Le marketing genré face aux réseaux sociaux
Posted On 11 octobre 2020
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« Nous ne sommes pas l’ennemi des marques mais leur alliée vers plus de modernité », écrit Marion Vaquero, la fondatrice de Pépite Sexiste. Avec plus de 330 000 abonnés sur twitter, instagram et facebook, l’ONG épingle le sexisme et les stéréotypes diffusés par le marketing. Sensibiliser, pour montrer que les consommateurs et consommatrices ne sont pas si indifférents face à ces « pépites » du quotidien. Du mug bleu « pour lui » à la cuisinière rose pour faire « comme maman », l’association s’adresse aux marques pour changer les techniques publicitaires sexistes et stéréotypées. « Souvent, une marque ne se rend pas compte qu’elle fait preuve de sexisme, car la question de représentation est nouvelle et rarement source de préoccupation. Interpeller une marque permet de lui montrer que nous, les consommateurs et consommatrices, estimons le sujet important. »
Via les réseaux sociaux, les internautes peuvent taguer ou contacter l’association pour partager et faire remonter les annonces problématiques. Après s’être assurée qu’elles soient récentes et véridiques, Pépite Sexiste interpelle ensuite l’enseigne en question. « Ça a beaucoup plus de poids si leur image est impactée sur les réseaux sociaux », affirme Marion Vaquero lors d’une interview pour Les Echos Start. Une manière d’amplifier la voix des consommateurs et consommatrices pour donner l’envie aux marques de changer leur manière de procéder. Certaines réagissent positivement et retirent leur publicité, d’autres sont plus virulentes et accusent l’association d’un « manque d’humour ». Pourtant, depuis la création de l’ONG, environ cinquante “pépites” ont été retirées, et elle continue à faire parler d’elle avec une dizaine d’antennes à l’internationale.
Merci pour votre retour @geant_casino 👍 pic.twitter.com/zps1QTnXHT
— Pépite Sexiste (@PepiteSexiste) July 29, 2020
Depuis les années 1980, les marques créent des produits « pour femmes » et d’autres « pour hommes », pour vendre davantage. Ce type de marketing, dit genré, renforce les stéréotypes selon lesquels hommes et femmes n’auraient pas les mêmes passions, objectifs et goûts. « Pourquoi des jouets mixtes et non genrés ? Pour que dès leur plus jeune âge, les filles et les garçons puissent se projeter dans n’importe quel métier […]. Les jeux de construction et d’action ne doivent pas être réservés qu’aux petits garçons ! », affirme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie, à l’occasion du premier anniversaire de la charte pour une représentation mixte des jouets, signée à Bercy par Pépite Sexiste.
🎼 We are family, I got all my stereotypes with me 🎼 pic.twitter.com/ZoALBz6g7y
— Pépite Sexiste (@PepiteSexiste) February 25, 2020
Sensibiliser au marketing genré pour pointer du doigt la taxe rose : « Souvent, le produit pour femmes/filles est rose et plus cher que celui pour hommes, d’où son nom de taxe rose », explique Pépite Sexiste. Il n’est donc pas rare de voir un jouet bleu moins cher que son homologue rose. Le marketing « parfait », pour Marion Vaquero, s’adresserait aux personnes selon le goût et leur envie plutôt qu’à leur genre. Mais elle insiste dans une interview pour Terrafeminia : « Ce n’est pas une guerre des sexes. Il ne s’agit pas de vouloir un quota d’hommes-objets dans les pubs ou d’ignorer l’existence des femmes ayant choisi d’être mères au foyer, mais de montrer les individus dans leur multidimensionnalité afin d’éviter qu’un sexe soit assimilé à certaines compétences et que l’autre sexe soit assimilé à des compétences antagoniques. » Pour le marketing du futur : la sensibilisation est plus importante que l’interdiction.
Elsa RANCEL
Après la France, nombre d’Allemands se sont récemment lancés dans la lutte contre le marketing sexiste avec la création de Servus Sexismus (filiale associative de Pépite Sexiste). Cette prise de conscience internationale contribue à l’évolution des mœurs au sein de nos sociétés contemporaines. Pourtant, les campagnes publicitaires à connotation sexiste ne datent pas d’hier. Le phénomène est arrivé subitement dans les rues de Paris à partir des années 50, sous forme d’imposantes affiches.
« Monsieur, vous qui aimez la bonne cuisine, offrez lui une super cocotte ! » L’entreprise SEB n’est pas la seule à avoir récidivé dans ce genre de pratiques. L’électroménager étant pleinement démocratisé, il s’agit alors d’une stratégie de communication complètement assumée et répandue. Leurs démarches paraissent de nos jours si déroutantes tant elles ne faisaient l’objet d’aucune polémique. Dans les esprits de l’après-guerre, le rôle de la femme est uniquement concentré sur le gestion du foyer. Ainsi, l’apport de nouveaux appareils comme la « révolutionnaire » cocotte aurait contribué à libérer les femmes, qui restent toujours prisonnières des quatre murs de la maison. Une sorte de liberté en captivité donc. L’image de la femme a évolué dans le temps. Travailleuse et indépendante dans les années 70, elle devient «femme-objet» à l’aube du second millénaire.
Aujourd’hui, le sexisme dans la communication commerciale reste encore une réalité persistante. En dépit des voix qui s’élèvent et du mouvement féminisme qui s’étend, aucun projet de loi de lutte contre le sexisme dans le marketing n’est prévu, pour l’instant. De miniscules avancées pour un immense combat.
Clément VIRON
Valentin SOLERA
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