Afin de comprendre comment fonctionne notre pensée, il faut pouvoir en appréhender les mécanismes. Depuis maintenant 6 ans, le Savoyard Christophe Michel est vidéaste sur sa chaîne Hygiène Mentale, introduisant la pensée critique. Bénévole à l’Observatoire Zététique, il se décrit comme un « citoyen curieux expert en rien ».
Dans un monde poussant constamment à la polarisation des idées, il devient de plus en plus difficile de ne pas avoir un avis sur tout. Alors comment réussir à construire notre vision du monde de façon plus objective, si tant est que cela soit possible ?
Alors, un biais cognitif, qu’est-ce que c’est ? C’est simplement un mécanisme de pensée du cerveau altérant notre perception et par conséquent notre rationalité. Ce qui nous induit bien souvent en erreur.
A l’origine, leur but est purement biologique : fruit de notre évolution, ils interviennent dans nos prises de décisions pour les faciliter. Malheureusement, cet avantage fort bien utile par le passé est aujourd’hui un handicap quand il s’agit d’envisager certains sujets. C’est l’un des points abordés par Christophe Michel, qui vulgarise un domaine clé de la zététique, la pensée critique.
L’introspection est donc selon lui d’une importance capitale, car il faut « accepter de penser contre soi-même ». Le plus dangereux restant la difficulté à se remettre en question. Notre invité souligne ainsi : « Plus on fait d’études en sciences, moins on forge son esprit critique », se reposant trop sur cette supposée « immunité » aux biais cognitifs.
Le doute, un art ?
La zététique, souvent définie comme « l’art du doute », construit un point de vue intéressant. En effet, nous avons tendance à évaluer une information via le prisme de nos idées. C’est logique, mais fallacieux (qui se trompe, ou cherche à tromper). Il s’agit du biais de confirmation. Pourtant, ce n’est pas parce qu’une nouvelle nous arrange qu’elle en devient pour autant vraie. Christophe Michel considère ce biais comme « le plus pernicieux », « celui dont on parle le plus mais dont il est pourtant le plus difficile de se détacher ».
« Ce qui est affirmé sans preuves peut être rejeté sans preuves ». Le principe de
parcimonie est aussi appelé rasoir d’Ockham.
Christophe Michel se sert de la zététique dans un domaine qui le passionne : le paranormal. Affaires de momies, fantômes, médiums, voyants…. peu traité avec la rigueur scientifique que le sujet mérite, il convient pourtant de toujours analyser les preuves de manière rigoureuse.
L’infographiste de profession a pu participer, en ce sens, à des projets d’éducation aux médias en école primaire avec Rose-Marie Farinella, institutrice en Haute-Savoie. Contrairement aux idées préconçues, il ne considère pas que le problème de la réflexion vienne des enfants, car la construction d’un véritable continuum de raisonnement se fait sur le long terme. Il souligne ainsi : « La pensée critique est un travail de réflexion permanent dans le temps, qui s’effectue tout au long de la vie. »
L’esprit critique, c’est aussi : « Se réapproprier la capacité à analyser et à changer soi-même ses propres croyances. » Le journalisme se présente, selon lui, comme « l’antithèse de la pensée critique, mettant en avant un certain point de vue, la pensée critique étant le fait de se forger soi-même son opinion ». De la différence qu’apporte la réflexion à la pensée. Finalement, l’idée est de se bousculer, de se demander pourquoi l’on pense de telle ou telle manière.
Mais attention, il s’agit là de croiser les sources et de pousser à la réflexion, sans verser dans le rejet complet de toute information à provenance médiatique.
Ainsi, « tout le monde devrait avoir des notions de base en journalisme, comme on connaît les bases de la cuisine ».
Certaines maximes couramment utilisées en zététique étayent ce propos : « Une affirmation
extraordinaire demande des preuves plus qu’ordinaires ».
D'utilité publique
Christophe Michel attache une importance particulière au librisme : tout son travail est sous licence libre de droits « Creative Commons ». Ses vidéos sont par conséquent disponibles sur Skeptikón, plateforme alternative à YouTube (même si elles y restent disponibles) dans une logique de décentralisation et de reprise de contrôle sur le monopole que représente la plateforme.
A noter qu’il est malheureusement impossible d’échapper entièrement à nos biais cognitifs, qui interviennent dans notre système intuitif dans la vie quotidienne. L’esprit critique a donc ses limites. Il nous convient donc de les repousser autant que possible en gardant un esprit critique… ouvert à la critique. La remise en question étant la clef d’une bonne hygiène mentale.
Chaîne Youtube Hygiène mentale : https://www.youtube.com/channel/UCMFcMhePnH4onVHt2-ItPZw
Chaîne Skeptikon Hygiène mentale : https://skeptikon.fr/video-channels/ecf58044-ecfd-46b8-bf6f-d8206bbace38/videos
Claricia Techer
Pour aller plus loin ...
Comment le marketing vous trompe ?
Les entreprises cherchent toujours à augmenter leur nombre de potentiels clients, ça vous l’avez remarqué, mais saviez-vous que pour cela ils ont souvent recours aux biais cognitifs ?
Effectivement, quoi de mieux pour une bonne campagne marketing que de brouiller la perception du consommateur, et ainsi le pousser à l’achat ? Par exemple, l’effet de mode nous pousse à acheter un produit déjà répandu, par conformisme, car on se dit qu’après tout, si tout le monde l’a c’est que c’est forcément bien, non ? Comme nous le verrons après, l’effet d’ancrage nous trompe sur la valeur réelle d’un bien, et c’est ainsi que nous pensons faire « des affaires » lors des soldes ou du Black Friday, alors que nous avons juste acheté un produit à son prix usuel. Souvent, ce biais peut venir de nous-même, comme avec l’effet IKEA, du nom du célèbre spécialiste des meubles en kits. En construisant notre mobilier, nous y ajoutons une certaine valeur : la satisfaction du travail accompli.
D’autres biais encore, comme l’effet de déclinisme ou de statu quo, pervertissent notre façon de penser, en nous persuadant du bien fondé d’un produit que l’on connaît déjà, et qui ne saurait être mieux chez la concurrence, car si nous l’avons choisi il y a longtemps, c’est qu’il doit forcément être meilleur, et puis nous nous y sommes habitués. Finalement, c’est tout notre système cognitif qui est désorienté, et cela profite aux vendeurs, qui directement ou indirectement parviennent à nous faire investir dans quelque chose qui ne nous était pas essentiel.
Julien Hick
Elsa Yegavian