Andréa Schindler “donne le la” entre musique et thérapie
En 2019, Andréa Schindler remporte avec l’association l’Art à Lille le premier prix de l’appel à projet « la musique vecteur d’insertion et d’épanouissement pour tous » de la Fondation Crédit Mutuel Nord Europe. Musicienne depuis son plus jeune âge et musicothérapeute depuis 5 ans à Lille, elle accompagne des patients aux profils multiples.
Elle nous a donné rendez-vous dans un petit café du centre-ville lillois. Covid oblige, nous nous installons en terrasse. Le hasard a voulu que nous soyons en face d’un magasin de partitions et d’instruments. La musique, la jeune femme l’a toujours pratiquée.
À 6 ans, ses doigts effleuraient déjà les touches du piano au côté de sa grand-mère. Deux ans plus tard, elle découvre le conservatoire : ses cours de piano, le jazz, l’improvisation.
« Pour moi la musique a été un vrai moyen d’expression, de mes émotions, un moyen de m’épanouir, de prendre confiance en moi », nous explique-t-elle le regard pétillant. Pendant plus de 10 ans, elle perfectionne ainsi sa pratique. Les années lycées sont le temps d’une question cruciale : que faire après le BAC ? À 17 ans, elle découvre la formation de musicothérapeute. « J’avais envie d’être dans un milieu qui pouvait à la fois rassembler la musique et la dimension sociale, thérapeutique. »
Elle garde ce métier en tête et commence la fac, son premier groupe de musique, ainsi qu’une formation de théâtre.
De la musique à la thérapie
À la suite de sa licence, elle obtient un certificat de musicothérapie à Bordeaux puis devient musicothérapeute après un master à l’université Paris la Sorbonne. Pendant trois ans, elle se crée un réseau et multiplie les projets en soins palliatifs ou dans des EHPADs avec notamment des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui, elle a la chance d’exercer en CDI 12 heures par semaine à l’hôpital Saint Vincent de Paul.
Obligée de s’adapter pendant le confinement, elle participe même à une cellule d’accueil psychologique pour le personnel soignant avec des propositions de relaxations musicales, de respirations et de musicothérapie.
Pour Andréa, chaque patient est un cas particulier. Chacune de ses séances est donc différente. Ses consultations sont d’ailleurs ouvertes à tous : maladies neurologiques, dépression, autisme etc.
Avant toute mise en pratique, c’est par un échange avec les soignants et les patients que la jeune femme découvre le rapport du malade à la musique, ses goûts, son identité.
Andréa, souriante, utilise beaucoup la voix qui libère énormément d’émotions. L’instrument est lui aussi vecteur de créativité.
Avant d’être une musicothérapeute, elle reste avant tout une musicienne. En parallèle de ses séances, elle se produit sur scène avec son groupe d’improvisation pop-folk, nommé Call of the Trees.
Andréa Schindler et sa harpe expérimentale, qu’elle a trouvée dans la rue. © Matteo Urru.
Des projets pour exister
Nous revenons un instant sur son premier prix de l’appel à projet de la Fondation Crédit Mutuel d’une valeur de 30 000 euros.
L’idée est partie de ses séances avec des patients souffrant de troubles alimentaires. « J’avais très envie de faire un projet avec ces patients, mais en dehors de l’hôpital. »
Elle propose ainsi avec des collègues musiciens une “carte postale sonore” sur mesure pour les malades à travers des ateliers d’écriture, d’enregistrements ou de chants polyphoniques au sein des locaux de l’association Art à Lille. Une structure où elle travaille déjà régulièrement. Cet appel à projet participe au combat d’Andréa Schindler pour la reconnaissance de son métier par l’État (voir notre zoom à la suite).
Elle reste toutefois confiante et déterminée : « Je pense que c’est un métier qui est en train de se développer et qui sera reconnu dans les prochaines années. »
Flora Granchette.
La question du remboursement des médecines non conventionnelles
Si les médecines conventionnelles sont remboursées sans problème par la SÉCU et les complémentaires de santé, ce n’est pas la même histoire pour les médecines alternatives. Ces thérapies – telles que la musicothérapie, l’hypnose ou l’homéopathie – ne sont pas reconnues par l’Ordre des Médecins, car il n’y a pas de preuves “scientifiques” d’efficacité de ces traitements. En revanche, elles peuvent être complémentaires au traitement de certaines maladies et troubles.
La Sécurité Sociale ne couvre que 4 médecines non-conventionnelles : la mésothérapie, l’ostéopathie, l’acupuncture et l’homéopathie – qui ne sera plus remboursée à partir de 2021. Indemnisées à 70%, il est aussi possible qu’Ameli assure d’autres pratiques, à condition que le praticien soit homologué à l’Ordre des Médecins.
Davantage besoin de reconnaissance que de remboursement
Du côté des mutuelles, ce n’est pas forcément mieux. Elles proposent toutes d’autres médecines “douces”, remboursables pour une modique somme. En moyenne, c’est 55€ par séance, et 5 séances maximum durant l’année civile…
Mais pour la musicothérapie, l’heure n’est pas à l’accessibilité. Les musicothérapeutes vivent dans la précarité face à cette absence de reconnaissance. “C’est un métier qui prend du temps. En Europe, on se pose la question de comment la rembourser. En France, on est seulement à l’étape de la reconnaissance“, regrette Andrea Schindler.
La Fédération Française des Musicothérapeutes travaille sur une formation normalisée afin que l’Ordre des Médecins change d’avis et puisse réguler la situation des praticiens.
Matteo Urru.