Avec Tchaomegot, Julien Paque recycle les mégots en doudounes
Depuis 2019, Julien Paque recycle les mégots de cigarettes en matière isolante, qui peut ensuite être utilisée dans les doudounes ou les maisons. Avec TchaoMegot, il recycle les mégots sans utiliser d’eau ni de produits toxiques, et récupère 99,7% de fibre dépolluée.
Compliqué de discerner les expressions de visage à travers le masque, mais une chose est sûre : Julien Paque est souriant. Il arrive sur le lieu de rencontre avec ses sacs de collecte, des bocaux et de la matière recyclée à partir des mégots. Il est même vêtu d’une doudoune fabriquée à partir de son matériau ! Pour le moment, il détient une machine de dépollution et produit les vêtements avec des sous-traitants, mais son objectif : “Tout faire nous-mêmes, et tout produire dans les Hauts-de-France.”
À l’origine du projet
Julien Paque, 23 ans, grandit à la campagne, “entouré par la nature”. Il quitte le cocon familial pour étudier à l’HEI Lille, d’où il sort diplômé en 2019. Il se lance alors dans le projet TchaoMegot en guise de stage de fin d’études. L’idée lui vient un an plus tôt, alors qu’il travaillait avec son père sur l’isolation d’un bâtiment. “Il y avait un mégot qui était ouvert au sol, et ça avait la même couleur, le même aspect” que l’isolant. C’est de cette observation innocente qu’est lancée l’idée. “C’est complètement fou, on s’est rendu compte que la matière du filtre était la même matière utilisée pour isoler les maisons.”
Julien est maintenant entouré d’une équipe de 6 personnes, et a créé sa société en juillet 2020. Le projet qui a d’abord commencé “dans la serre du jardin” de ses parents a bien évolué. Toujours accompagné par la famille, il est désormais associé avec son père dans la société.
Rendre le monde meilleur
Julien n’est pas fumeur. Et il a encore moins envie de commencer depuis qu’il voit “tout ce qu’on extrait” d’un mégot. Il a toujours été “sensible” à la cause environnementale, et rêve d’un monde meilleur : “Notre but à long terme : qu’il n’y ait plus de problèmes, plus de mégots, plus de fumeurs.” Et si cela arrive un jour, le projet ne tombe pas à l’eau : “C’est une technologie qu’on peut adapter à d’autres problématiques”, à d’autres déchets. Mais impossible d’obtenir plus d’informations pour le moment, l’innovation étant en train d’être brevetée…
Julien ne veut surtout pas inciter les gens à consommer des cigarettes pour fournir plus de mégots : avec sa société, il souhaite financer des associations qui aident les gens à arrêter de fumer. “On met en avant la dangerosité du mégot pour l’environnement mais aussi pour l’homme.”
Et le futur ?
Le confinement, Julien l’a passé à la campagne. C’était un bon moyen de mettre en pause le projet qui “a démarré super vite”. Maintenant que la phase de recherche et de développement est terminée, Julien se concentre sur la collecte. Et si la Covid a freiné cette étape – impossibilité de collecter des mégots dans les restaurants ou les festivals comme prévu – la pandémie a “ouvert d’autres portes vers des nouveaux marchés”, comme les magasins ou les hôpitaux.
Le jour de la rencontre, Julien venait à Lille pour présenter des “solutions de collecte” à des cliniques, mais il espère pouvoir toucher la ville de Lille dans son ensemble. Et d’ici à septembre 2021, il souhaite développer un site dans les Hauts-de-France “qui traiterait la totalité des mégots de la région”, environ 80 tonnes. Plein d’ambition, il vise à “devenir un acteur majeur à l’échelle nationale” et exporter son projet dans d’autres régions, jusqu’à recycler les mégots de la France entière.
Célia Consolini
Zoom : le recyclage est-il vraiment une bonne chose ?
Quand on évoque l’écologie et la crise environnementale, on pense naturellement au recyclage comme étant la solution ultime. Or, recycler peut s’avérer être également source de pollutions. Zoomons donc sur les limites du recyclage comme solution à la crise écologique.
Le problème majeur du recyclage est le fait que l’on ne peut pas tout recycler. En effet, il existe une partie des déchets, incompressible, qui sont donc non-recyclable. Cette part de déchets n’a, aujourd’hui, que très peu d’exutoires. A titre indicatif, la moitié des emballages plastiques mis sur le marché français ne se recycle pas ou très peu. Cela représente 550 000 tonnes d’emballages plastiques non-recyclables par an. Tout ceci entraîne, inexorablement, le ralentissement d’activité de certaines usines à recyclage afin de ne pas sur-stocker cette partie de déchets non-recyclables.
Ces déchets non-recyclables finissent majoritairement dans des incinérateurs, payés par la ville. Pour autant, à cause de son prix élevé, ce dispositif n’est pas présent partout. Dans ces collectivités, aux moyens réduits, beaucoup de déchets non-recyclables finissent à la déchetterie. Le stockage de ces déchets représentent ainsi, une menace pour le développement durable de par leur quantité qui ne cesse de s’accumuler.
Pour réduire l’utilisation de ces déchets non-recyclables, il faut changer les habitudes de consommation. On peut, par exemple, consommer des produits avec peu d’emballages ou fabriquer nos propres produits ménagers.
Lucas Charpiot