Mathilde d’Alançon, une générosité contagieuse
Posted On 21 novembre 2020
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Un sourire dans la voix, Mathilde d’Alançon décroche avec un simple « Bonjour c’est moi ». Elle a eu un contre temps, les cours, son projet, sa vie, la jeune femme est occupée. Son ton est posé, doux, timbré. À elle seule, sa voix pourrait la résumer : elle a l’assurance de la professeure, la clarté de celle qui a déjà été interviewée, une chaleur naturelle.
« Entre prof de français au Zimbabwe et coach de rugby au Maroc, dans la bibliothèque, ou sur le terrain, elle est toujours heureuse. » Sur son site internet, sa biographie tient en ces quelques lignes.
En 2019, après une prépa littéraire elle s’envole au Zimbabwe pour « découvrir un nouveau pays, me mettre un peu en difficulté. Tester mes propres limites aussi ». Son premier engagement, son premier pas de côté d’une vie familière, la prise de risque qui bouleverse, change, fait grandir.
Elle veut se confronter au vrai monde, consciente du « côté un peu déconnecté » de ses études. « Les livres, les concepts philosophiques c’est très conceptuel. » Alors à l’autre bout du globe, elle agit en donnant des cours de français aux élèves de la 6e à la 4e et aux professeurs qui le souhaitent.
Elle raconte, presque retournée là-bas : « Un jour j’ai rencontré une famille dans un village isolé. Ils ont tué une de leur dinde en m’accueillant parce que c’est comme ça qu’ils reçoivent les invités. On l’a partagée au repas et pour eux c’est tout ce qu’ils ont. Il y a une grande générosité parmi la souffrance. Et je me suis dit, moi j’ai tout en France c’est pas juste ».
D’une voix plus dure, plus adulte, elle fait sa propre autocritique et celle d’une conception européenne, colonisatrice de l’humanitaire. « Je savais très bien que je ne pourrais pas sauver le monde. Il ne faut pas venir dans cette optique parce que là pour le coup c’est une démarche agressive. Personne n’a besoin d’être sauvé. »
Avec du recul et un œil familier de sa biographie, 1 lettre 1 sourire apparaît comme l’aboutissement de ses expériences personnelles. Sa volonté d’engagement née au Zimbabwe s’est traduite naturellement dans le projet tout comme son parcours littéraire dans le choix du support, les lettres. Mais dans la réalité, c’est le concours de circonstances, une remarque de son père qui fait naître le projet : « Avec le confinement, les personnes âgées sont isolées. Comment survivre sans la visite de leurs proches ? Si elles ne meurent pas du virus elles vont mourir de solitude. » Sa cousine, Aliénor, propose de leur écrire des lettres. « J’ai dit ok et trois jours après on avait lancé le site. »
L’initiative familiale prend rapidement de l’ampleur. « Pendant le confinement on recevait 6000 lettres par jour. On a été un peu surpris. » Sur ses cousins, Aliénor, les stagiaires, les bénévoles, Mathilde d’Alençon est dithyrambique : la réussite est collective.
Au milieu du chaos bruyant, de la crise sanitaire, des directs en « Breaking news », il y a la solitude, le silence criant de ceux qu’on doit protéger, les premiers concernés, isolés, confinés. Les personnes âgées, les vulnérables, nos anciens, les destinataires de ces lettres. Des histoires touchantes il y en a eu beaucoup. Une étudiante qui demande conseil sur ses choix d’avenir, ceux qui n’ont jamais pu être grands-parents qui conseillent, guident, des appels téléphoniques, des rencontres dans « l’après », quelques larmes et des sourires. « C’est l’échange inter-générationnel qui est touchant. Le projet doit servir à ça. »
Effectivement, « on ne peut pas sauver le monde », mais le faire sourire semble être un bon début.
Zoé Pierre-Francois
Ma grand-mère a quasiment 80 ans. 80 tours du soleil, et sa santé laisse deviner qu’elle n’est pas au bout. Elle est toujours aussi active, voyage beaucoup et reste entourée.
Cependant, ce cas de figure possiblement idéal n’est pas accessible à tous. D’après une étude du CNSA, environ 600 000 personnes vivent aujourd’hui en EHPAD. Établissements dans lesquels les conditions de vie et le traitement des hôtes restent contestés. Les avis demeurent mitigés.
Durant le premier confinement, tout contact extérieur était interdit aux retraités des EHPAD. Leur santé étant fragile, la menace du virus grandissante. Des arrangements ont été prévus : appels en visio, lettres, animations dans le centre d’accueil, etc. Mais rien de physique. Dans la forme cela paraît logique et censé, ceci dit certains facteurs clé de la santé des retraités passent à la trappe. C’est la santé mentale qui est surtout touchée et une santé mentale impacte l’appétit, qui développe des problèmes physiques qui, à leur tour, peuvent être fatals. Grand nombre de ces retraités ont dit au revoir à la vie, sans pouvoir faire de même avec leurs proches.
Le contact avec ces personnes est nécessaire, vital. On se souvient de la photo de Pascal Bonnière, pour la Voix du Nord, montrant une femme qui bravait le confinement pour dire bonjour à sa mère, séparée par une vitre. En ces temps rudes pour tous, jeunes, étudiants, professionnels en tout genre, il ne faut pas oublier cette population qui souffre silencieusement.
S’il faut vivre, alors vivons ensemble.
Alexandre Schmitt
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