La classe Pesquet pour les oubliés de l’Éducation nationale
Mettre en place une pédagogie alternative dans une classe d’un collège traditionnel, c’est le pari qu’a relevé Ludovic Leclercq en 2016, ancien professeur et référent du projet « Réussite pour tous » au collège Charles Péguy à Tourcoing.
Comment remédier à l’absentéisme, au décrochage scolaire ? Et si le modèle de l’Education Nationale n’était pas adapté à tous ? Aujourd’hui, un profil d’élève dont le système ne permet pas d’exprimer leur plein potentiel, est de mieux en mieux identifié. Anxiété scolaire, difficultés de socialisation, ennui, besoin de concentration plus important sont autant de caractéristiques communes à ces enfants, qui peinent à y trouver leur place.
Le projet « Réussite pour tous », à l’initiative de Ludovic Leclercq est né de ce constat. Pour sa quatrième rentrée, la classe « Pesquet » (chaque classe est désignée par un nom propre, ndlr), composée de 25 élèves encadrés par 18 enseignants volontaires, fait l’expérience de cette pédagogie, selon l’idée que chaque enfant développe sa propre façon d’apprendre. La classe regroupe les niveaux de 5e, 4e et 3e avec admissions et sorties possibles au cours du cycle des trois ans.
Ensemble dans la diversité
Il est 10 heures. Les élèves sont rassemblés en petits groupes parmi lesquels on aperçoit des visages plus ou moins juvéniles. Inspirée de la pédagogie Montessori, la classe Pesquet utilise le mélange des âges pour l’apprentissage mutuel. « On a tous des profils différents, ce qui fait la richesse de la classe », précise Hugo (4e). On ressent une forte solidarité entre les élèves, sans doute la convergence de leurs difficultés de parcours. Ici, les professeurs cherchent surtout à valoriser les particularités de chacun. « On surexploite leurs spécificités, cela leur permet de trouver des camarades avec des passions équivalentes. L’adolescence est un âge où les élèves se construisent une identité et accordent beaucoup d’importance à l’appartenance au groupe », explique Ludovic Leclercq.
à l’initiative du projet
Allier la théorie à la pratique ? C'est possible !
Au programme ce matin, présentation de soi en sketchnotes (prise de note graphique et visuelle, ndlr). En Pesquet, les cours traditionnels sont prolongés par des ateliers de créativité transdisciplinaires autour d’un projet en groupe. « Les ateliers ne se font pas au détriment des heures de maths ou de français mais bien en complément avec une pédagogie novatrice », assure l’ex enseignant. Des heures d’accompagnements personnalisés sur la gestion des émotions ou des projets en lien avec l’orientation complètent l’emploi du temps.
L’esprit critique, l’imagination, la collaboration et la communication, sont également des compétences travaillées. « On espère davantage préparer les élèves à intégrer le monde du travail et la citoyenneté de demain », confie le référent avant d’ajouter : « Les résultats du brevet montrent que les élèves du cycle réussissent tout aussi bien voire mieux que les autres. »
Un projet qui peine à se faire une place au sein du système classique
Les témoignages sont encourageants. Chloé et Asma (4e) apprécient particulièrement les projets, actuellement, la création d’une friperie dont elles gèrent la logistique : « C’est plus ludique et ça change des cours traditionnels. » « Toutes les journées sont différentes, je ne vois plus le temps passer », confie aussi Solal (5e). Néanmoins, des difficultés subsistent ; le regard des autres et la réinsertion dans le modèle traditionnel, au lycée. Pour Léo (4e), c’est la méconnaissance du système de la classe Pesquet qui crée cette distance avec les autres élèves. Lou, en 1re, pointe du doigt la discontinuité de cette pédagogie au lycée : « Je n’ai pas la même façon de travailler que les autres. Il m’est pénible d’écouter les professeurs sans comprendre l’intérêt du cours. »
Origine : Ludovic Leclercq, ancien professeur de mathématiques au collège Charles Péguy à Tourcoing est à l’initiative du projet. Il supportait difficilement de voir des élèves impliqués et avec de réelles capacités, confrontés à l’échec scolaire à la suite de séries de mauvaises notes. Il repère, avec l’équipe enseignante, ces élèves, dont les besoins ne sont pas comblés par le système éducatif traditionnel et leur propose d’intégrer la classe Pesquet. Ce projet est aujourd’hui supervisé par Grégory Quint.
Laure Sevrin
Crédit photo – Albane Ythier
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Zoom - Les pédagogies alternatives à l'étranger
En France comme partout ailleurs, les écoles alternatives apparaissent de manière florissante. Entre système Montessori, Steiner-Waldorf, ou encore Freinet, ce n’est pas le choix qui manque. Mais la France n’est pas le seul pays à proposer des structures alternatives en matière d’éducation.
Les pays nordiques ont la réputation d’avoir l’un des meilleurs systèmes éducatifs d’Europe. Une enquête menée par PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des Élèves) en 2018 classe les performances de jeunes écoliers dans plusieurs domaines comme les mathématiques, la lecture ou encore les sciences. Sans surprise, la Finlande obtient l’une des meilleurs places du podium : réduction des effectifs et des heures en classe, orientation vers les filières professionnelles ou universitaires uniquement à partir de 15 ou 16 ans, innovation technologique (utilisation de tablettes, ordinateurs et écrans géants)…
On retrouve également des méthodes d’éducation non-conventionnelles dans de nombreux pays étrangers comme au Québec, en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne. En Italie, la méthode Reggio Emilia est la plus connue et considère l’enfant comme acteur du monde, en bannissant toute hiérarchie entre professeurs, enfants et parents. Pour ce qui est du Québec, les écoles alternatives se démarquent surtout par leur accessibilité à tous étant donné qu’elles sont publiques.
Autant d’écoles alternatives et d’approches pédagogiques qui découlent d’une volonté commune : éduquer autrement.
Chloé Sundermeier