Confrontée au problème de l’inclusion des handicapés, l’entreprise Alcatel Lucent a créé l’association @talentEgal en 2010, pour permettre aux jeunes en situation de handicap d’accéder aux postes à responsabilités. Nous avons pu échanger avec Agnès de L’Épine sa directrice opérationnelle.
La peur des études est une problématique récurrente chez les jeunes handicapés. Accéder aux grandes écoles relève donc parfois du casse-tête pour eux. Tout dépend alors de leur motivation et surtout de celle de leurs parents à vaincre leur autocensure. En effet, seulement 6% des étudiants en situation de handicap se lancent dans des études supérieures. Aider des jeunes à franchir le pas c’est la raison d’être de l’association @TalentEgal.
Née en 2010, elle est d’abord une émanation d’Alcatel-Lucent, une entreprise de télécommunications. Confrontés à l’impossibilité de remplir les quotas de travailleurs handicapés par manque de candidat, les dirigeants de l’entreprise ont donc décidé de créer @TalentEgal pour remédier à ce problème.
Un partenariat unique
« Faire le lien entre les étudiants en situation de handicap, les écoles et les entreprises » est le premier objectif de l’association déclare Agnès de l’Épine. Au départ, l’association est le fruit d’un regroupement entre Alcatel-Lucent et 6 établissements d’enseignement supérieur partenaires. Aujourd’hui, ce n’est pas moins de 5 entreprises du domaine des télécommunications ou de l’ingénierie et 8 établissements d’enseignements supérieurs qui contribuent au programme.
Concrètement, @TalentEgal a créé « un accompagnement personnalisé, qu’il est possible de mettre en place dès la première année dans l’école partenaire ». Il s’agit de répondre à toute demande de l’étudiant dès que cela concerne le cadre extrascolaire. Par exemple, un étudiant devait traverser le chantier du tramway pour accéder à son IUT, @TalentEgal s’est mis en relation avec les entreprises du bâtiment concernées pour lui construire un passage piéton. L’association agit comme une plateforme mettant en relation toutes les initiatives locales, mais aussi étatiques susceptibles d’aider le jeune. Les étudiants ont aussi accès à des formations en e-learning, « des formations typiques d’un cadre en entreprise », selon Agnès de l’Épine. Il s’agit surtout de les préparer à intégrer le monde professionnel. C’est aussi le sens du tutorat proposé aux étudiants. Celui-ci s’articule en deux parties : une partie opérationnelle, avec « un employé qualifié, volontaire amené à parler de son métier et qui peut ouvrir son réseau ». On trouve également une partie « Ressources humaines », avant tout faite pour informer l’étudiant de ses droits, mais aussi pour l’aider dans l’administratif ou dans la construction d’un projet professionnel (notamment par la rédaction de son CV).
Et l'avenir ?
Si @TalentEgal veut grandir, Agnès de l’Épine le répète : « Il faut qu’on reste à taille humaine, on ne veut pas devenir une machine. » D’autant plus que l’accompagnement peut parfois montrer certaines limites. C’est un parcours du combattant, reparti sur plusieurs années, sans garantie d’embauche pour les entreprises. Ce manque de “rentabilité” à court terme a pu freiner certaines sociétés à s’engager financièrement avec l’association. Du côté des écoles, la cotisation dont il faut s’acquitter, de l’ordre de plusieurs milliers d’euros, ralentit aussi l’adhésion.
Si l’inclusion des personnes en situation de handicap dans l’entreprise progresse grâce à cette initiative, le chemin reste long. Les entreprises arriveront-elles à vaincre leur peur du handicap ?
Maël Le Grouiec
Photo : @talentégal
TEMOIGNAGES
L’association @TALENTEGAL vue par des anciens étudiants
“L’association est un levier très important pour les gens qui vont l’intégrer”, selon Moussa Sissokho, gestionnaire de commandes. Pour les étudiants handicapés passés par l’association, cette dernière leur a permis de trouver un master spécialisé, une formation en alternance, un travail… bref, intégrer une école et trouver un job. “[@TALENTEGAL] m’ont aidé par leurs démarches pour obtenir le Master spécialisé et avoir une vue concrète du marché”, raconte Thanh Truong, gestionnaire de stockage des données. “[L’association] m’a permis de rentrer en alternance à la Snecma”, explique Alexandre Cano, acheteur industriel en alternance.
L’accompagnement de l’association a été bénéfique pour beaucoup d’étudiants, que ce soit dans leur cursus, leur formation ou leur expérience. Les personnes handicapées apprennent à faire valoir leurs qualités et faire leurs premiers pas dans le monde de l’entreprise. “Grâce à @TALENTEGAL, les chances restent les mêmes entre les personnes avec un handicap et les personnes “normales”“, témoigne Khanh Son Nguyen Ngoc, communicateur de données. Les étudiants apprennent également à surmonter leur handicap et enlèvent les barrières qui se trouvent sur leur chemin. “Ce n’est pas parce qu’on va avoir un handicap qu’on ne sera pas capable d’assurer les objectifs. Et au contraire, le fait d’avoir vécu ce handicap, c’est ce qui va nous permettre d’être beaucoup plus résilient“, atteste Cyrille Treillard, ingénieur en système d’informations.
L’association a permis à des étudiants d’accéder à des études et des emplois variés. @TALENTEGAL est peut être une porte à ouvrir pour les personnes handicapées qui ont besoin d’aide afin de s’insérer dans le milieu professionnel, même si celle-ci est encore loin de résoudre toutes les difficultées rencontrées.
Arnaud Mahu
Photo : @talentégal
La discrimination positive
Vidéo réalisée par Louis Mathieu