La lutte contre l’homophobie s’invite dans l’art lillois
Quentin Hennebelle, lycéen de 17 ans, a décidé de créer sa websérie qui sera diffusée sur YouTube au premier trimestre 2021. Le sujet du projet ? L’homophobie. Son but est de montrer comment cette problématique s’est ancrée dans la société et comment les adolescents s’en accommodent au quotidien.
En 2020, Quentin, Emma et Othéliie ont décidé de prendre les choses en main. Lutter contre l’homophobie est leur objectif. Tous trois ont décidé de se mettre à la création d’une websérie, qui sera diffusée sur YouTube, afin de montrer que l’homophobie est un sujet toujours d’actualité et qu’il est urgent de se pencher sur cet enjeu sociétal.
Pour Quentin et Emma, l’homophobie est toujours présente dans la société. Leur websérie est un moyen d’exprimer ce qu’ils ont ressenti depuis des années. “L’homophobie est un gros problème. Nous l’avons tous les deux vécus. C’est quelque chose qui peut prendre des circonstances très graves et qui peut même aller jusqu’au suicide. Il est important de le dénoncer”, alerte Emma.
À travers cette websérie se cache un combat acharné. Quentin entretient une relation plutôt complexe avec son homosexualité. Il explique lui-même ses sources de motivation : “J’ai pris du temps à m’assumer tel que je suis parce que j’avais peur du regard des autres. Au départ, j’avais prévu de cacher mon homosexualité, mais il s’est avéré que c’était impossible. Donc au fil du temps, j’ai commencé à l’avouer, et grâce à mon CPE j’ai réussi à avancer. Maintenant, je veux reproduire ce qu’il a fait avec moi.” En étant lycéen, il est difficile de mettre en place un projet avec un grand financement, mais Quentin n’a pas lâché l’affaire. Lui et ses deux acolytes sont parvenus à réunir une équipe afin de mener à bien le projet. Recruter un casting, trouver des professionnels du cinéma, cela a déjà nécessité des journées d’investissement. Et le travail n’est pas terminé puisque le tournage aura lieu dès février.
Une Websérie diffusée sur YouTube
Le format est simple, facile d’accès et compréhensible par tous. Diffusée sur Youtube, les plus jeunes pourront y accéder à tout moment et autant de fois que nécessaire. Le partage lui aussi sera facilité. Des arguments bien pensés afin de faire de ce projet une réelle arme contre l’homophobie. “Cette websérie est un bon moyen de lutte car certains n’aiment pas lire et davantage de personnes préfèrent regarder une série. Ainsi, les bruits, le visuel, la musique attirent plus de monde. Une série, contrairement à un film, dure dans le temps. Avec 1 épisode par semaine, elle s’étalera sur 6 semaines”, explique Quentin. À travers les différentes histoires des personnages – un couple de femmes et un couple d’hommes – chacun aura la possibilité de percevoir les violences subies par les personnes homosexuelles au quotidien. Selon Quentin, le visuel est important pour comprendre les choses. En mettant en scène la stigmatisation de l’homosexualité, les spectateurs prennent conscience de la violence des actes. “On dit qu’en 2020, tout le monde accepte, sauf que la réalité est tout autre. Certaines personnes n’approuvent toujours pas l’homosexualité.” Dans la websérie, ce sont des adolescents qui sont mis en scène. Mais Quentin espère que la prise de conscience sera plus large. L’homophobie touche toutes les tranches d’âge, tout le monde est concerné.
D’autre part, Quentin et Emma annoncent avoir été très inspirés par un grand nombre d’œuvres cinématographiques et musicales pour leur projet. “Dans les séries, j’ai remarqué qu’enfin ils mettaient en avant des personnages homosexuels, souvent des personnages principaux d’ailleurs. Ainsi, on montre davantage l’homosexualité, ce n’est plus un sujet que l’on passe sous silence”, affirme Emma. La petite équipe espère d’ailleurs s’inscrire dans cette lutte artistique pour faire avancer la cause à leur échelle.
Autour de la Websérie :
Quentin, Emma et Othéllie ont décidé de monter leur association: E-QO (communication sur Internet). Il s’agit d’un moyen mis en place sur Internet afin d’écouter les personnes victimes de l’homophobie. Un soutien nécessaire selon les trois lycéens. En somme, ils ne comptent pas s’arrêter à la création d’une websérie, leur projet est bien plus large et demande bien plus d’investissement. Ce qui ne semble pas les effrayer.
Arnaud Mahu
Crédit photo : Marius Joly
Et ailleurs...
Le cas africain
Partout dans le monde, la lutte contre l’homophobie est un combat de tous les jours. En Afrique, où la situation de l’homophobie pose de réelles questions, l’art peut plus que jamais être un moyen de faire évoluer les mentalités.
Début 2020, trente-deux des 54 pays africains possédaient une législation pénalisant les relations homosexuelles. Dans certains pays, comme l’Ouganda, la situation peut même être qualifiée de catastrophique avec un projet de loi surnommé « Kill the gays », régulièrement évoqué depuis plus de dix ans. Un cas extrême mais qui montre une réelle hostilité à l’homosexualité dans la culture africaine.
Face à ce fléau, plusieurs artistes africains ont souhaité s’engager contre l’homophobie. Originaire de Zambie, Milumbe Haimbe a choisi de traiter la question dans sa bande-dessinée The Revolutionist. A travers son œuvre, elle tente de déconstruire les clichés du super-héros en choisissant une héroïne noire et lesbienne. De son côté, la photographe sud-africaine Zanele Muholi a choisi de réaliser une série de portraits dénonçant la violence subie par des personnes homosexuelles. Autant d’initiatives précieuses mais qui peinent encore à avoir un réel impact sur la société africaine et à être accepté par les autorités. Pour preuve, l’exposition sur l’homosexualité à la Biennale de Dakar avait purement et simplement été annulée par l’Etat sénégalais en 2014. Six ans plus tard, la situation n’a que peut évolué dans ces pays. Le plus grand motif d’espérance semble être la récente dépénalisation de l’homosexualité au Botswana. Espérons que les mentalités évoluent dans le bon sens et que la création artistique puisse y participer.
Marius Joly
Galerie photos, Zanele Muholi :
Homosexualité & Cinéma français : du néant à la palme d'or
Maël Le Grouiec
Remerciements à Quentin & Emma pour le temps qu’ils nous ont accordé. Remerciements à l’EPIL et sa direction pour nous avoir permis de rencontrer Quentin & Emma dans les meilleures conditions possibles.