Pédagogies alternatives : et si l’école publique faisait classe autrement ?
Les pédagogies alternatives se sont démocratisées en maternelle. Cette façon d’appréhender l’enseignement dans l’école publique ouvre un nouveau champ des possibles. Avec le témoignage de Pauline, enseignante en maternelle près de Rouen, nous allons voir comment ces pédagogies pourraient devenir la nouvelle façon d’enseigner.
Comment faire de l’école un endroit bienveillant pour les enfants ? C’est à cette question que les enseignants, comme Pauline, tentent de répondre. Avec la pédagogie Montessori, ils reprennent l’idée que se faisait Maria Montessori de l’enseignement : développer l’autonomie et la confiance en soi des enfants, dès le plus jeune âge.
Une nouvelle façon d’appréhender l’enseignement
Même s’il est compliqué de mesurer l’ampleur de l’accès aux pédagogies alternatives dans le public, on peut déjà faire un constat simple : l’ESPE soit l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education dispense des cours sur Montessori ainsi que sur les classes flexibles. Ces cours restent marginaux, mais ils peuvent être le début d’une réflexion sur la façon d’appréhender le métier pour les futurs professeurs. Il existe aussi des formations, mais souvent délivrées par des organismes privés, sans prises en charge de l’Etat ou délivrées par les CANOPE mais sur le temps libre des enseignants.
Dans son étude publiée en 2018, l’association Montessori Public montre que 48% des professeurs interrogés mettant en place des activités Montessori sont autodidactes. Grâce à l’entraide entre collègues et l’apprentissage sur le terrain, Pauline a réussi à proposer des ateliers où les enfants sont autonomes et libres de choisir.
C’est mon objectif: l’autonomie des enfants.»
La pédagogie Montessori a été inventée par Maria Montessori, une médecin italienne, dans les années 20. Elle considérait que les enfants ont «un esprit absorbant», c’est-à-dire qu’ils apprennent sans effort, en suivant simplement le cours de leur vie. Chaque activité devient un moment d’apprentissage. L’autre point important, c’est l’autonomie des enfants. Grâce à un environnement préparé, qui encourage l’auto-apprentissage, le rythme de l’enfant est respecté. Maria Montessori voulait avant-tout respecter le rythme de l’enfant, pour lui redonner confiance en lui et développer son autonomie.
La classe flexible est un concept tout droit venu d’Amérique du Nord. La classe flexible est un aménagement censé s’adapter aux besoins de l’enfant. La classe est organisée autour d’îlots, pour favoriser l’interaction entre les enfants. Le mobilier est aussi différent : on propose différentes places assises (chaises, ballons, coussins), différentes hauteurs de tables. Le but est de s’adapter aux besoins de l’enfant et de lui donner le plus de liberté possible dans ses choix.
Il s’agit d’un opérateur de l’Education nationale chargé de la formation et de l’accompagnement des enseignants par le bais de ressources pédagogiques, de formations et d’actions pour l’éducation aux médias et à l’information.
Mais est-ce que ces méthodes sont en adéquation avec les programmes?
L’avantage de la maternelle, c’est l’absence de programme strict, expliquant la relative liberté des enseignants pour appliquer des pédagogies alternatives. Et l’obligation d’être scolarisé dès 3 ans depuis 2019 permet de toucher une audience bien plus large. Mais il reste une question centrale : comment faire lorsqu’on a peu de moyens?
L’accessibilité grâce à Internet
De nombreux blogs et tutos ont fleuri sur Internet. Grâce à cet accès gratuit à des ressources précieuses, les enseignants et parents peuvent découvrir ces pédagogies alternatives. Cette démocratisation permet de pallier deux problèmes majeurs : le manque de moyens et les inégalités scolaires.
Avec Internet, de nouvelles options peu chères voient le jour : des jeux avec des objets du quotidien développant des compétences chez les enfants. Comment travailler la motricité ? Il suffit d’une pince à épiler et de pâtes, et l’enfant apprend patience, persévérance et précision, sans la pression de l’échec. Grâce à la multitude de choix sur Internet, les alternatives ne manquent pas.
Il faut aussi rappeler que les écoles Montessori sont payantes : privées et hors contrat, elles peuvent coûter jusqu’à 750 euros par mois. Toutes les familles n’ont pas les moyens, d’où l’intérêt de voir se développer ces méthodes dans le public.
Même si les pédagogies alternatives se font une place dans le public, elles restent assez peu présentes à partir de l’élémentaire, à cause de la difficulté de les accorder avec des programmes plus stricts. La question est donc de savoir jusqu’à quel point l’école est prête à se réinventer pour enseigner différemment aux enfants.
Emma LANARRE
Crédit photo: Lisa BERGES
Vidéo : L’IEF (Instruction en famille) expliquée par Hélène Douay
Zoom : La France et l’IEF, une association parfois bien difficile
A la rentrée 2018, 35 000 enfants étaient en instruction à domicile. Aujourd’hui, ils sont près de 50 000 soit moins de 0.5% des élèves. Cette évolution, que l’on observait déjà depuis plusieurs années, est néanmoins très pointée du doigt par Emmanuel Macron qui, le 2 octobre 2020, lors d’un discours sur les séparatismes aux Mureaux (Yvelines) a voulu montrer cette alternative comme «incompatible» pour l’éducation des enfants. Ainsi, dès la rentrée 2021, celui-ci a annoncé que : « L’instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé.». Un véritable choc pour les familles adeptes de l’IEF qui ne comprennent pas cette décision. Pourtant, même si la pratique a été plus ou moins défendue, elle reste très surveillée par les pouvoirs publics.
En 1882, la loi de Jules Ferry rend l’instruction obligatoire en France. Toutefois, les parents sont toujours libres de choisir le mode d’instruction de leur enfant. Dès 1998, par le biais de la loi du 18 décembre, l’Etat français cherche à renforcer et à prioriser le mode d’enseignement via les établissements scolaires, tout cela sans remettre en cause l’IEF. Le contrôle de l’obligation scolaire est alors renforcé. Enfin, les lois du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance et la prévention de la délinquance approfondissent et précisent le contrôle de l’IEF. Des inspecteurs de l’éducation nationale sont tenus de vérifier la progression des enfants éduqués à la maison. Ces lois sont précisées en 2011 et les familles qui pratiquent l’IEF sont alors moins suspectées de dérives pédagogiques.
Au fil du temps, l’Etat français va tenir à contrôler d’une certaine manière cette alternative éducative. Mais aujourd’hui, de nombreuses craintes comme l’embrigadement sectaire resurgissent. Ce droit au choix du mode d’instruction, pourtant reconnu au sein de l’UE est alors de plus en plus remis en cause.
Pierre LASSAUGE
Pour en savoir plus, c’est par ici :
- Lien concernant l’enquête menée par Public Montessori en 2018 citée par l’article: https://public-montessori.fr/wp-content/uploads/2018/06/Article-Public-Montessori-Sondage.pdf
- Lien menant vers un article sur un autre mode d’éducation alternatif: http://le-chatillon-lille.fr/2020/10/13/la-classe-pesquet-pour-les-oublies-de-leducation-nationale/
- Lien menant à un podcast sur Maria Montessori: https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/maria-montessori-1870-1952-le-mystere-de-lenfant
- Reportage sur les écoles alternatives réalisé par Arte : https://www.youtube.com/watch?v=dzWnz8679AM