco-responsable, à savoir utile et durable.
Le mouvement d’éco-design naît en France au début des années 2000. Il allie l’aspect fonctionnel et esthétique de l’objet dans une démarche de conception éco-responsable. Dans cette optique, diverses expositions de Lille Métropole 2020 regroupent des objets de designers issus du monde entier. “La Manufacture : A Labour of Love” a pour objectif de prouver que l’objet de design est compatible avec des matériaux recyclés et d’apparence peu noble.
“La Manufacture : A Labour of Love”, retrouvailles avec l’authenticité
“Créer de la nouveauté à partir de l’ancien”, voilà ce qui anime les 60 designers exposant à la gare Saint-Sauveur. Tous ont créé des objets innovants à partir de matériaux du quotidien, fréquemment utilisés dans le design comme le plastique, le bois, ou encore le verre. En revanche, en tête de gondole ce sont des matériaux bien moins courants qui sont affichés. On retrouve alors des roseaux, des algues ou bien des anciens câbles électriques. Chaque matériau contribue à construire les piliers du design durable et à déconstruire les préjugés. Souvent perçu comme art d’innovation à l’apparence futuriste, ce milieu de création devient aujourd’hui porteur d’espoir. Le message est clair : trouver des alternatives viables aux bouleversements écologiques de notre temps.
Les designers de l’exposition innovent en ce qu’ils renoncent à la méthode de production habituelle. Pour beaucoup, il est primordial d’éviter le recours aux machines pour façonner la matière. C’est le cas de Gavin Munro. Ce designer anglais, créateur de Full Grown, a décidé de restreindre les interactions entre l’Homme et la création de son objet. Depuis 2012, il fait pousser des chaises en bois en laissant la nature les modeler. Comment est-ce possible ? Des piquets suffisent pour aider l’arbre à grandir dans la forme désirée. Or, ce processus de production met sept ans à aboutir, ce qui questionne la viabilité de cette méthode.
L’éco-design, une approche réellement viable ?
L’éco-design vise à exploiter au maximum le cycle de vie des matériaux. À cette logique de préservation des ressources s’ajoutent de multiples avantages : revalorisation des matériaux, réduction de la consommation et recours à des méthodes de production moins polluantes. De plus, nombre de techniques de production adoptées par les designers sont traditionnelles et font ainsi perdurer des savoir-faire ancestraux. Aurélie Hoegy, artiste et designer, a créé différents meubles en fibre végétale grâce à des techniques de tissage ancestrales indonésiennes. Malgré tout, est-il concevable de créer des meubles similaires en quantité plus importante en adoptant le même style de production ? Il est en est de même pour Gavin Munro et ses créations, le processus de production est très long en plus de nécessiter des terrains avec de larges superficies.
En somme, l’éco-design constitue une excellente alternative au design qui dénature l’essence même de la matière. Toutefois, se dégagent certaines craintes quant à sa durabilité, simple prise de conscience éphémère ou bien mise en place d’une technique permanente ?
Pierre LASSAUGE
ZOOM : le design, une réponse au défi climatique ?
À l’aube de modifications dans nos vies causées par un changement climatique irréversible, de nombreuses « solutions » émergent dont l’un des facteurs est le design.
L’exposition « La Manufacture : a Labour of Love » s’inscrit dans cette continuité en présentant des alternatives à notre consommation matérielle. Les artisans, à l’origine de ces avancées, créent des œuvres d’art suivant un procédé dit écologique. Toutefois, le danger n’est-il pas d’ôter le propre même de l’utilitaire et de l’accès ? En effet, la population peut-elle se procurer une chaise, à titre d’exemple, alors que cet objet du quotidien requiert sept ans de labeur ? Et ce, quand seules cinquante chaises écologiques sont rendues disponibles tous les ans. La négative est prenante.
Si bien qu’il est légitime de s’interroger sur l’aspect utilitaire du projet car plus que de « simples » chaises, il s’agit, ici, d’œuvres d’art.
À la problématique économique succède la question écologique, soulignant ainsi ce clivage entre écologie et économie. Obtenir du bois parfaitement adapté à ces projets engendre du gaspillage en eau, en carbone et maltraite la matière. Néanmoins, comme l’affirme le directeur général de l’entreprise Full Grown, Gavin Munrow, il s’agit d’un travail de design de longue haleine. Sans doute le design est-il perfectible afin de permettre de mener davantage de projets alliant économie et écologie.
Maïa CHATELAIN KHALIFA
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